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Un village médiéval abandonné à Castries
Les origines du village sont difficiles à percevoir, compte tenu de l’impact qu’ont eu les aménagements postérieurs.
Le village de Mas de Roux à Castries (Hérault)
En rive droite de la rivière Bérange, sur une emprise de 9  000 m², près de cinq mois de fouille ont été nécessaires pour étudier les origines et l’histoire de l’établissement médiéval du Mas de Roux, diagnostiqué en 2012, et sa transformation progressive d’exploitation agricole en village fortifié.
Au moins dans ses formes les plus tardives (XIIIe et XIVe siècles), l’établissement intègre la voie Domitienne. Il en contrôle ainsi le trafic au point stratégique que constitue le franchissement du cours d’eau entre Nîmes et Montpellier.
Les traces ténues des origines du village
Les origines du village sont difficiles à percevoir, compte tenu de l’impact qu’ont eu les aménagements postérieurs. Il semble que l’établissement soit très tôt cerné de profonds fossés curvilignes assurant sa défense et aidant à son drainage. Ces premières occupations, que l’on date des années 900 à 1020, se composent de petites parcelles cultivées, de quelques petits bâtiments construits en terre et bois et d’un vaste bassin rectangulaire aux parois bâties.
Au XIe siècle, les fossés ceinturent toujours l’établissement. L’enceinte est alors compartimentée en enclos juxtaposés. Les plus méridionaux, en grande partie détruits à la fin des années 1960 par les travaux de l’autoroute A9, semblent dépourvus de construction. On envisage qu’ils soient dédiés aux cultures ou au parcage des troupeaux. Plus au nord, six sépultures ont été reconnues. Elles appartiennent aux marges méridionales du cimetière. L’église, attestée par les textes, par les prospections géophysiques et par plusieurs éléments architecturaux, est située à 30 m au nord de l’emprise. Pour cette période, les preuves tangibles d’un habitat demeurent difficiles à réunir.
Le manse médiéval
Entre 1100 et 1160, la surface de l’établissement demeure inchangée, mais de nouveaux édifices apparaissent. Ils semblent se répartir en fonction de leur vocation : habitat à l’ouest, production à l’est.
À l’ouest, cinq maisons en pierres ont été étudiées, dotées d’un étage pour certaines d’entre elles. À l’est, un complexe artisanal a été mis au jour. Il se compose d’un remarquable moulin hydraulique associé à un long bâtiment qui pouvait servir à réceptionner les récoltes et stocker les productions (à l’étage).
En 1150, le site est mentionné en tant que « manse de Ro ». Un manse, au Moyen Âge, est une habitation rurale avec jardin et champs, constituant une unité d'exploitation agricole. Ce terme, en Languedoc, Roussillon et Provence, est devenu mas.
Du village fortifié à l’abandon du site
Vers 1160, l’aspect de l’établissement change radicalement : le manse se transforme en village castral. Si certains bâtiments perdurent, d’autres comme le moulin disparaissent. Une vingtaine de maisons en pierre, pour la plupart dotées d’étages, y ont été fouillées. Des venelles, des places et des rues desservent les îlots. L’ancienne enceinte fossoyée est remplacée par une triple ligne de défense : une levée de terre éventuellement surmontée d’une palissade, un fossé large de 3 m, et un mur d’enceinte dont la hauteur originelle peut être estimée entre 5 et 8 m. Sur le flanc ouest, un pont franchit le fossé et donne accès au village par un porche peut-être doté d’une herse ou d’un assommoir.
L’ultime période appréhendée (1250-1320) est celle d’une restructuration drastique de l’habitat. À l’ouest les fortifications sont rasées et les maisons démantelées, sans que l’on en comprenne les causes. Dans la partie orientale de l’établissement, en revanche, un puissant remblai rehausse le sol du village d’une quarantaine de centimètres et de nouveaux bâtiments font leur apparition. Le mur d’enceinte est maintenu mais sa fonction change : il préserve désormais l’habitat des crues du Bérange, violentes et récurrentes à partir de la fin du XIIIe siècle. La découverte de carreaux d’arbalète dans ce périmètre donne en outre à penser qu’un ultime pôle défensif pouvait se dresser là, pour encore contrôler le franchissement du cours d’eau. Il est lui-même abandonné vers 1320.