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Des pêcheries médiévales et des épaves modernes refont surface dans le lit de la Loire
L'Inrap mène actuellement une série de fouilles sur les berges de la Loire dans le cadre d'un programme de rééquilibrage du lit du fleuve engagé par Voies navigables de France. Submergées la majeure partie de l’année, les zones étudiées des îles Poulas, Coton et aux Moines, ont révélé des pêcheries médiévales en pierre et en bois, ainsi que les vestiges d'au moins neuf épaves des XVIIe-XVIIIe siècles.
Dans le cadre du programme de rééquilibrage du lit de la Loire, réalisé par Voies navigables de France (VNF), l’Inrap mène plusieurs fouilles sur les berges du fleuve. Celles-ci, effectuées sur prescription de l’État (Drac Pays de la Loire) révèlent des épaves, des pêcheries ou d’autres aménagements de berge et contribuent à la connaissance du fleuve, de l’histoire de son aménagement et de son exploitation.
Fouiller en bord de Loire
Les zones actuellement fouillées sur les sites dits de l’île Poulas, Coton et aux Moines, sont submergées la majeure partie de l’année. Les recherches sont donc entreprises pendant les phases d’étiage de la Loire, entre la mi-août et la mi-octobre, toutefois, de brusques crues ou des phénomènes de marnage peuvent ralentir ou compromettre les opérations. Les archéologues ont adapté leurs méthodes de travail à ce contexte particulier. Ainsi, une prospection à l’aide d’un géoradar a mis en évidence les anomalies du sol, et chacune d’entre elles a été sondée à la pelle mécanique.
Vues aériennes du chantier de fouille de l’île Poulas (sites 1 et 2) sur les berges de la Loire.
© Pierrick Leblanc, Inrap
Vues aériennes du chantier de fouille de l’île Poulas (sites 1 et 2) sur les berges de la Loire.
© Pierrick Leblanc, Inrap
Vue aérienne de la fouille de l’île Coton, sur les berges de la Loire.
© Pierrick Leblanc, Inrap
Les pêcheries médiévales de l’île Poulas
Sur la rive gauche du fleuve, le site de l’île Poulas, se présente sous la forme de grèves de sable émergées durant l’été. Les secteurs fouillés y livrent des aménagements en pierre et en bois. Trois d’entre eux sont des pêcheries fixes, disposées en « W » en vue de la capture de poissons qui remontent le courant, tel le saumon, ou qui le redescendent, comme l’anguille. Ces aménagements de pieux et de pierres sont associés à un duit, digue destinée à orienter le fil d’eau et le poisson vers l’œil de la pêcherie, où sont posés nasses et filets. D’après les premières datations, ces pêcheries auraient fonctionné au cours du XIIe siècle. Propriété des pouvoirs ecclésiastiques ou seigneuriaux locaux, elles permettaient de respecter les nombreux « jours maigres » instaurés par l’Église.
Avec sa série d’empierrements et son duit, le dernier site aurait pu accueillir un (ou plusieurs) moulin-bateau : sorte de bateau à roues à aubes, statique sur la rivière, le moulin-bateau convertit l’énergie du courant pour actionner meules (moulin à farine ou à huile) ou banc de coupe (scierie). La localisation des sites et leur disposition suggèrent que le cours principal de la Loire se développait au sud du lit actuel.
Vues générales et travail de fouille manuelle sur le chantier de fouille de l’île Poulas (site 2).
© Emmanuelle Collado, Inrap
Les épaves XVIIe-XVIIIe siècles de l’île Coton
Les archéologues de l’Inrap viennent de mettre au jour les vestiges d’au moins neuf épaves des XVIIe-XVIIIe siècles, dans la partie amont de l’île Coton. Elles reposent sous et autour de trois longues structures empierrées : les naufrages sont-ils volontaires ou accidentels ? Les navires auraient pu être coulés intentionnellement, afin de protéger de l’érosion la tête de l’île Coton.
Bateaux à fond plat (sole), ils sont caractéristiques de la navigation fluviale et notamment de la Loire à cette époque. Ils naviguaient probablement dans les deux sens, soit portés par le courant, soit le remontant à l’aide d’une grande voile carrée. Embarcations de charge, ils pouvaient transporter des matières premières (bois, pierre, tuiles, ardoises, charbon, etc.) mais aussi du sel et des tonneaux de vin. Ces bateaux en chêne ont une étanchéité assurée par un système de « palâtrage » (intercalage de mousse végétale entre les planches).
Fouille d'une série d'épaves.
© Sandrine Lalain, Inrap
Série d'épaves empierrées.
© Mahaut Tyrrell, inrap
Une épave empierrée.
© Mahaut Tyrrell, Inrap
Arrosage de l’une des épaves mises au jour. Le bois doit être maintenu humide pour se conserver.
Berges de la Loire, 2022.
© Anne Hoyau-Berry, Inrap
Fouille en cours des enrochements et épaves modernes de l’île Coton.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Observation des vestiges en bois pour comprendre les techniques de construction des épaves.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Fouille en cours des enrochements et épaves modernes de l’île Coton.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Observation des vestiges en bois pour comprendre les techniques de construction des bateaux.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Fouille en cours des enrochements et épaves modernes de l’île Coton.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Observation des vestiges en bois pour comprendre les techniques de construction des bateaux.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Observation des vestiges en bois pour comprendre les techniques de construction des bateaux.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Ils seront l’objet d’études poussées qui mettront en évidence techniques et matériaux de construction. Enfin, les fouilles sont également en cours sur l’île aux Moines qui occupait au Moyen Âge une position privilégiée, à la frontière des provinces d’Anjou et de Bretagne.
Vue de la fouille de l'île Coton.
© Emmanuelle Collado, Inrap
Le programme de rééquilibrage du lit de la Loire
Les travaux du programme de rééquilibrage du lit de la Loire engagés par Voies navigables de France ont repris dès le 22 août 2022 sur le secteur allant de Montjean-sur-Loire à Ingrandes-le-Fresne-sur-Loire pour une durée de 8 à 10 semaines. Cette opération consiste à abaisser et à raccourcir 23 épis de navigation, afin de libérer le sable et redonner à la Loire plus d’espace de mobilité. Sur ce secteur, les travaux entamés en août 2021 ont permis de traiter un tiers des épis mais ont été interrompus en octobre suite à une remontée précoce du niveau de la Loire. Le montant des travaux sur ce secteur s’élève à 1,9 M€, cofinancé par l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (45%), la Région des Pays de la Loire (30%), les fonds européens (20%) et vnf (5%). Les travaux sont réalisés par le groupement guintoli / charier gc / cdes, sous la maîtrise d’œuvre d’isl Ingénierie. Le même type d’interventions sera mené sur le secteur d’Ancenis à Oudon à partir de fin-août 2023, lorsque la contrainte archéologique sera levée.
Décapage à l’aide d’une pelle mécanique sur la fouille de l’île Poulas (site 1). Les pieux en bois qui émergent de l’eau au premier plan sont des éléments de pêcheries.
© Sandrine Lalain, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Pays de la Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Responsables scientifiques : Yann Viau, Denis Fillon, Anne Hoyau-Berry, Jean Brodeur, Inrap