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Collège Lumière
A Besançon, Doubs, ce chantier urbain de 3 000 m2 environ fait suite à une campagne de sondages menée en 2001 dans la cour du collège Lumière.
L'opération était motivée par la construction d'un gymnase souterrain et de nouveaux bâtiments à proximité d'importantes découvertes réalisées en 1973 sous la rue voisine. Celles-ci avaient notamment livré une partie d'une très grande mosaïque dite « au Neptune », qui avait alors été déposée et restaurée.
Situé entre le Doubs et le coeur de la ville antique, à proximité du quartier artisanal, le site fouillé appartient à un secteur sans doute résidentiel de Vesontio. L'opération menée en 2003-2004 a permis de retrouver le reste de la mosaïque prélevée en 1973, ainsi qu'une grande partie de la domus qui l'abritait.
Les caissons quadrangulaires à motifs géométriques encadrent un médaillon central représentant l'égide ou bouclier d'Athéna, décoré en son centre de la tête de Méduse. Des animaux marins et un caducée ailé (symbole d'Hermès) figurent dans les écoinçons (les quatre angles du carré central contenant le médaillon).
Des occupations gauloises ont précédé les constructions romaines
Les occupations de la Tène finale (entre -120 et -30) sont matérialisées par des fosses de récupération de limon et des empreintes de poteaux d'habitations en terre et bois, par une structure d'artisanat (un four à céramique) et des dispositifs de stockage (des fosses-silos et deux caves, dont l'une à parois en bois et l'autre en dalles sèches).
À la période augustéenne (-30 à + 15/20), des activités artisanales sont associées aux habitations : production de céramique et travail du métal, avec des foyers de forge en batterie.
La romanisation commence à se faire sentir dans l'architecture vers l'an 30, avec l'apport de matériaux nouveaux comme le mortier de chaux. Si les cloisons des maisons sont encore en matériaux périssables, les sols confirment l'utilisation du terrazzo, un béton constitué de graviers liés à la chaux et lissé en surface. Des peintures appliquées sur un mortier lissé ornent les murs.
À partir du milieu du Ier siècle, le périmètre habité s'étend et les maçonneries sont en moellons. Un petit ensemble thermal chauffé lié à une habitation est édifié.
De luxueuses domus conçues par des architectes
Un vaste programme architectural est appliqué à la fin du Ier ou au début du IIe siècle sur deux parcelles mitoyennes.
Dans un premier temps, dans la parcelle ouest, une grande pièce de 126 m2 s'ouvre sur un péristyle. Dans la phase suivante, un nouveau bâtiment, orné d'un péristyle à l'est et d'un jardin au sud, vient occuper la parcelle orientale. Dans la dernière phase d'occupation, la pièce primitive située à l'ouest est annexée au bâtiment de la parcelle orientale. Ce dernier semble avoir été détruit par un incendie entre 150 et 170.
Après avoir rasé toutes les maçonneries antérieures, à l'exception du mur séparant les deux parcelles, un nouveau programme architectural est élaboré, encore plus luxueux que le précédent. D'énormes moyens sont alors mis en oeuvre pour édifier une maison aristocratique décorée de mosaïques de très grande qualité. La rigoureuse orthogonalité du plan, l'usage privilégié de la symétrie et de la perspective, la qualité des fondations (sable, argile, chaux, cendre) et des élévations en opus vittatum (maçonnerie de petits moellons très régulièrement taillés et agencés), la dimension des pièces et des portiques, la présence prestigieuse des styles corinthien et composite, ainsi que la richesse décorative (mosaïques, enduits peints dans chaque espace, placages...) prouvent que le commanditaire a fait appel aux services d'un architecte. Appliquant des principes généralement en usage dans l'architecture publique, celui-ci a déterminé des modules de construction et utilisé un tracé régulateur permettant de dégager une trame dans laquelle chacun des espaces du bâtiment s'inscrit de manière satisfaisante.
Visite guidée de la domus au Neptune
Trois éléments majeurs - un péristyle, une salle de réception (oecus) et un avant-corps ouvert sur le jardin - s'alignent sur un axe de symétrie nord-est/sud-ouest. Dans l'aile ouest se succèdent plusieurs pièces.
Le péristyle carré, défini par une galerie couverte entourant un espace ouvert, totalise une superficie de 500 m2. Il possède douze colonnes, que des fragments ont permis de restituer : hautes de 6,70 m, elles sont d'ordre corinthien à fût cannelé et rudenté (le tiers inférieur des cannelures est rempli d'une baguette comblant la dépression de la cannelure), et à base attique.
Les dimensions du grand oecus au Neptune atteignent 11,75 m x 17 m, soit 200 m2. La hauteur estimée est de l'ordre de 10 m. Chacun de ses longs côtés est percé de trois grandes portes séparées par des colonnes, l'ensemble étant encadré par deux pilastres latéraux, dont le rythme répond, au nord, aux colonnes du péristyle et, au sud, à celles de la galerie sur jardin. Le sol de la pièce est orné d'une mosaïque à décor géométrique divisé en 44 carrés, au centre de laquelle un médaillon au motif illustrant Neptune debout dans un char tiré par quatre chevaux occupe l'espace de quatre carrés. La taille de cet oecus, pièce de réception à caractère semi-public, est exceptionnelle. À titre d'exemple, rares sont les oeci d'Afrique du Nord atteignant ces dimensions. On sait qu'un certain nombre de salles d'apparat de cette époque étaient chauffées. Pourtant celle de la domus du Collège Lumière, largement ouverte sur l'extérieur dans une région aux hivers rigoureux, ne possède pas d'hypocauste : elle devait donc être utilisée durant les saisons clémentes ou être fermée par des vantaux placés entre les colonnes. Côté jardin, dominant un bassin, l'entrée de cette salle luxueuse devait prendre l'aspect d'une galerie avec avant-corps à quatre colonnes surmonté d'un fronton et dominant un bassin, au sol orné d'une mosaïque à motif géométrique.
Dans l'aile ouest de la domus, deux pièces de 65 et 85 m2 ornées de mosaïques sont distribuées par des couloirs. L'une des mosaïques comprend un médaillon central qui représente l'égide (bouclier) d'Athéna, décoré en son centre de la tête de Méduse. Ces oeci secondaires (exedrae) constituent le deuxième type de pièces du dispositif de la vie sociale, mais dans le cadre plus resserré de la famille. Deux pièces plus réduites, aux sols de terrazzo à opus signinum, correspondent peut-être à une chambre à coucher.