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L'objet néolithique du mois : la dame de Villers-Carbonnel
Lors de fouilles préalables au percement du canal Seine-Nord Europe, des archéologues de l'Inrap ont fouillé en 2011 deux vastes enceintes appartenant à la culture chasséenne (environ 4300-3600 avant notre ère) sur la rive gauche de la Somme. L’une a livré une exceptionnelle statuette de terre cuite de 21 cm, une représentation féminine dont on ne connaît que de rares exemples en France, que les archéologues ont dénommée la Dame de Villers-Carbonnel.
Villers-Carbonnel et ses enceintes néolithiques
Le site de la Sole d'Happlincourt, dans la commune de Villers-Carbonnel, est implanté sur une légère pente à proximité immédiate de la confluence entre la Somme et l'Omignon. Le décapage, sur une surface de 4,5 hectares, a permis la découverte d'une occupation néolithique comprenant plusieurs fossés d'enceinte, palissadés ou non. L'organisation spatiale, la morphologie des creusements des fossés et des poteaux, les relations stratigraphiques ainsi que la présence ou non de mobilier archéologique dans les remplissages, permettent d'envisager deux grandes étapes de construction.
La première ne comprenait qu'une palissade enserrant une surface que l'on peut estimer à 6 hectares. La seconde correspond à un agrandissement important du site, dont la surface estimée est d'au moins 20 hectares, et était entourée d'une palissade doublée à l'extérieur de tronçons de fossés. Elle abritait des habitats et de nombreuses structures ont été fouillées : bâtiment, fossés, trous de poteau, fours...
La dame
Les archéologues ont retrouvé les fragments d'une statuette dans un four dont la voûte de terre s'est effondrée. Après remontage des fragments, celle-ci s'est révélée entière. Haute de 21 cm, elle est modelée à partir d'une plaque d'argile rectangulaire. Les hanches sont larges et accentuées, les fesses proéminentes et viennent amplifier le déséquilibre entre la partie inférieure du bassin et la taille étroite et fine. Les bras sont esquissés par deux bourrelets au niveau des épaules, mais ne sont pas réellement figurés, pas plus que les mains. Le sexe n'est pas représenté, mais les seins sont formés par l'ajout de deux petites boules de pâte légèrement étirées. La tête enfin, très stylisée et sans visage, est constituée d'un simple cône. Cette statuette féminine possède des lignes pures mais asymétriques, c'est par exemple le cas des seins et des jambes.
Le caractère exceptionnel de la découverte tient à la fois à l'intégrité de la statuette et à la rareté de ces figurations féminines au sein des ensembles du Néolithique moyen (sites de Noyen-sur-Seine en Seine-et-Marne, Maisy dans l'Aisne, Jonquière et Catenoy dans l'Oise ou de Bercy à Paris). Ce type de statuette n'est pas l'apanage du Chasséen, puisque d'autres cultures en ont révélé.
L'unité stylistique qui caractérise ces représentations féminines, malgré de multiples différences, suggère un fonds idéologique commun dont l'origine est méditerranéenne.
Les archéologues ont souvent vu dans ces statuettes, des représentations symboliques de la fertilité pouvant faire l'objet d'un culte domestique. Du Proche-Orient aux confins de l'Europe occidentale, une abondante littérature archéologique a évoqué des cultes à quelques « déesses-mères », concept aujourd'hui de plus en plus contesté.
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Picardie)
Responsable scientifique : Françoise Bostyn, Inrap