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De Juliomagus à l’Académie royale d’équitation : des fouilles révèlent l’histoire d’un quartier d’Angers (Maine-et-Loire)
Une équipe de l'Inrap mène depuis fin novembre 2024 une fouille derrière la caserne des pompiers de la place de l’Académie à Angers, dans le cadre du projet de réaménagement du quartier par Alter pour Angers Loire Métropole. Située dans le centre historique, à 150 mètres du château, la fouille livre de nombreux vestiges qui permettent de retracer l’histoire du quartier depuis le début de l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Des vestiges de l’Académie royale d’équitation (XVIIe-XVIIIe siècles) et un logis médiéval (XIVe-XVe siècle)
Les archéologues ont d’abord mis au jour des murs et des remblais de fondation de l’Académie royale d’équitation et d’escrime, parmi lesquels des restes de probables écuries. Fondée au XVIIe siècle, puis reconstruite entre 1751 et 1761 par l’architecte Voglie, cette institution est transformée au XIXe siècle en caserne d’infanterie. En 1905, elle accueille une école primaire supérieure, avant d’être détruite lors des bombardements de 1944, puis rasée et de nouveau reconstruite : elle devient alors une caserne de pompiers.

Vue aérienne du chantier.
© Pierrick Lebanc, Inrap
Sous les vestiges de l’Académie, les archéologues ont aussi exhumé les restes d’un habitat noble du Moyen Âge, qui pourrait être le logis de Casenove (XIVe-XVe siècles) cité dans les sources archivistiques. Il y est précisé que le logis s’implante sur d’anciennes maisons. La fouille en cours, très stratifiée, révèle un enchevêtrement de maçonneries, témoignant d’une forte évolution du secteur aux périodes médiévale et moderne. Les archéologues ont reconnu les murs d’une possible glacière, la sole d’une cheminée ainsi qu’une fosse de latrines et plusieurs caniveaux, dont les sédiments de comblement seront examinés au microscope. Les spécialistes espèrent ainsi trouver des graines, des pollens, des coquilles d’œufs ou des restes de poissons, qui renseigneraient sur les habitudes alimentaires des habitants des lieux au Moyen Âge. Une analyse paléoparasitologique permettra en outre de déterminer l’état sanitaire de la population.

Vue aérienne de la zone de fouille 1 (est).
© Pierrick Lebanc, Inrap

Vue aérienne de la zone de fouille 2 (ouest).
© Pierrick Lebanc, Inrap

Vestiges du logis de Cazenove (XIVe-XVe siècles) en cours de dégagement après le décapage à la pelle mécanique.
© Martin Pithon, Inrap

Fouille en cours de la fosse de latrine maçonnée (XIVe-XVe siècles) par un archéologue de la CISAP.
© Martin Pithon, Inrap

Mortier en pierre calcaire.
© Martin Pithon, Inrap
Des traces de Juliomagus, la ville antique
L’ensemble des vestiges médiévaux et modernes recouvre les témoins bien conservés d’une occupation antique se rapportant à Juliomagus, chef-lieu de la cité des Andicaves (Ier-IIIe siècles). À l’écart de la rue gallo-romaine reconnue lors du diagnostic de 2023, les archéologues ont dégagé les restes d’un mur décoré d’enduits peints en rouge et noir en grande partie effondrés. L’étude de ces décors peints permettra de mieux caractériser l’habitat urbain dont ils proviennent.

Prélèvement d'enduits peints d'époque romaine.
© Julien Boislève, Inrap
Entre l’Antiquité et le Moyen Âge (IVe-XIIIe siècle), la partie orientale du site pourrait avoir été mise en culture. En témoignent des couches de terre sombre et organique qui seront soumises à des analyses archéobotaniques : les biorestes qu’elles contiennent (graines et pollens notamment) préciseront l’origine, la nature et l’usage de ces couches de terre.
La transformation du paysage urbain
La fouille de la place de l’Académie confirme la richesse du sous-sol établie par de multiples opérations d’archéologie préventive conduites dans le quartier de l’Esvière, au cœur de la ville historique. Elle permettra d’étudier de manière détaillée l’évolution de ce secteur entre l’Antiquité et la période contemporaine et de l’inscrire dans l’histoire multimillénaire de la ville. Les investigations dans la zone de fouille orientale (côté caserne) montrent par exemple que la rue créée au Ier siècle qui traverse le terrain en diagonale marque durablement le paysage puisqu’elle est sans doute encore utilisée à la veille de la construction de l’Académie au XVIIe siècle. Les habitats médiévaux, ainsi que le premier état de l’Académie s’alignent d’ailleurs parfaitement sur l’axe gallo-romain.

Vue d’un puits recouvert par le mur des écuries de l’Académie (XVIIe-XVIIIe siècles).
© Gwenaël Herviaux, Inrap
À l’écart, dans la zone de fouille ouest, les murs des périodes antiques, médiévales et modernes sont régis par une autre logique : l’aménagement de la pente naturelle vers la Maine au moyen de terrasses contenues par des murs nord-sud. Là encore, l’organisation spatiale initiée à l’époque gallo-romaine perdure jusqu’à la construction de l’Académie : l’important remblaiement réalisé à cette occasion nivelle complètement le secteur. Enfin, le deuxième état de l’Académie (vers 1750) réaligne l’établissement sur les actuelles rues de Quatrebarbes et Kellermann et efface alors du paysage urbain les dernières traces de l’Antiquité.

Caniveaux modernes liés au second état de l’Académie (XVIIIe siècle).
© Martin Pithon, Inrap
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Pays de la Loire)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Martin Pithon, Inrap
Directrice adjointe scientifique et technique : Hélène Jousse, Inrap