Vous êtes ici
Un établissement rural de l’Antiquité tardive à Appoigny (Yonne)
Des vestiges d'un établissement rural de l'Antiquité tardive (IVe - Ve siècles) ont été mis au jour par l'Inrap à Appoigny dans l'Yonne. Le site semble illustrer une étape vers la constitution des hameaux et des communautés villageoises du début du Moyen Âge.
Les archéologues de l’Inrap ont réalisé en ce début de printemps 2022 une fouille archéologique sur une parcelle de 3500 m² dans la zone industrielle sud d’Appoigny (Yonne) sur prescription de l’État (DRAC Bourgogne – Franche-Comté) préalablement à un projet de construction d’un bâtiment à usage de messagerie pour le transporteur Kühne + Nagel. Ce projet est réalisé par le promoteur Lyonnais, 6ème Sens Immobilier. Installée dans la vallée de l’Yonne, juste au nord d’Auxerre, la commune d’Appoigny dispose d’un riche patrimoine archéologique. Les investigations pratiquées sur une des dernières parcelles encore non aménagées de la zone industrielle renseignent l’histoire tardo-antique du secteur, apportant de rares éléments de compréhension sur la nature et l’origine de ce type d’occupation pour la région.
Un établissement rural des IVe - Ve siècles
Les fouilles ont livré une portion d’habitat des IVe - Ve siècles caractérisé par au moins quatre bâtiments en matériaux périssables (poteaux en bois, toits en chaume…), parfois associés à des installations trahissant l’existence d’activités artisanales et agricoles. Les structures, essentiellement en creux, s’implantent directement dans le substrat argilo-sableux de la terrasse alluviale de l’Yonne, rivière s’écoulant dans des méandres à l’est à un kilomètre de là. Les trous de poteaux matérialisant l’emplacement des anciens bâtiments sont reconnaissables grâce à leur comblement plus sombre et la présence de calages en tuiles et pierres.
Vue d’ensemble du bâtiment sur sablière en cours de fouille.
© M. Chettir, Inrap
Exemple d’un trou de poteau avec calage découvert sur la fouille.
© A. Gillot, Inrap
Vue d’ensemble du bâtiment sur poteaux avec four séchoir aménagé dans l’angle sud-ouest.
© M. Chettir, Inrap, Inrap
En l’état, il est encore difficile de caractériser précisément la fonction des différents bâtiments observés. Le plus vaste dispose d’une superficie intérieure de presque 80 m² subdivisée en trois nefs. Le second bâtiment sur poteaux présente quant à lui un plan de 12 m de longueur pour une largeur d’à peine 5 m. Il est enserré au nord et au sud par une palissade. Juste à l’est, le bâti sur sablière se matérialise par quatre petites tranchées de 60 cm de large parsemées de poteaux plus ou moins importants. Ces structures sont destinées à accueillir les poutres servant de fondations au bâtiment.
Des équipements agricoles et artisanaux
À l’intérieur du plus vaste bâtiment barlong se trouve dans l’angle sud-ouest une structure pouvant être interprétée à ce jour comme un four ou un séchoir/fumoir. L’association d’un tel aménagement avec une construction est riche d’enseignement. Cette structure excavée quadrangulaire de 30 cm de profondeur pour une longueur de 3 m est composée d’une chambre de traitement effondrée et d’une aire de chauffe avec son cendrier. Les études à venir permettront de confirmer la présence d’un tel équipement sur le site d’Appoigny. Ces séchoirs étaient souvent destinés à améliorer la conservation et le traitement des céréales après la moisson. Enfin, signalons que l’emprise de terrain investie était déjà occupée au début du Ier siècle de notre ère. Cette occupation se traduit par la présence d’un four de potier à un seul volume, plateforme centrale et double alandier opposé, type connu en Bourgogne pour la période augusto-tibérienne (première moitié du Ier siècle).
Vue d’ensemble du four de potier avant sa fouille.
© L. Gaëtan, Inrap
Un établissement rural au statut aisé ?
En l’état, la nature réelle de ce site reste encore à déterminer. Aucun niveau de sol des bâtiments n’est conservé. En revanche, un épandage de mobilier dans une légère dépression naturelle du terrain livre quelques indices sur le statut de l’établissement d’Appoigny. Outre les monnaies du IVe siècle, notons parmi les objets en alliage cuivreux la présence d’un probable renfort cranté de moyeu de char et d’une tête de statuette représentant Mercure ou encore d’un lot d’appliques en forme de pelte. À cette période, ces dernières peuvent être remployées comme garnitures de ceinturon, éventuellement militaires.
Tête de statuette du dieu Mercure, 29 mm.
© G. Pertuisot, Inrap
Toutes ces installations éclairent de manière peu commune l’occupation de l’Antiquité tardive dans ce secteur de la vallée de l’Yonne. L’organisation et la gestion des campagnes en Gaule romaine évoluent aux IVe -Ve siècles. Ce type de site rural structuré et multifonctionnel (habitat et activités agropastorales) illustre alors sans doute une étape vers la constitution des hameaux et des communautés villageoises tels que nous les connaissons au début du Moyen Âge.
Probable renfort cranté de moyeu de char, 69 mm.
© G. Pertuisot, Inrap
Face et revers d’une applique en forme de pelte, 40 mm.
© D. Lamotte, Inrap
Contrôle scientifique : Service Régional de l’archéologie (Drac Bourgogne-Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Loïc Gaëtan, Inrap