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SARHAE - Le site archéologique des Rothenstauden à Voellerdingen (67). Étude d’un habitat antique et de son environnement
Porteur du projet : Antonin Nüsslein, CNRS, UMR 7044 Archimède
Coordinateur scientifique : Inrap : Heidi Cicutta
Participants : Cicutta Heidi (Inrap, UMR 7044 ArcHiMèdE), Frenzel Michel (Département de la Moselle), Gavazzi Bruno (Enerex), Gebhardt Anne (Inrap, UMR 7362 LIVE), Goupil Margaux (Enerex), Meyer Nicolas (Inrap, UMR 7044 ArcHiMèdE), Nüsslein Antonin (CNRS, UMR 7044 ArcHiMèdE), Nüsslein Paul (Société de Recherche Archéologique d’Alsace Bossue), Pilon Fabien (UMR 7041 ArScAn), Poszwa Anne (Université de Lorraine, UMR 7360 LIEC), Robin Vincent (Université de Lorraine, UMR 7360 LIEC), Thuault Jade (Société de Recherche Archéologique d’Alsace Bossue), Touvron Audric (Société de Recherche Archéologique d’Alsace Bossue), Urbaniak Amandine (Société de Recherche Archéologique d’Alsace Bossue)
Localisé dans une forêt domaniale, le site archéologique des Rothenstauden (commune de Vœllerdingen - Bas-Rhin), fait l’objet d’un programme de recherche dénommé SARHAE : « Site archéologique des Rothenstauden à Vœllerdingen (67) - Étude d’un habitat antique et de son environnement ». Ce projet propose d’étudier le fonctionnement d’un habitat rural de la période romaine et d’analyser ses relations avec son environnement à partir d’une approche pluridisciplinaire et systémique.
Localisé sur le territoire de la commune de Vœllerdingen, dans le département du Bas-Rhin, le site archéologique des Rothenstauden est actuellement recouvert, en majeure partie, par une forêt domaniale. Il renferme un habitat rural de la période romaine qui a été reconnu grâce à la découverte, en 2007, de quatre buttes qui ont révélés des matériaux de constructions d’époque romaine. La réalisation d’une prospection pédestre sur et autour du site, et de sondages en 2021 a permis de constater son fort potentiel (vestiges bien conservés, stratigraphie importante, présence de vestiges de mise en valeur agropastorales dans les environs). Il fait désormais l’objet d’un projet de recherche collectif qui s’intitule SARHAE « Site archéologique des Rothenstauden à Vœllerdingen (67) - Étude d’un habitat antique et de son environnement ». Ce programme propose d’étudier d’une part, les caractéristiques et le fonctionnement d’un habitat rural de la période romaine, et d’autre part, ses relations avec son espace environnant (ressources pédologiques, couvert végétal, aménagements agropastoraux, parcellaire, etc.). Il s’agit en cela de se placer entre les études micro-régionales qui favorisent l’analyse de plusieurs sites sur un vaste espace (par le biais de prospection pédestres notamment) et celles centrées uniquement sur la fouille des structures d’habitats (fouilles préventives notamment) afin de tenter d’obtenir une vision d’un établissement gallo-romain et de son terroir proche. Pour atteindre les objectifs du projet, une approche pluridisciplinaire et systémique est déployée. Elle est basée sur l’acquisition conjointe de données archéologiques, pédologiques, géomorphologiques et paléo-environnementales sur et en dehors du site. Le gisement étant sous forêt, le projet cherche aussi à élaborer des solutions afin d’adapter les méthodes d’investigations à ce milieu contraignant (visibilité souvent limitée, difficulté à cartographier les structures, à les caractériser et à les dater).
Sondages et fouille
En raison de l’ampleur du site et de la présence d’un couvert forestier, il est impossible d’en décaper l’ensemble. Il a donc été fait le choix de programmer (dans le cadre d’un chantier-école), sur plusieurs années, la réalisation de sondages exploratoires sur différentes zones afin d’obtenir progressivement une vision, certes restreinte, mais globale du site. Depuis 2021, ces excavations ont permis d’explorer une surface de 568 m² sur plusieurs zones du site. Le secteur 100, concerné par une fouille extensive depuis 2024, a révélé un bâtiment rectangulaire qui occupe une surface totale d’environ 264 m² (fig. 1). Il dispose de murs maçonnés et d’une toiture en tuiles et son sol en terre accueillait plusieurs aménagements (empierrement, foyers). D’après ses caractéristiques, il s’agit d’un bâtiment d’exploitation, liés à des activités agropastorales. Les sondages réalisés dans le secteur 200 ont permis de révéler un bâtiment résidentiel dont la surface peut être estimée à 8000 m² environ (fig. 2). Le bâtiment, occupé entre le IIe et le IVe s. était orné d’enduits peints et équipé de niveaux de circulations en terre battue et en mortier de tuileau, et d’au moins une pièce sur hypocauste. Un four, sans doute à pain, à été découvert dans un espace central qui pourrait correspondre à une petite cour interne. Enfin, dans le secteur 300, un petit sondage a confirmé la présence d’un troisième bâtiment occupé au Haut-Empire.

1. Photographie drone du bâtiment du secteur 100 à la fin de la fouille 2024.
Photographie : Antonin Nüsslein, CNRS – UMR 7044 Archimède.

