A Auriac, Pyrénées-Atlantiques, malgré des conditions a priori peu favorables, la fouille du site de Duclos livre une série acheuléenne relativement bien documentée dans un contexte chronologique et pédostratigraphique inédit pour le sud du bassin aquitain.

Dernière modification
10 mai 2016

Au sommet de la séquence, une discrète occupation antique, vraisemblablement en lien avec des activités agropastorales, nourrit les réflexions sur l'occupation du territoire et l'économie des campagnes aquitaines durant l'Antiquité.

Le site se trouve en bordure de la commune d'Auriac, près de Thèze, dans le nord des Pyrénées-Atlantiques. Le gisement est sis en bordure du plateau de Thèze et domine la rive droite de la vallée du Luy de France, affluent de l'Adour, rythmée par des terrasses quaternaires bien distinctes. Il recèle deux phases d'occupation nettement différentes : holocène, essentiellement antique, et pléistocène moyen, fouillée sur environ 8 000 m².

La première apparaît à la base de l'horizon de labour. Plusieurs dizaines de structures, en creux ou à plat, ont été identifiées. Elles ont été fouillées manuellement après un décapage mécanique fin, puis enregistrées par photos numériques verticales. Elles se trouvent autour d'une dépression marquée par une forte hydromorphie, correspondant très vraisemblablement à une mare, peut-être plus ou moins artificielle. Sa bordure nord-est présente un important empierrement de galets irrégulier. Cela peut ressembler aux abords de certaines mares visibles actuellement dans les pâtures, piétinées par le bétail. Des structures plus classiques ont été observées : trous de poteaux, foyers à plat et en cuvette, puit/citerne, attestant d'activités domestiques. Trois fossés organisés sur deux directions orthogonales peuvent être attribués à du parcellaire, dont des reprises et dédoublements témoignent d'une utilisation longue. Le mobilier recueilli remonte à l'Antiquité. L'ensemble peut être attribué à des activités agropastorales, peut-être en liaison avec une villa, et pourra contribuer à illustrer le tissu économique et l'occupation du territoire des campagnes aquitaines au début de notre ère.

La seconde occupation est nettement plus ancienne : elle ne livre que des vestiges lithiques du Paléolithique inférieur. La fouille a été menée exclusivement par des moyens mécaniques lourds, des pelles mécaniques de 20 tonnes équipées de godets lisses. Les vestiges ont été relevés au fur et à mesure des fines passes de décapage. Quelques fenêtres manuelles ont été réalisées sur des zones concentrées et sur de plus rares tests aléatoires. Cette méthode est particulièrement bien adaptée à ce type de site à la densité d'objets très lâche sur une épaisseur importante (2 m en moyenne).

Les artefacts sont en position remaniée sur deux niveaux dans plusieurs cycles de colluvions affectés d'au moins trois pédogenèses pléistocènes, dont deux de rang interglaciaire particulièrement visibles dans la séquence. Celle-ci peut atteindre près de 4 m. Le site se trouve à l'heure actuelle au sein d'une topographie plane qui masque un paléorelief qui a permis la conservation de ces cycles sédimentaires anciens. Il s'agit vraisemblablement de la tête d'un petit vallon.

Les stratigraphies sont essentiellement limoneuses, probablement d'origine éolienne, ce qui permettra d'effectuer des datations directes de leurs mises en place par la méthode de l'OSL. Ces mesures ont été effectuées sur le terrain par une équipe du CRPAA. Elles compléteront les arguments chrono- et pédo-stratigraphiques.

Comme évoqué plus haut, l'industrie lithique est exclusive : nous n'avons pas rencontré de vestiges de faune, ce qui est classique pour ce type de dépôts. Nous avons récolté 1 426 pièces, auxquelles nous pourrons ajouter les 35 issues des sondages d'évaluation. Les matières premières employées sont majoritairement locales : il s'agit de galets de roches pyrénéennes présents dans les terrasses alluviales et nappes tertiaires autour du site. Ce sont essentiellement des quartzites à grain moyen de teinte bleutée. Quelques lydiennes et schistes tachetés les complètent de manière anecdotique. Différents degrés d'altération observables sur les surfaces naturelles des blocs font cependant penser que les approvisionnements se sont portés sur les divers stocks alluviaux disponibles. Quelques galets également de roches pyrénéennes ne peuvent provenir de cet environnement local, dont ils sont absents : les granites en particulier, mais aussi peut-être quelques variétés particulières des autres matériaux. Il semble qu'il faille se tourner vers les Gaves, seuls à parcourir un bassin-versant susceptible de fournir de telles ressources, pour la collecte par les artisans paléolithiques, soit à une vingtaine de kilomètres. Enfin, même en faible proportion, les quelques silex présents témoignent d'un approvisionnement plus éloigné : ceux qui sont identifiables renvoient clairement aux faciès maestrichtiens de Chalosse, éloignés de 25 à 30 km en l'état actuel des connaissances.

La majorité de la série réunie renvoie à une production d'éclats de petits à moyens modules obtenus par des méthodes de débitages hétéroclites et globalement peu structurées, dominées par des concepts discoïde et polyédrique. Les débitages unipolaires et sur enclume sont également bien présents. Ils sont massivement utilisés bruts, plus rarement retouchés en outils peu caractéristiques, essentiellement du groupe des encoches et denticulés. Une production de grands supports, au-delà de 15 cm d'extension, souvent supérieure à 20 cm, est aussi manifeste. Ils sont rarement utilisés bruts ou à peine accommodés, et servent essentiellement comme supports de façonnage, surtout pour les hachereaux puis pour les bifaces et apparentés. Ces derniers, comme nombre de pics, sont aussi confectionnés sur galets. Cet outillage lourd est complété par des choppers, chopping-tools et polyèdres. La présence d'un abondant outillage lourd à nombreux bifaces et apparentés permet d'attribuer cette série à l'Acheuléen. La production de hachereaux la rattache même à un faciès méridional, l'Acheuléen pyrénéo-garonnais, d'influence ibérique. Les autres éléments que nous avons évoqués s'accordent parfaitement à cette diagnose.

Si ce faciès est de mieux en mieux connu grâce à des travaux récents, la fouille de Duclos apportera des éléments essentiels à sa compréhension car c'est la première fois qu'il est documenté dans un contexte pédostratigraphique aussi complet. La présence de vestiges brûlés permettra également l'obtention d'une datation directe par thermo-luminescence qui constituera le premier jalon radiométrique pour cette culture dans le sud du bassin aquitain.