La fouille préventive menée par l'Inrap à Remilly-les-Pothées (Ardennes) a permis la découverte de plusieurs occupations au pied d'un versant en bordure de l'Audry. Deux d'entre elles s'avèrent particulièrement bien conservées : l'une datée du Mésolithique (7000 à 5300 avant J.-C.) est représentée par plusieurs vestiges de haltes de chasse successives ; l'autre remontant à l'Antiquité (IIe siècle à la fin du IIIe siècle après J.-C.), correspond à un sanctuaire et plusieurs bûchers funéraires, diachroniques.

Dernière modification
10 mai 2016

Lors de cette fouille, un peu plus de 3 hectares ont été décapés et se répartissent en deux zones distantes d'une quarantaine de mètres. La zone A d'une superficie de 2,3 ha s'est avérée la mieux conservée, sa situation en pied de versant ayant favorisé la bonne conservation des niveaux archéologiques.

Les découvertes réalisées sont exceptionnelles à plusieurs titres. La nature des occupations identifiées ainsi que leur datation trouve peu d'écho dans la région. En effet, les fouilles récentes sur la période mésolithique demeurent encore peu nombreuses, et la présence de deux niveaux d'occupation bien conservés, et datés, confèrent une certaine qualité des données. Enfin, la période antique se caractérise par un sanctuaire et une zone de bûchers funéraires qui semblent se succéder du  IIe siècle à la fin du IIIe siècle après J.-C.

Une implantation privilégiée

Le site, localisé en pied de versant, s'est révélé particulièrement bien conservé et stratifié. En dehors des deux périodes principales reconnues lors du diagnostic (CG 08), quelques témoins d'occupation du Néolithique, de l'âge du Bronze et de La Tène finale ont été identifiés. Cette stratification a été rendue possible par la présence au sein de la principale zone de fouille, d'un replat localisé au pied du versant. Cette zone a favorisé l'implantation humaine et l'accumulation de sédiments issus de dépôts de pente,  générant une stratification des niveaux archéologiques. Les études géomorphologiques et pédologiques appliquées sur le terrain, ont permis d'établir un schéma cohérent de l'évolution du site depuis la fin de la dernière glaciation (entre 15000 et 10000 avant notre ère).

Il y a 9000 ans : les derniers chasseurs-cueilleurs ardenniens

Au sein de la principale zone de fouille, les décapages successifs ont permis de mettre au jour sept concentrations de vestiges (de 15 à 125 m²), cinq amas de silex taillés, deux foyers et quatre zones de rejet, répartis au sein de deux niveaux d'occupations. Au final, 308 m² ont été fouillés manuellement et ont livré un peu plus de 7 000 pièces (hors fragments osseux), auxquelles il faut ajouter 4 800 pièces récoltées à la pelle mécanique en dehors. La présence de nombreux restes osseux, parfois déterminables et entiers, confère un intérêt tout particulier au site.
Le niveau d'occupation le plus récent se caractérise par une vaste concentration de près de 4 000 vestiges répartis sur une surface d'environ 120 m². Parallèlement, des zones d'activités impliquant de nombreux ossements animaux, dont de l'aurochs (ancêtre du boeuf), des lames brutes et des outils divers (grattoirs, lames retouchées, macrolithes en schistes, photo 1) ont été identifiées en dehors du site. L'outillage, comme les premières datations réalisées permettent de rapporter cette occupation au Mésolithique final (5500-5300 avant J.-C.). 
Le second niveau d'occupation, daté de la fin du Mésolithique moyen (environs 7000-6700 avant J.-C.) se matérialise par trois locus peu étendus, trois amas, deux foyers et quatre zones de vidanges. Les trois locus semblent dédiés à la fabrication d'armatures à retouche couvrante,  caractéristiques de cette période (photo 2) et d'une entité culturelle bien identifiée en Belgique et au Luxembourg (groupes du RMS-A, Gob 1984, Spier 1999). Ce niveau, au sein duquel les ossements de sanglier dominent, se caractérise également par la découverte exceptionnelle d'une pointe en os décorée (photo 3).

À partir du Ier siècle après J.-C. : un sanctuaire et des bûchers funéraires

Après les occupations mésolithiques, quelques vestiges d'occupations du Néolithique moyen et de l'âge du Bronze final ont été identifiés. L'occupation du site reprend de manière plus pérenne à La Tène finale. C'est à partir du Ier siècle que le site devient un lieu dédié aux pratiques sacrées et funéraires. Un sanctuaire et une série de six bûchers funéraires ont été mis en évidence sur la principale zone de fouille. Le sanctuaire, ou fanum, est composé d'un bâtiment à plan centré, d'une cella (pièce dédiée à une divinité) et d'une galerie périphérique (photo 4). Il est encadré par une palissade carrée. Les bûchers funéraires, quant à eux, sont situés à une trentaine de mètres au nord du sanctuaire. Il s'agit de six fosses allongées contenant l'intégralité des restes de la crémation (ossements, mobilier céramique, verre, métal, ainsi que des restes organiques, comme le bois ; photo 5). Ils témoignent d'une pratique funéraire élaborée, où le défunt était incinéré avant que ses cendres soient rassemblées et réunies dans un autre lieu. Celui-ci n'a pas pu être identifié lors de la fouille. S'il peut être tentant de rapprocher les pratiques religieuses du sanctuaire, avec les bûchers funéraires, il est fortement probable que ces deux pratiques ne soient pas en lien, puisqu'elles semblent se dérouler à des périodes différentes de l'Antiquité.

Conclusion

La fouille du site de Remilly-les-Pothées / La Culotte présente un intérêt majeur à plusieurs titres. Tout d'abord, ce gisement a révélé plusieurs occupations archéologiques et un très bon état de conservation des niveaux les plus anciens. Les deux occupations principales contribuent largement à renouveler les données au coeur d'une région où les fouilles archéologiques récentes sont peu nombreuses. Il s'agit de l'un des rares sites identifiés comme relevant des phases moyenne et finale du Mésolithique, en France. L'étude des outils en silex devrait révéler la nature des activités pratiquées et la fonction des diverses occupations humaines identifiées sur le site qui sont de courtes durées et probablement spécialisées. La période antique quant à elle se distingue par le rôle sacré et funéraire donné à ce lieu à partir du Ier siècle.