Au coeur du centre historique de Strasbourg, classé au Patrimoine mondial de l'Humanité, une équipe d'archéologues de l'Inrap fouille actuellement, sur prescription de l'État (Drac Alsace), la place du Château, au pied de la cathédrale.

Dernière modification
10 mai 2016

Ces fouilles, réalisées dans le cadre du réaménagement du site par la ville et la communauté urbaine de Strasbourg, sont une occasion unique d'explorer les origines antiques de la ville, de découvrir le camp romain de la VIIIe légion Auguste, d'exhumer les vestiges du chantier de construction de la cathédrale.

Le camp de la VIIIe légion Auguste

Le camp de la VIII<sup>e</sup> légion Auguste
Les origines de Strasbourg se confondent avec les implantations de l'armée romaine. La legio VIII Augusta s'installe dans l'antique Argentorate dans les années 90 de notre ère. Ses 6 000 hommes y bâtissent un camp fixe de près de 20 hectares, qui formera ensuite le noyau de la cité épiscopale au Moyen Âge, celui du centre actuel de la cité. Lors de plusieurs opérations, les archéologues de l'Inrap ont déjà exploré ce camp, notamment, en 2008, rue Brûlée où une partie des casernements des légionnaires avaient été mis au jour. Aujourd'hui, la fouille de la place du Château touche une autre partie du camp, la praetentura, secteur abritant, entre autres, les maisons des six tribuns ainsi que d'autres baraquements de légionnaires et leurs centurions.
Malgré la faible emprise des fouilles, la seule exploration d'une tranchée, large de 1,10 m et profonde de 3 m, a révélé aux archéologues plusieurs murs. Une des cloisons, effondrée d'un seul tenant, porte de chaque côté une peinture murale d'une grande qualité. L'une représente des colonnes et un panneau encadrant une femme debout. L'autre se compose d'une belle guirlande rouge dotée d'un noeud vert. Cet enduit peint illustre le statut de l'occupant de ce bâtiment, un tribun ou tout au moins un centurion. Minutieusement prélevées les deux peintures sont en cours de nettoyage et de restauration.

Découverte des vestiges du chantier de la cathédrale

La cathédrale primitive, dont la localisation est incertaine, apparaît dans les textes en 728. En 982, Strasbourg devient une seigneurie épiscopale urbaine dont l'administration relève uniquement de l'évêché. En 1015, l'évêque Werner de Habsbourg entreprend la construction d'une nouvelle cathédrale de style ottonien,. Elle brûle en 1176. De 1180 à 1439, l'actuelle cathédrale est érigée, d'abord dans le style roman, puis dans le style gothique à partir de 1255.
Avec ses 3 mètres de stratigraphie, la fouille de la place du Château révèle l'histoire des constructeurs de la cathédrale.
Juste au sud de celle-ci, les archéologues dégagent les niveaux de circulation foulés par les bâtisseurs. Ces niveaux sont constitués des éclats de grès étalés par les tailleurs de pierre devant leur lieu de travail (les loges). Damés par un passage incessant, ils s'y sont accumulés entre le XIIe et le XVe siècle sur une épaisseur de 1 m à 1,50 m. Ces déchets nous renseignent sur les techniques de taille et portent encore les traces d'outils : pics, laies ou polkas. D'autres métiers sont aussi attestés : des scories témoignent de l'activité de forge, des couches de mortier du travail des gâcheurs, et des fragments de plomb et de vitraux de celui des maître-verriers. La fonction d'un four, à unique chambre de chauffe et daté du XIIe siècle, reste à déterminer.

La « Maison Schoettel »

Un bâtiment du XVIIIe siècle a été partiellement mis au jour devant l'OEuvre Notre-Dame. Il est édifié sur des fondations médiévales. Les archives relatent sa construction en 1724 à l'emplacement d'un îlot de maisons comprenant notamment les écuries de l'OEuvre. Le pavage aujourd'hui mis au jour mais aussi l'étude du plan-relief de 1727, d'une aquarelle et d'un plan de 1854, révèlent que ces écuries ont perduré en partie, tandis que les étages auraient été loués à des particuliers. Nommée d'après l'un de ces locataires « maison Schoettel » au XIXe siècle, elle est arasée en 1855 pour agrandir la « place du Palais ».

L'ouverture d'un dernier secteur de fouille, devant le lycée Fustel de Coulanges, et la poursuite des recherches livreront d'autres informations sur les deux millénaires enfouis sous l'actuelle place du Château, au pied de la cathédrale de Strasbourg.

La rénovation de la place du Château

La place du Château est un site emblématique de Strasbourg et de son histoire. Bordant le côté sud de la cathédrale, elle est entourée de bâtiments de qualité, édifiés au fil des siècles. À l'époque du « tout automobile », elle est transformée en parking. En 2010, la place est restituée aux piétons et un premier projet est élaboré. Il vise à faire de l'espace un lieu d'agrément, à révéler les monuments qui en constituent le cadre - et en premier lieu la Cathédrale -, à offrir des perspectives d'ensemble et à valoriser les cinq musées de la place.
Aménagement : Ville et communauté urbaine de Strasbourg
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (Drac Alsace)
Responsable scientifique : Heidi Cicutta, Inrap
Contact(s) :

Mahaut Tyrrell
chargée de communication médias
Inrap, pôle partenariats et relations avec les médias
01 40 08 80 24
mahaut.tyrrell [at] inrap.fr

Astrid Chevolet
chargée de développement culturel et de communication
Inrap, direction interrégionale Grand Est sud
06 86 28 61 71
astrid.chevolet [at] inrap.fr