2. Photographie drone des sondages réalisés dans le secteur 200 en 2023.
Photographie : Antonin Nüsslein, CNRS – UMR 7044 Archimède.
Prospections géophysiques et analyse des données LiDAR
Une prospection géophysique a été réalisée sur une surface totale d’environ 20 ha afin de préciser le plan du site et de découvrir d’éventuels aménagements périphériques. Le protocole utilisé pour l’exploration (géomagnétisme) a du être adapté à la présence du couvert forestier. La prospection a permis la mise au jour de nouveaux possibles bâtiments et de limites parcellaires. L’exploitation des données LiDAR issues du programme LiDAR HD de l’IGN, couplée à des vérifications de terrain, a permis de révéler de nombreux microreliefs en liens avec l’occupation antique. Il s’agit essentiellement de nouveaux bâtiments et de nombreuses structures linéaires (talus, levées, chemins), possiblement en lien avec l’exploitation agropastorale de l’espace environnant.
Analyses pédologiques, géomorphologiques et paléo-environnementales
Des observations pédo-sédimentaires et des analyses associées (micromorphologie des sols, granulométrie, analyses chimiques, etc.) sont réalisées sur les niveaux d’occupations des bâtiments fouillés et à différents endroits dans l’environnement de l’habitat. Il s’agit, d’une part, de mieux caractériser la fonction des divers bâtiments et espaces utilisés (zones de stabulations, de transformations des denrées alimentaires, d’ateliers, etc.), et d’autre part, de tenter de percevoir les formes de mise en valeur du terroir proche (labour, amendement des sols, gestion de l’eau, etc.) par une étude de l’évolution des formations superficielles en lien avec le site (fig. 3). Ces analyses sont toujours en cours et les premiers résultats sont entrain d’être traités. Pour restituer l’évolution du couvert végétal et de l’intensité de l’utilisation des ressources, deux mardelles (dépression en eau) ont fait l’objet d’un carottage afin d’en extraire des données palynologiques (fig. 4). Les résultats du premier carottage, qui permettent de voir l’évolution du paysage dès le début de l’Antiquité tardive, montrent qu’à cette époque, le milieu est ouvert. Les données indiquent la présence de pâtures, de prairies, de champs contenant du seigle, d’autres céréales, mais aussi du chanvre. Ce paysage agropastoral contient toutefois des essences appartenant à de la forêt humide (aulnes et saules) et semble être bordé par une chênaie/hêtraie.

3. Photographie d’un carottage pédo-sédimentaire réalisé en 2024.
Photographie : Antonin Nüsslein, CNRS – UMR 7044 Archimède.

4. Photographie d’un carottage palynologique réalisé dans une mardelle en 2024.
Photographie : Antonin Nüsslein, CNRS – UMR 7044 Archimède.
Une villa gallo-romaine…
Les premiers résultats du projet montrent que le site des Rothenstauden correspond à une villa d’époque romaine, au moins au cours de l’une de ses phases d’évolution entre le IIe et le IIIe s. (le statut de l’établissement, avant et après cette étape de sa trajectoire n’est pas encore connue). Il dispose en effet des principaux attributs qui permettent de le classer dans cette catégorie d’habitat, à savoir une résidence (secteur 200), avec un au moins élément de confort (hypocauste), et une partie productive (secteurs 100 au moins). Aux trois bâtiments confirmés par la fouille et qui occupe une surface d’environ 2 ha, il est possible d’ajouter au complexe, grâce aux données LiDAR et aux vérifications de terrain, quatre buttes qui renferment sans nul doute un bâtiment chacune. Une cinquième butte pourrait venir compléter l’ensemble. La disposition de ces éléments, s’ils sont contemporains, montrent que la villa pourrait atteindre une surface de 3 ha environ. Les données géophysiques viennent compléter ce plan en indiquant la présence d’autres possibles bâtiments. Le site pourrait donc posséder plus de dix bâtiments et s’étendre sur une surface de plus de 7 ha. Précisons toutefois que la contemporanéité de tous ces éléments n’est pour l’instant pas assurée. Quoi qu’il en soit, il est possible de constater que les bâtiments déjà reconnus et supposés s’orientent ou sont disposés le long d’axes qui présentent des directions semblables.
…intégrée à un système parcellaire
Ces orientations, sont partagées, et parfois en lien, avec de nombreux linéaments, talus, levées et chemins fossiles qui appartiennent à un système parcellaire dont le fonctionnement avec l’habitat d’époque romaine fait peu de doute. Il est donc raisonnablement possible d’avancer que la villa et son espace environnant, au IIe et au IIIe sont vraisemblablement structurés de manière cohérente, voire géométrique et régulière (parcelles en bandes coaxiales ?). Cette trame parcellaire, qui montre une volonté de rationaliser l’espace, méritera à terme une étude métrologique et une recherche approfondie permettant d’affiner leur datation.
Enfin, si des zones d’ombres persistent encore sur l’interprétation des données, et si les problématiques scientifiques sont encore loin d’avoir trouvé toutes leurs réponses, l’apport des prochaines explorations archéologiques, des analyses pédologiques, géomorphologiques et paléo-environnementales, viendront progressivement apporter de nouvelles informations sur les relations entre la villa et son environnement, et plus globalement sur l’histoire des espaces qui sont actuellement sous forêt.
- Rapport 2021 <hal-03751139>
- Rapport 2022 <hal-03920884>
- Rapport 2023 <hal-04377290>
- Rapport 2024 <hal-04876395>