Réalisée à la fin de l’année 2023 et au début de l’année 2024 sur prescription des services de l’État (Drac Occitanie) dans le cadre d’un projet d’aménagement par GGL, la fouille de Boutonnet - Zac Multisites à Montagnac a révélé des témoins inédits et exceptionnellement bien conservés de la fin du Néolithique ainsi que des vestiges funéraires du début des âges des métaux.

Dernière modification
28 mai 2024

Une conservation exceptionnelle

Si les sites de la fin du Préhistoire sont fréquents dans le sud de la France, ils sont généralement fortement arasés et seules les structures en creux viennent documenter les habitats de ces agriculteurs néolithiques qui impactèrent fortement les paysages des plaines languedociennes. À Montagnac, la découverte est tout autre puisque, sur une partie de l’emprise de fouille, les sols archéologiques sont conservés directement à la base des labours. De grands épandages de tessons de céramique, de galets et de restes de faune marquent le niveau du sol néolithique.

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Sur les hauteurs de Montagnac, le site de la ZAC Boutonnet a livré des habitats, des caves et une exceptionnelle sépulture multiple du néolithique final.

© Jean-Baptiste Jamin, Inrap

Les structures en creux, qu’il s’agisse de caves ou de silos, sont très bien conservées et l’on a même retrouvé des marches d’accès directement creusées dans le substrat. Deux caves présentent des parois entièrement empierrées et un fond marqué de logettes destinées à recevoir des vases ou des paniers. La première est élaborée à l’aide de pierres, jointes à la terre, qui sont de taille et de forme irrégulières et agencées suivant des assises horizontales, de façon à aménager une paroi régulière. Une autre cave présente des parois élaborées à l’aide de dalles disposées verticalement, à la manière des orthostates que l’on observe dans les parois de certains mégalithes funéraires. La forme en fer à cheval de cette petite cave et la présence d’un emmarchement à l’une de ses extrémités suggèrent la présence d’un accès. Deux logettes, assez profondes, étaient aménagées sur le fond, dont une contenait les restes d’un grand récipient de stockage.

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Autre cave du Néolithique final en forme de fer à cheval, à paroi appareillée à l’aide d’orthostates. Sur le fond deux surcreusements profonds étaient destinés à caler des vases. De grands fragments provenant du fond d’un vase se trouvaient encore dans l’une de ces logettes. Du côté étroit de cette cave, un accès en escalier directement aménagé dans l’encaissant était encore partiellement visible.

© Romain. Marsac, Inrap

D’autres caves encore sont entièrement élaborées en terre, sans recours à un appareil de pierre. La diversité de ces aménagements témoigne d’une maîtrise certaine des techniques de construction de l'époque, permettant de créer des espaces souterrains stables qui pouvaient servir à des fins variées, dont la principale est de conserver des denrées dans des structures partiellement protégées des grands écarts de température et d’hygrométrie.


Des vestiges d’habitations

Les restes d’au moins deux bâtiments sont documentés. La maison la mieux conservée est encochée dans le terrain en légère pente. Elle présentait un plan à double abside de 11 m de long pour 8 m de large, matérialisé par un muret de pierre conservé, au maximum, sur trois assises. Celui-ci, qui constituait certainement la base d’un mur essentiellement bâti en terre crue, était constitué de dalles de pierre montées à l’aide d’importants joints de terre crue.

À un moment de son histoire, cette maison a partiellement brûlé et la toiture, composée de terre et de végétaux, s’est en partie effondrée sur le sol de circulation, préservant ce dernier ainsi que le foyer central et écrasant un vase déposé à côté de celui-ci. Une structure de stockage, également située dans l’emprise de la maison, témoigne aussi d’un épisode de chauffe intense de ses parois et il est probable que son contenu ait brûlé lors de l’incendie.

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Une petite resserre de stockage remarquablement bien conservée contenait, dans une vaste logette, un grand vase de stockage sphérique, toujours dans sa position d’origine. Au-dessus de ce vase, cette fosse était entièrement comblée de rejets volontaires de terre architecturale qui résultent de la destruction d’une structure incendiée.

© Muriel Gandelin, Inrap

Dans plusieurs fosses situées à l’extérieur de la maison, d’importants niveaux de rejets massifs de terre architecturale brûlée témoignent probablement du déblaiement des décombres de la maison incendiée.
L’ensemble de ces vestiges documente de façon inédite l’organisation interne d’un bâtiment, probablement domestique, du Néolithique final languedocien.

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Détail de la maison en cours de fouille. On note la présence, sur le sol, d’un fragment de toiture effondrée à la suite d’un incendie. Un foyer central entouré de quelques pierres auprès duquel a été découvert un vase écrasé en place se trouvait dans la partie centrale de l’abside du bâtiment.

© Muriel Gandelin, Inrap


Une spectaculaire sépulture sextuple

Au fond d’une structure de stockage, les restes de six individus ont été découverts. Cinq d’entre eux présentaient les caractéristiques d’un dépôt simultané avec, notamment, un contact direct et sans perturbation des squelettes. Dans l’ordre chronologique de dépôt, ce groupe était composé d’un adolescent de 12 à 14 ans, d’un sujet adulte de sexe féminin, d’un enfant âgé de 4 à 8 ans, d’un enfant âgé de 3 à 5 ans et d’un sujet périnatal. Si la position de ce dernier n’est pas lisible, tous les autres sujets du groupe reposaient en position fléchie.

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Vue de la sépulture à l’optimum de décapage.

© R. Marsac, Inrap

Le dernier sujet de cette tombe semble avoir été installé plus tardivement. Il s’agissait, là encore, d’un enfant d’environ 3 ans reposant en position fléchie. Il était séparé du sujet adolescent par une épaisseur de sédiment d’environ 15 cm et son dépôt dans la sépulture avait entraîné des perturbations dans l’agencement des pieds du sujet adulte. Il se trouvait toutefois en périphérie du creusement, tout comme les autres sujets les plus jeunes de la sépulture, sans aucune autre perturbation ou surcreusement de la fosse, ce qui pourrait indiquer que la mémoire de l’utilisation funéraire de cette fosse, de même que celle de l’organisation du premier dépôt ne s’étaient pas totalement perdues au moment de son inhumation.

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Sépulture sextuple regroupant une femme adulte et cinq enfants, en cours de fouille par l’anthrobiologiste Jérôme Rouquet.

© Jean-Baptiste Jamin, Inrap

Un monument funéraire du début de la Protohistoire

Venant se superposer aux vestiges néolithiques, les restes d’un monument, probablement daté du début de l’âge du Bronze, ont été découverts. Bien qu'il ait été fortement impacté par le creusement d’un fossé moderne, cet aménagement, qui recouvre les vestiges néolithiques, se composait d’un coffre en pierre entouré d’un tumulus en terre et en pierre. La petite partie du coffre qui a échappé à la destruction renfermait les restes de deux individus. Il s’agit d’un dépôt primaire partiellement conservé et d’une réduction. Le sujet en place reposait sur le côté gauche, membres inférieurs fléchis. Les restes de l’autre sujet, probablement le premier occupant du coffre, étaient déposés en un fagot grossier sur le sujet en place. Dans l'emprise probable du tumulus, le corps d’un enfant âgé de 2 à 4 ans a également été mis au jour. Il reposait en position fléchie, sur son côté droit. Cette découverte, dépourvue de mobilier, fait écho à d'autres aménagements de même type qui sont généralement datés du Bronze ancien. 

Aménagement : GGL 
Contrôle scientifique : Service de l’Archéologie, Drac Occitanie
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Muriel Gandelin, Inrap