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Catacombes de Rome : des milliers d'individus victimes d'une épidémie ?
Depuis 2005, un programme de fouilles est engagé dans la catacombe des saints Pierre et Marcellin à Rome. Elle est le fruit d'une collaboration scientifique entre la Commission pontificale d'archéologie sacrée (Saint-Siège), le CNRS, l'Ecole française de Rome, l'Inrap et la Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine (MSHA).
La catacombe de Pierre et Marcellin se situe sur l'antique Via Labicana, au sud-est de Rome, à 3 km des murailles de la ville antique. Le réseau de galeries souterraines, long de 4,5 km, s'étend sur près de trois hectares et sur trois niveaux. Il accueilli entre 20 000 et 25 000 défunts. Cette catacombe complexe où reposent les saints Pierre et Marcelin est l'une des 60 nécropoles chrétiennes que compte la ville de Rome mais concentre à elle seule près d'un tiers des peintures connues pour ce type d'espaces.
De nouvelles salles au coeur de la catacombe des saints Pierre et Marcellin
Quelques restes picturaux, datés stylistiquement des VIe et VIIe siècle de notre ère, permettent d'envisager un culte de reliques qui, selon des sources écrites du haut Moyen Âge, pourrait être celui d'un groupe de martyrs. En effet, la présence de nombreux personnages sur les détails d'une peinture a été une permet de faire l'hypothèse d'un culte qui pourrait être celui des « 30 martyrs romains » ou, plus probablement, celui des « 40 soldats martyrs de Sebaste », actuelle Sivas (Turquie).
L'enquête archéo-anthropologique, réalisée dans une série de pièces contiguës à la galerie où étaient pratiqués les actes de dévotion, a révélé une organisation des lieux très inhabituelle avec des pièces de tailles et de formes différentes et des niveaux très variés. Cette disposition ne ressemble en rien à l'aménagement traditionnel de la catacombe, qui se compose de galeries flanquées de loculi (niches pour le dépôt des corps), d'arcosolia (niches élaborées surmontées d'un arc) ou de cubicula (chambres pour le regroupement de tombes individuelles destinées à des familles ou des corporations).
Ossuaires ou sépultures de crise ?
Raffaella Giuliani s'est interrogée lors de la découverte de ces amas osseux sur leur nature. S'agissait-il d'un ossuaire résultant d'un nettoyage de la catacombe à un moment de son fonctionnement, ou pouvait-on envisager un lieu particulier qui aurait accueilli des milliers de cadavres ? La fouille d'un de ces ensembles en 2004 par deux anthropologues de l'université de Pise permit d'identifier plus de 50 individus déposés simultanément ou dans un laps de temps très court.
Sur la foi de ces résultats, la Commission pontificale sollicita Dominique Castex (CNRS) en raison de ses recherches sur les crises de mortalité du passé, qui associa Philippe Blanchard, archéologue à l'Inrap et spécialiste des sépultures de crise, avec lequel elle avait collaboré en 2002 sur des inhumations multiples consécutives une épidémie à Issoudun.
L'objectif de la mission était d'approcher au mieux l'organisation et le fonctionnement de ces ensembles afin de confirmer le caractère simultané des dépôts dans chaque pièce et de tenter d'identifier la nature de la crise à l'origine des décès. De même, il importait de dater ces ensembles et d'essayer de caractériser la population inhumée.
Entre 3000 et 4000 individus
En dépit d'un très mauvais état de conservation, l'étude biologique réalisée sur les individus fouillés a néanmoins permis de révéler la prédominance de jeunes adultes (souvent féminins) et le faible nombre d'enfants. Aucune lésion osseuse n'a permis de confirmer l'hypothèse de martyrs chrétiens.
Des pratiques funéraires originales
La datation par carbone 14 réalisée sur un individu a donné une fourchette chronologique comprise entre 28 et 132 de notre ère et suggère ainsi le caractère très précoce de ces ensembles et leur antériorité par rapport à la vocation funéraire chrétienne de la catacombe.
Peste, typhus, variole ?
Il s'agira de confirmer la datation précoce de ce secteur afin de déterminer s'il ne peut pas être à l'origine du réseau funéraire chrétien développé à partir de la fin du III e siècle.
De plus, l'identification de la nature des décès revêt une importance considérable dans la compréhension générale des phénomènes de crises de mortalité épidémique (apparition des maladies, diffusion, etc.). La peste comme le typhus et la variole sont aujourd'hui envisagés.
Inrap : Philippe Blanchard, archéologue
Vincent Charpentier
Chef de Pôle
Inrap, pôle partenariats et relations avec les médias
01 40 08 80 16 - %20centre-ile-de-france [at] inrap.fr" target="_self">vincent.charpentier [at] inrap.fr
Mahaut Tyrrell
Chargée de communication médias
Inrap, pôle partenariats et relations avec les médias
01 40 08 80 24 - %20mahaut.tyrrell [at] inrap.fr" target="_self">mahaut.tyrrell [at] inrap.fr