En 2022, l'Inrap a mené une étude du bâti dans le cadre de travaux de restauration du pignon sur rue et de la charpente de l’hôtel de ville de Beaulieu-sur-Loire, portés par la commune et sur prescription du Service régional de l’archéologie Centre-Val-de-Loire. L'étude a pour but d'étudier un ensemble de quatre bâtiments sur quatre niveaux ainsi que des pièces de bois (façade en pans de bois et charpente).

Dernière modification
19 août 2024

En cœur de bourg, l’emprise de la fouille est limitée au nord-ouest par la rue du Huit mai, au sud-ouest et au nord-est par des parcelles construites et au sud-est par la place de l’église.

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Localisation des différents bâtiments du groupe de l’Hôtel de ville au 1000e, 2022.

© Estelle Delmont, Inrap

 

Un îlot de bâtiments diachroniques

L’édifice se compose d’un ensemble de constructions diachroniques intriquées au cours du temps. La distribution des espaces s’en trouve totalement modifiée. Les accès s’effectuent à des niveaux multiples (paliers, demi-paliers…). L’étagement est lié au dénivelé topographique marqué entre la place de l’église et la rue du Huit mai, deux espaces limitant l’ensemble au nord-ouest et au sud-est.

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La série de bâtiments constituant la mairie de Beaulieu-sur-Loire sur le parvis de l’église Saint-Étienne, 2022.

© Estelle Delmont, Inrap

L’analyse de cet ensemble bâti hétéroclite a été menée par une approche systématisée des différents espaces. Chaque édifice est décomposé en entités spatiales, formant des ensembles clos et cohérents de type cage d’escalier, cave, cellier, comble, pièce, porche et venelle. Ainsi ce sont 20 entités spatiales qui ont été attribuées.

Au sein de ces espaces, l’identification d'entités architecturales permet de regrouper plusieurs unités stratigraphiques diachroniques d’un même élément architectonique. 99 entités architecturales désignent des structurations diverses : porte, fenêtre, jour, croisée, évier, corbeau, cheminée, dalle, niche, pilier, trémie, soupirail, trou de boulin, trou de solive, cavité ou empochement. L’inventaire raisonné de ces éléments dégage des faisceaux d’indice, parfois récurrents, qui répondent à des programmes architecturaux cohérents, de par la modénature ou l’usage d’outils notamment, selon les phases d’occupation successives.

L’implantation de l’îlot dès l’époque médiévale est conservée dans la structure intrinsèque du monument. Plusieurs indices disséminés de cette occupation du bas Moyen Âge ont été relevés : des ouvertures aux piédroits taillés de congés en pointe, une fenêtre dotée de coussiège, une porte couverte d’un arc segmentaire, une cheminée sculptée...

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La cheminée du XVe siècle.

© Estelle Delmont, Inrap

Néanmoins les remaniements les plus significatifs sont initiés principalement au cours du XVIe siècle par les chanoines de Saint-Etienne de Bourges. Après le rachat d’un vaste ensemble à proximité immédiate de l’église Saint-Étienne de Beaulieu-sur-Loire, la communauté religieuse va apporter de nombreuses modifications à ces espaces et étendre les constructions. Le cadastre actuel a figé ces transformations : ajout de bâtiment, suppression ou création de venelle, lotissement de cours, ajout d’escaliers… La nécessité de commander ces espaces depuis de multiples niveaux de circulation a requis l’ajout d’escaliers : la vis a été doublée d’un escalier de type rampe sur rampe.

Le pignon en pans de bois du bâtiment en front de place participe de cette phase de reprise massive effectuée au XVIe siècle par les chanoines. La dépose des enduits a dévoilé les hourdis, totalement refaits en 1986. Ils colmatent les interstices des pièces de bois. Malgré quelques lancis, la plupart des sections sont d’origine ou conservent de nombreux indices de l’aspect d’origine, conservant les entailles d’une croisée ou d’un chanfrein. Les assemblages sont multiples et pour certains assez complexes et originaux, combinant parfois plusieurs systèmes (en peigne, tenons /mortaises, chevilles de bois, découpes d’encoches…). Les croix de Saint-André du pignon sont assemblées à mi-bois alors que les autres pièces (potelets, losanges…) sont assemblées par des tenons / mortaises chevillés.

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La façade en pans de bois de la mairie de Beaulieu-sur-Loire, datée du XVIe siècle.

 © Estelle Delmont et Armelle Prévot, Inrap

Ces diverses observations de terrain ont été enrichies en post-fouille par une étude documentaire et une analyse de terres cuites architecturales. Le dépouillement, effectué aux archives départementales du Cher par Pascal Poulle, porte essentiellement sur les terriers du XVIIIe siècle. Cette analyse alimente les connaissances de l’édifice multipartite aux périodes plus récentes.

L’étude des tuiles, menée par Sylvie Serre, fait suite à la dépose totale de la toiture. Le retrait et le tri des matériaux sont effectués directement in situ par les charpentiers de Bourgogne, responsables de la restauration. Ces informations permettent d’alimenter en parallèle des connaissances régionales entreprises depuis plusieurs années, par la spécialiste de ce matériau au sein du réseau TCA (terre cuite architecturale).

Pour conclure, l’approche globale des quatre bâtiments sur les quatre niveaux d’occupation, couplée à l’analyse de la façade en pans de bois et à la description des charpentes, ont permis d’établir une proposition de phasage des différentes sections des bâtiments. L’examen technique alimente également les connaissances de ce patrimoine tant par l’identification des traces de taille laissées dans la roche ou le bois que par leur mise en œuvre.

Cet ensemble peu étudié voit donc une évolution complexe qui reste encore à exploiter en post-fouille. Les études en cours permettront d’apporter un éclairage nouveau sur l’occupation de la communauté de chanoine voire des occupations antérieures.

Aménageur : Commune de Beaulieu-sur-Loire
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Centre-Val-de-Loire)
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable scientifique : Estelle Delmont, Inrap