Une équipe de l'Inrap fouille le secteur du Pont-Tournant à Cherbourg-en-Cotentin et met au jour une partie des fortifications de la ville médiévale et moderne : la tour médiévale du Moulin, des parties du rempart et un bâtiment moderne (fin XVIIe siècle) inconnu sur les plans.

Dernière modification
06 juillet 2023

Une équipe de l’Inrap mène depuis début mai une fouille dans le cadre des travaux de voirie prévus au Pont-Tournant à Cherbourg-en-Cotentin et liés au développement du réseau de transport urbain Cap Cotentin. Prescrite par les services de l’État (Drac Normandie, service régional de l’archéologie), cette opération, prévue pour une durée de quatre semaines, fait suite au diagnostic archéologique mené en 2022 le long des 18 km du tracé du Bus Nouvelle Génération. Les archéologues y ont mis au jour un ensemble de maçonneries d’époques médiévale et moderne, en particulier une tour et un tronçon de rempart médiéval, ainsi qu’un bâtiment moderne inconnu jusqu’à ce jour.


La tour du Moulin et un tronçon du rempart dégagés

Le secteur du Pont-Tournant actuellement fouillé couvre une surface de 1660 m2. Un  décapage extensif et quatre sondages, contraints par des réseaux techniques urbains, ont permis de mettre au jour une partie des fortifications de la ville médiévale et moderne. L’enceinte ponctuée de ses tours et de ses bastions ferme la ville en y incluant le château, qui est cité dans les textes pour la première fois au XIe siècle. Le tracé de l’enceinte reprend alors peut-être celui d’un éventuel castrum d’origine antique. Les archéologues ont dégagé la totalité des vestiges d’une tour, identifiée comme la « tour du Moulin » sur le plan de Gomboust (XVIIe siècle). Ils ont également mis au jour 24 mètres du rempart sud et 10 mètres du rempart ouest qu’elle reliait. Cette tour, située entre celle des Sarrasins construite dans la seconde moitié du XVe siècle et le bastion du Moulin édifié au XVIe siècle, dominait et surveillait l’estuaire de la Divette qui faisait transition entre l’intérieur des terres et le large. Elle tiendrait son nom d’un moulin à marée visible sur les plans des XVIIe et XVIIIe siècles qui serait assis sur le rempart et actionné grâce aux eaux du fleuve.

Peut-être édifiée dès les premières fortifications médiévales de la ville datées autour de 1300, la tour du Moulin a été dégagée jusqu’à un mètre de hauteur par endroits. Ces vestiges étaient attendus un peu plus au sud-ouest, sous la voirie, d’après le plan dressé par Vauban entre 1686 et 1687 et qui accompagnait son projet de modification des défenses de la ville. Comme la courtine, la tour est construite avec des plaquettes et des moellons de grès et de schiste bleu, liés par un mortier de sable et de chaux. De forme légèrement ovalaire, elle mesure 6.5 mètres d’envergure et sa maçonnerie atteint plus de 1.80 mètre d’épaisseur. À l’intérieur de l’édifice, plusieurs phases d’occupation (sols de terre battue, de sable, remblais de rehaussement et niveaux de latrines) et de réfections (couche de rejet d’éléments de toiture en schiste bleu, intercalée entre deux phases d’occupation) ont pu être d’ores et déjà étudiées. Quelques tessons de céramique du XIVe siècle ont d’ailleurs déjà été recueillis. La courtine, chainée à la tour, a subi des réfections. Elle mesure entre 1.20 et 1.60 mètre de large au niveau de son arasement mais présente un fruit extérieur qui fait soupçonner une épaisseur bien plus conséquente à sa base, qui ne pourra pas être atteinte.


Un bâtiment d’époque moderne, inconnu sur les plans

Les archéologues ont aussi découvert les maçonneries d’un bâtiment organisé en deux espaces et pourvu d’un sol intérieur construit avec des dalles de schiste bleu noyées dans le mortier. Cet édifice, construit en plaquettes de grès et de schiste liées par de l’argile orangée, est édifié contre la face externe du rempart après l’arasement de la tour, probablement à la fin du XVIIe siècle. En dépit des préconisations de Vauban, une grande partie des fortifications urbaines sont en effet détruites sur ordre de Louvois, ministre de Louis XIV, pour démanteler la place forte face à la menace anglaise. Le rempart n’est quant à lui pas complètement abattu puisqu’encore utilisé comme mur de bâtiment. L’édifice mis au jour par les archéologues est comblé entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, comme l’atteste la céramique recueillie dans le remblai de destruction. Ce comblement est peut-être à mettre en rapport avec la mise en place d’une plateforme avancée vers le port du Commerce créé à la fin du XVIIIe siècle.

L’étude documentaire et archivistique, menée parallèlement à la fouille du sous-sol, permettra peut-être de préciser la fonction de ce bâtiment qui n’est représenté dans aucun des plans connus de Cherbourg. La découverte de cet ensemble pose déjà la question du tracé réel et de l’utilisation des fortifications urbaines de Cherbourg, entre la période médiévale et les temps modernes. Une seconde intervention prévue cet automne au niveau de la place Bricqueville devrait permettre de dégager la tour des Sarrasins et la courtine, afin de compléter les connaissances sur le mode de construction et l’organisation de ces fortifications, encore assez mal connues.


 

Aménagement : Communauté d’agglomération du Cotentin
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Normandie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Hélène Dupont, Inrap
Directeur adjoint scientifique et technique : Cyril Marcigny, Inrap
Partenaire(s)
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