Fin de la fouille rue Jean-Jaurès à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

Un contexte archéologique exceptionnel

L’emprise de fouille constituait jusqu’à présent un vide dans les données archéologiques de la ville, et ce dans une zone sensible et riche de vestiges. En effet, cette parcelle n’avait jamais fait l’objet d’observations archéologiques que ce soit au cours de diagnostics ou de suivis de travaux. Le tracé actuel de la rue Jean-Jaurès se situe dans le prolongement de la place Jean-Jaurès, ancien emplacement de la foire du Lendit. Et à proximité directe de la Basilique de Saint-Denis, ancienne église abbatiale fondée au VII^e siècle. Il est par ailleurs situé à l’intérieur de l’enceinte du bourg médiéval qui s’est développé autour du monastère et qui était délimité par le fossé carolingien datant du IX^e siècle. La présence d’un four de potier datant du XIV^e siècle avait été révélée lors d’une fouille en 1977 au croisement de la rue Jean-Jaurès et de la rue Albert-Walter et des traces d’habitat épars avaient été observées lors des suivis de travaux conduits dans les années 1980 par l’Unité d’archéologie.

La zone de fouille représentait donc un intérêt scientifique important en cas de bonne conservation des niveaux anciens, avec potentiellement la présence de structures d’habitation ou d’artisanat datant au plus tôt de l’époque carolingienne (VIII^e-X^e siècles) et plus certainement du bas moyen âge (XII^e-XV^e siècles).

Chantier de fouille menée par l’Inrap et l’Unité d’archéologie de la ville de Saint-Denis dans la rue Jean-Jaurès.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis.

De rares niveaux médiévaux

La fouille de la rue Jean-Jaurès a permis d’évaluer de façon précise les perturbations contemporaines dans ce secteur de la ville sur les niveaux archéologiques. En effet, la voie mise en place dans les années 1980 atteint à certains endroits 1 m de profondeur, sans compter la présence nombreuse de réseaux.

Malgré cela, des niveaux anciens datés du bas Moyen Âge ont été mis au jour. Dans ceux-ci, de nombreux restes de faune et tessons de céramique, dont certains beiges à coulures de peinture rouge, typiques du XIII^e siècle et d’autres à glaçure jaune, ont été découverts par les archéologues. Certains tessons ont pu être identifiés comme étant des cols de pichets caractéristiques de la même période et de production locale. Dans ces niveaux, les archéologues ont mis au jour un probable silo qui a livré le même type de matériel.

Restes d’un foyer médiéval.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Ces niveaux permettent d’émettre l’hypothèse de la présence d’un habitat datant du bas Moyen Âge plutôt dispersé dans ce secteur avec la présence d’une structure de stockage, de rejets de consommation et de vaisselle domestique.

Niveaux bas Moyen Âge de la première cave, avec niveau de sol en place.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Construction d’un îlot urbain moderne…

Dans les archives de la ville de Saint-Denis il est possible d’observer l’implantation au XVII^e siècle d’un îlot d’habitation et le tracé d’une ancienne rue du Saulger. La présence de cet îlot et le tracé de cette rue restent inchangés jusqu’à la réfection de la rue Jean Jaurès dans les années 1980.
La fouille de la rue Jean-Jaurès a permis de mettre en valeur les restes de cet îlot avec la présence de nombreuses structures maçonnées venant entrecouper les niveaux médiévaux découverts. Il s’agit pour la plupart de vestiges de caves et de fosses latrines montées en blocs calcaires et liés au plâtre.

Nettoyage en cours d’une série de caves liées à un ancien îlot d’habitation.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Fouille en cours des restes en connexion d’un équidé présent dans des remblais modernes.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Fosse de latrines mise au jour dans les niveaux de l'époque moderne.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis.

Si cet îlot urbain est principalement référencé sur la période moderne, il est à noter la présence d’un bâtiment qui pourrait remonter jusqu’au XV^e siècle. Il s’agit du bâtiment le mieux conservé parmi ceux découverts lors de l’opération. La fouille de ce bâtiment a permis de mettre en évidence la présence de couches de démolitions, d’abandon et de circulation associées à la période moderne avec notamment la présence de nombreux tessons de verre datant du XVI^e au XVII^e siècle. Sous ces niveaux modernes, un mur qui délimitait à l’origine deux espaces différents à l’intérieur du bâtiment a été mis au jour. Dans ces deux espaces, de nouveaux niveaux de circulation ont été découverts, associés à du matériel XIV^e-XV^e siècle. Dans la plus grande pièce, les restes d’un foyer sont associés à un niveau de sol.  

Morceaux de verres découverts dans une cave (1).

©Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Morceaux de verres découverts dans une cave (1).

©Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Morceaux de verres découverts dans une cave (1).

© Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis

Les résultats de la fouille permettent de compléter les informations transmises grâce aux archives et de pouvoir affirmer que l’emplacement et l’orientation de cet îlot urbain pourrait trouver ses origines bien avant l’époque moderne.

… puis contemporain

L’îlot moderne est modifié au XIX^e siècle avec l’extension de l’actuelle rue Albert-Walter, perpendiculaire à l’ancien tracé de la rue du Saulger, entrainant la réfection de l’îlot urbain au nouvel angle de rue ainsi créé. Les équipes de l’Inrap et de L’UASD ont mis au jour une succession de caves datant du XIX^e siècle, construites d’un seul tenant et venant se greffer aux anciens bâtiments. Les fondations du bâtiment présent à l’angle des deux rues sont principalement constituées de blocs en réemplois, dont certains portent encore les traces de décors moulurés.

Cave (2) avec des latrines du XIX^e siècle.

© Marion Perrault, Inrap, et Manon Fafin, Unité d’archéologie de Saint-Denis.

La fouille de la rue Jean Jaurès a permis de compléter les informations archéologiques disponibles dans ce secteur du centre de Saint-Denis. De plus, elle a permis de préciser plus avant les informations présentes dans les archives de la ville sur l’ancien îlot urbain médiéval et moderne.