Les couches d'occupation accumulées durant les deux premiers siècles de notre ère sont situées sous le niveau de la nappe phréatique. Les conditions de conservation des matériaux périssables y sont particulièrement favorables, comme l'ont prouvé les découvertes de bois, cuir, osier, insectes, graines, etc. réalisées lors de fouilles conduites en 1995 sur la rive d'en face. Constituant un gisement exceptionnel, ces niveaux ont fait l'objet de mesures conservatoires de la part de l'État, limitant la profondeur des fouilles à trois mètres. Les niveaux inférieurs, plus anciens, recelant de nombreux vestiges restent ainsi protégés. Néanmoins, les recherches archéologiques ont permis de retracer l'histoire de ce secteur du IVe s. à nos jours.
Le rempart de la ville gallo-romaine
Au Bas Empire (IIIe-Ve s.), alors qu'elle connait une importante phase de régression, Samarobriva (Amiens) se dote d'une enceinte fortifiée. La ville ne couvre alors plus qu'une vingtaine d'hectares, soit dix fois moins qu'au IIe s. Le mur d'enceinte du castrum (ville fortifiée), élément essentiel de la structuration urbaine entre le IVe et le XIIe s., et jusqu'à présent fort mal connu, traversait d'est en ouest les sites fouillés. Le premier tronçon de courtine mis au jour, long de 50 m, longe la rive de l'Avre. La récupération massive des matériaux au Moyen Âge n'a laissé que l'empreinte du mur, sur sa fondation. Plusieurs blocs en grand appareil, encore en place, formaient le soubassement d'une tour, qu'un trait de repère gravé en arc de cercle a permis d'estimer à 5 m de diamètre. L'existence de tours sur la muraille était jusqu'alors inconnue. Un second tronçon de courtine, découvert 40 m plus à l'ouest, était constitué de massifs de maçonnerie réutilisant les fondations en grand appareil de quais et de bâtiments construits aux Ier et IIe s. le long de l'Avre. Ces ensembles monumentaux en grand appareil - rempart, quais et culée de pont (appui d'extrémité) - sont inédits et ont également bénéficié de mesures conservatoires.
Ces découvertes archéologiques permettront aux chercheurs d'affiner la datation du rempart antique, ainsi que le mode et le rythme de sa construction et de son démantèlement.
Un îlot urbain du Moyen Âge à l'époque contemporaine
L'autre intérêt de ces recherches archéologiques concernait l'étude d'un îlot urbain, depuis sa création au Moyen Âge (intégralement conditionnée par la disparition du rempart antique) jusqu'à sa destruction lors des bombardements de 1940. Jusqu'à la réalisation de ces fouilles, les dix siècles qui suivent la fin de l'époque romaine, tout comme les occupations et installations à l'extérieur du castrum, étaient très mal documentés, tant par les sources écrites que par l'archéologie. Or, l'on sait qu'à partir de la fin du XIe s., Amiens connaît un essor qui se traduit par le développement de vastes faubourgs et nécessite la construction d'une enceinte plus large, achevée sous Philippe Auguste à la fin du XIIe s.. Les fouilles ont permis de confirmer que le front nord de la muraille élevée au IVe s. n'est abandonné qu'à la fin du XIIe s. Jusqu'à cette date, les terrains compris entre la rivière et le rempart antique étaient restés vierges, à l'exception d'implantations légères et temporaires telles qu'un atelier de bronzier carolingien, mis au jour en 2007. Une fois le mur démantelé, l'espace est progressivement urbanisé. Au début, les installations, à proximité d'un cours d'eau mal contrôlé et dont les abords ne sont pas aménagés, sont peu nombreuses et humbles. Puis, au XIVe s., des rues sont tracées, à l'emplacement approximatif de l'ancienne muraille, tandis que des remblais permettent d'exhausser et d'assainir le terrain. D'étroites parcelles sont ensuite définies, donnant d'un côté sur la rivière et de l'autre sur les rues. Les constructions y sont nombreuses, et les caves quasi systématiques. Intra-muros, l'occupation est ininterrompue. Le manque d'espace en surface est compensé dès le Moyen Âge par un réseau extrêmement dense de caves. Les fouilles du site du Bas Parvis ont permis de constater que toutes sortes d'activités s'y pratiquaient jusque récemment, comme par exemple la tannerie.
Aménagement : Palm Promotion / SOGEPROM - Amiénoise d'Hôtellerie
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie, Drac de Picardie
Responsable scientifique : Dominique Gemehl, Inrap