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Des Nécropoles et des habitats de l’âge du Bronze final et de La Tène ancienne à Bazicourt (Oise)
À Bazicourt, l'Inrap avait mis au jour en 2014-2015 des nécropoles de l'âge du Bronze et de la Tène finale. La nécropole de la Tène finale, notamment, avait livré plusieurs monuments et un mobilier abondant. Retour sur cette fouille dont l'étude a mis en évidence une grande variété dans les rituels funéraires.
À Bazicourt (« les Terres Madame »), les diagnostics réalisés pour la pose de la canalisation de transport de gaz naturel par GRT Gaz « Arc de Dierrey » ont permis la découverte par l'Inrap de nombreuses occupations dont des espaces funéraires et des portions d’habitats protohistoriques. L’emprise prescrite pour la fouille de 6100 m2 (305 m de long pour 20 m de large) occupe le bas du versant sud du plateau surplombant la rivière Oise. Les 115 structures mises au jour sont très majoritairement implantées dans la partie basse sur et dans les colluvions lœssiques.
Les habitats de l’âge du Bronze et de La Tène ancienne
L’occupation domestique de l’âge du Bronze final IIIa (1050/1020-930 avant notre ère) est caractérisée par un segment de fossé monumental orienté nord-est/sud-ouest avec une interruption au nord. Ce tracé est intégralement repris à La Tène ancienne ne permettant pas d’estimer la largeur de son creusement, mais sa profondeur conservée oscille entre 0,95 et 1,48 m. Un peu de mobilier (céramique, outils et éclats de silex et ossements animaux) a été dégagé des couches médianes du comblement, aucune concentration pouvant indiquer la proximité d’habitation n’a été identifiée.
L’occupation domestique de La Tène ancienne (450/375 avant n.è.) connait la même structuration, le fossé reprend exactement celui de l’âge du Bronze, amputant toute sa partie sud. Sa largeur est comprise entre 3,90 et 5,30 m. Ces dimensions soulignent la monumentalité de l’ouvrage. Là encore, le peu de mobilier est détritique et ne montre pas d’habitation à proximité immédiate.
Plusieurs fosses, trous de poteaux, silos, un puits et une portion de palissade ont été mis au jour au nord de ces fossés, malheureusement, ils n’ont pas livré de mobilier suffisamment caractéristique. Toutefois ces structures signalent le développement de ces occupations domestiques vers le nord et permettent de supposer que les segments de fossés appartiennent à des enclos.
La nécropole de l’âge du Bronze
Cet ensemble funéraire se compose d’un enclos subcirculaire et de 7 sépultures à incinérations. Le monument fossoyé est implanté dans la partie basse, au sud de l’occupation domestique. Les comblements signalent des phases de stagnation d’eau et un remplissage plutôt rapide. Aucun curage ne semble avoir été effectué et la succession des couches ne signale pas de tertre ou talus à proximité. Les quelques tessons mis au jour révèlent une datation large à la protohistoire. Son attribution à l’âge du Bronze est dû à sa morphologie similaire au monument funéraire de cette période et à la stratigraphie horizontale. En effet, plusieurs tombes de La Tène ancienne ont été creusées dans le remplissage du fossé de cet enclos.
Monument funéraire fossoyé de l'âge du Bronze
Inrap
Les sépultures sont installées groupées, au nord de l’occupations domestique. Deux types de sépultures ont été reconnues : les tombes aux ossements mêlés aux résidus du bûcher et celles où les restes osseux ont été déposés en amas dans un contenant en matériaux périssables. Toutes ont été identifiées comme individuelles.
La fragmentation des restes osseux étant importante, les critères d’estimation des âges au décès ne sont que peu ou pas conservés. Tous les défunts sont des adultes sans plus de précision. La population ensevelie ne comprend pas d’enfant, ce qui pourrait signaler une forme de sélection dans l’accès à l’espace consacré. Cependant l’extension de la nécropole n’est pas connue, la présence d’autres sépultures à l’est et à l’ouest ne pouvant être exclue. Aucun mobilier n’accompagne les défunts. Deux datations absolues réalisées sur des fragments d’ossements situent la fréquentation de l’ensemble funéraire à l’âge du Bronze IIb (1150-1050/1020 avant notre ère). Cette datation souligne une légère antériorité des sépultures sur l’occupation domestique.
Incinération de l'âge du Bronze
Inrap
La nécropole de La Tène ancienne
Cette nécropole recense 21 incinérations, 17 inhumations, 3 fosses à offrandes et 2 enclos quadrangulaires, exclusivement implantés au sud de l’occupation domestique. La population ensevelie comprend des adultes et des enfants (entre 2 et 11 ans). La diagnose sexuelle ne peut être réalisée que sur les individus inhumés, mais les sédiments n’ont pas permis une conservation optimale des ossements, un seul individu a été estimé de sexe masculin.
Tous les défunts inhumés reposent sur le dos, les membres inférieurs en extension. Quelques observations taphonomiques soulignent que certains corps ont pu être enveloppés dans un linceul ou que certains ont pu bénéficier d’un "coussin" ayant maintenu leur crâne.
