Le chantier, sis sur une parcelle de 650 m2, se trouve en plein cœur du centre historique de Reims.

Dernière modification
10 mai 2016

À cet endroit, la stratification atteint une épaisseur de 5,50 m. La méthodologie mise en place en concertation avec le constructeur a permis de fouiller la surface intégrale de la parcelle tout en limitant le problème des reprises en sous-oeuvre pour les premiers mètres de stratification.

Dans un premier temps, des pieux ont été installés sur la périphérie du chantier. Puis, une tranchée de 2,50 m de large et de profondeur a été creusée entre ces pieux afin de mettre en place des murs préfabriqués de la hauteur du premier niveau de sous-sol. Cette tranchée a fait l'objet d'un suivi archéologique ce qui a permis de repérer des murs et des angles de bâtiments. Dans le même temps, les coupes ont été relevées. La parcelle a alors été décapée sur les premières couches archéologiques à une cinquantaine de centimètres sous le niveau actuel. Dans un second temps, lorsque la fouille a atteint la profondeur du premier niveau de sous-sol (- 3 m), nous avons continué les travaux tout en laissant une berme de sécurité d'1 m tout autour du chantier. Ainsi, seuls les derniers mètres de stratification ont fait l'objet d'un suivi lors des reprises en sous-oeuvre.

Ce chantier permet d'affiner la chronologie des occupations à Reims depuis l'époque gauloise. L'importance de la stratification et l'absence de caves contemporaines laissaient présager un très bon état de conservation des couches archéologiques, en particulier celles de la fin de l'Antiquité et du haut Moyen Âge. La fouille a donc offert l'opportunité d'établir le lien entre la période antique et la période médiévale. Bien que quelques traces d'une occupation antérieure à la période gallo-romaine aient été décelées, les vestiges les plus parlants et les plus anciens datent des années 30 de notre ère. À cette époque, une importante domus est construite sur la parcelle. Elle est bâtie selon un plan en U, orientée est-ouest, avec une cour intérieure bordée par des pièces d'habitat. Dans cette cour, une cave est construite en tegulae. Des quatre pièces mises au jour, trois possédaient un sol en béton et l'une avait un plancher. Elles étaient toutes décorées d'enduits peints et deux d'entre elles étaient dotées de pavement en béton de chaux décoré de tesselles. Le sol de la pièce au sud de la maison était orné de fragments de marbre disposés en damier, la pièce au nord étant décorée d'un tapis central délimité par une frise en tesselles noires et blanches. Dans ce tapis, un semis de croisettes de quatre tesselles noires et une blanche formait un damier et un emblema en tesselles noires et blanches représentait un cercle inscrit dans un carré. Des feuilles d'eau décoraient les coins du carré et des lancettes disposées de manière concentrique remplissaient le cercle. Cette domus, qui a subi au moins une modification, est détruite au début de l'époque flavienne pour laisser place à une nouvelle maison. Cette deuxième maison, dont au moins cinq pièces ont été mises au jour, possédait à l'origine deux pièces décorées avec des mosaïques. L'une d'elles avait une superficie de 36 m2, l'autre de 60 m2. L'importance des modifications postérieures de cette maison n'a permis de conserver qu' 1,50 m2 de la plus petite mosaïque, la plus grande n'étant plus représentée que par des déblais issus de son démontage. En effet, au IIIe s., la plus grande pièce a été scindée en deux pièces plus petites qui ont été dotées de chauffage par hypocauste. Au IVe s., cette maison est encore réaménagée. La pièce nord contenant la plus petite mosaïque est divisée en deux. Au Ve et VIe s., la pièce à hypocauste est abandonnée alors que les petites pièces au nord, construites au IVe s., sont toujours occupées. À l'emplacement de l'hypocauste, une nouvelle construction est érigée au VIe s. Finalement, c'est à l'époque carolingienne que toutes ces constructions sont abandonnées et qu'une partie des matériaux de construction est récupérée. Cette récupération des murs en pierre permet la construction de nouveaux bâtiments à côté des plus anciens. Ces anciennes constructions sont alors recoupées par de nombreuses latrines et par des fosses dépotoirs. Puis de nombreuses réfections et modifications des constructions carolingiennes se succèdent jusqu'à une stabilisation du parcellaire au XIIe s. À cette date, une importante maison recouvre tout le site. Elle est agrandie et dotée de nouvelles pièces au XIIIe s. et adopte alors un plan carré. Au XIVe s., ce plan est transformé et la cave qui formait un retour côté sud est comblée. Le nouveau plan de la maison est en forme d'U ouvert du côté sud. Une grande cour occupe l'espace central. Aux XVe et XVIe s., cette maison bourgeoise devient un hôtel particulier et plusieurs pièces sont créées par la division des longues ailes de la maison. Au XVIIe s., des pièces sont construites au détriment de la cour qui se réduit de plus en plus. L'hôtel particulier atteint alors son plan définitif qui sera conservé jusqu'au début du XXe s. pour disparaître alors définitivement lors des bombardements du premier conflit mondial.