Sous la direction de Céline Thiébaut, une équipe de préhistoriens vient de procéder à la découpe d'un bison à l'aide de répliques d'outils de pierre, utilisés par l'Homme de Néandertal, il y a 50 000 ans.
Dernière modification
19 février 2016

Dans le cadre du programme collectif de recherche « Des Traces et des Hommes », réunissant des chercheurs de différentes institutions (Inrap, CNRS, universités de Toulouse et de Bordeaux, ministère de la Culture...), l'expérience s'est déroulée à Villemur-sur-Tarn. Elle regroupait une vingtaine de spécialistes de divers domaines de la préhistoire : technologie lithique, archéozoologie, tracéologie (étude des traces d'usure microscopiques sur les outils).

Pour réaliser cette découpe, le bison sélectionné est une femelle âgée, issue d'un élevage des Cévennes et vouée à l'euthanasie. Il s'agit d'un bison américain (Bison bison), légèrement différent du bison d'Europe (Bison bonasus), dont l'espèce est protégée, et du bison préhistorique, aujourd'hui disparu (Bison priscus). La morphologie des trois espèces est toutefois suffisamment proche pour que les résultats de l'expérience soient pertinents.

Retrouver les gestes, les techniques

L'objectif de cette recherche est de retrouver les gestes des Néandertaliens, de comprendre pourquoi un outil est plus approprié que d'autres pour traiter la viande, la peau ou l'os. À partir d'informations recueillies lors de fouilles archéologiques, les chercheurs reconstituent les activités techniques de l'Homme de Néandertal. Ainsi, des outils de pierre sont taillés débités selon les techniques de l'époque afin de découper la carcasse, traiter la peau, etc. Les expériences sont minutieusement enregistrées à l'aide de fiches, de vidéos et de photographies. Les traces laissés sur les outils sont ensuite longuement analysées au microscope électronique à balayage (MEB), les données obtenues permettant des comparaisons avec des outils vieux de 50 000 ans. Ainsi cette expérience permet de  déterminer à quelle tâche ont été employés ces silex anciens, mais également de reconstituer les pratiques bouchères à partir des traces de découpe sur les ossements préhistoriques.
Ni les sources ethnographiques ni l'étude du matériel archéologique ne permettent de répondre pleinement aux questions posées par les scientifiques : combien de temps faut-il pour prélever la peau d'un bison ? Pour le dépecer intégralement ? Combien d'outils de pierre sont nécessaires ? Quels seront les plus efficaces (à tranchant brut ou retouché, en silex ou en quartz) ? Sur quels ossements observer-t-on des traces de découpe liées au contact des outils de pierre ?

Néandertal et les bisons

Dans le sud-ouest de la France, plusieurs habitats néandertaliens ont livré de grandes quantités d'ossements de bisons, notamment à Coudoulous (Lot) et à Mauran (Haute-Garonne), où des outils de pierre ont été mis au jour parmi les milliers d'ossements correspondant à des centaines de bisons. L'analyse des ossements a montré que ces bisons étaient chassés en grand nombre par les Néandertaliens, certains groupes  se spécialisant dans leur chasse. Pesant jusqu'à une tonne, un bison permettait de subvenir aux besoins d'un groupe pendant plusieurs semaines. Il est possible que des techniques de conservation  aient été inventées à cette occasion. 
Responsable scientifique : Céline Thiébaut