Pour les individus incinérés, la bonne conservation des restes osseux a permis une approche plus complète des traitements des corps. Ils ont été incinérés à des températures relativement hautes, le seuil de destruction de la matière organique a d’ailleurs été atteint pour 65 % d’entre eux. Pendant l’incinération, ils ont été manipulés pour à la fois activer le feu, mais aussi en assurer la combustion. Après cette étape, la collecte des restes sur le bûcher a été voulue exhaustive pour 50 % des individus. Pour les 50 % restant, la collecte et/ou le dépôt est volontairement partiel. Parmi eux, le délaissement d’une partie anatomique est intentionnel : le crâne pour deux défunts, les membres et le tronc pour un individu. Avant le dépôt, tous les restes osseux ont subi un traitement de type nettoyage les débarrassant des cendres et/ou charbons.
Ces deux pratiques funéraires ont été mises en œuvre aussi bien pour les adultes que les enfants. Les modes de dépôts des défunts sont de plusieurs types. Pour les corps inhumés, les mieux conservés ont permis d’établir un placement dans la fosse sépulcrale en décubitus, les membres en extension.
Pour les corps incinérés, deux modes de dépôts ont été reconnus : les amas aux restes osseux disjoints déposés dans le fond de la fosse et les ossements jointifs placés dans un contenant en matériau périssable, lui-même mis en place au fond d’une fosse. Ces contenants sont quadrangulaires ou subcirculaires, assimilables à des coffrets ou des coupes, des vanneries.
Trois monuments funéraires ont pu être mis au jour : deux enclos fossoyés et un bâtiment sur poteaux. Un des enclos est constitué d’un fossé de forme trapézoïdale et sa surface intérieure est de 5 m2. Une interruption se situe sur la branche nord-est. Une sépulture a été mise en place dans la surface enclose et un dépôt de restes osseux incinérés a été disposé dans le comblement de la branche sud. Le second enclos n’a été découvert que partiellement puisqu’en bordure de l’emprise prescrite. Il est a priori de forme quadrangulaire. Le troisième monument, sur poteaux surmonte deux sépultures. La surface couverte par cette construction est de 3,2 m2.
Incinération La Tène ancienne a
Inrap
Incinération La Tène ancienne b
Inrap
Incinération La Tène ancienne c
Inrap
Inhumation La Tène ancienne a
Inrap
Inhumation La Tène ancienne b
Inrap
Les défunts sont accompagnés de mobilier personnel et d’offrandes. Des parures composées de torques en fer, bracelets en alliage cuivreux ou encore perle en verre sont portés par les défunts inhumés, de même pour les accessoires vestimentaires en fer ou en alliage cuivreux (fibules, anneaux). Des éléments de trousse de toilette en fer (scalptorium, couteau) ont été découverts aussi bien avec les individus incinérés qu’inhumés. Une arme d’hast, un fer de javelot ou de lance en fer est issue d’une inhumation.
De 1 à 6 vases ont été placés auprès des défunts, la dotation commune aux deux rituels se compose d’un récipient plus ou moins profond pouvant être un vase caréné à col, une situle, une soupière ou encore une jatte, et d’une assiette retournée formant couvercle. Des vases de plus petites dimensions, un gobelet caréné, une coupelle ou encore un bol curviligne complètent le dépôt. Les offrandes animales ont souffert au même titre que les squelettes inhumés d’une mauvaise conservation, seuls deux dépôts de viande de porcs ont pu être identifiés. Des restes osseux incinérés de porc ont aussi été reconnus parmi les os incinérés de deux défunts.
L’analyse des céramiques a permis une attribution chronologique précise de la fréquentation de la nécropole du milieu du Ve siècle à la fin du deuxième tiers du IVe siècle avant notre ère se décomposant en trois phases. La première phase se caractérise par 17 tombes (6 inhumations et 11 incinérations) et probablement les deux enclos fossoyés quadrangulaires. Ces sépultures forment trois alignements adossés sur l’orientation du segment de fossé domestique. Durant la deuxième phase, 9 sépultures viennent s’insérer dans ces trois groupes. Pendant la troisième phase, 5 sépultures et le monument funéraire sur poteaux sont installés. Les implantations de ces tombes semblent ne plus vraiment respecter les trois alignements. A l’exception du nord où le fossé domestique monumental constitue une limite, la nécropole s’étend au sud, à l’est et à l’ouest, hors de l’emprise de la fouille.
La première des caractéristiques de cette nécropole est la bi-ritualité importante dans le traitement des corps des défunts, plus de 55% de sépultures sont des incinérations. Même si l’incinération est pratiquée en même temps que l’inhumation dans des ensembles funéraires contemporains de la région, elle ne représente pas plus de 13 % des sépultures.
La seconde caractéristique de cette nécropole est le mode de dépôt des récipients sur les restes incinérés des défunts. De 1 à 6 vases ont été placés sur les coffrets, coupes ou vanneries jusqu’à y avoir été enchâssés.
Empreinte du vase enchassé dans les restes osseux incinérés d'un défunt La Tène ancienne
Inrap
Recherche archéologique : Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac des Hauts-de-France)
Responsable scientifique : Pinard Estelle