Une équipe de l'Inrap fouille depuis début mai et pour deux mois un cimetière protestant du XVIIe siècle à Saint-Maurice (Val-de-Marne), à l'emplacement d'une future résidence médicalisée.

Dernière modification
13 juillet 2016
C'est le premier cimetière protestant en France à faire l'objet d'une fouille. L'enjeu scientifique et historique est d'importance car, jusqu'à présent, on connaissait des sépultures isolées. Là, sont enterrés des huguenots parisiens après la promulgation de l'Édit de Nantes (à partir de 1606 et jusqu'en 1685), près du célèbre temple de Charenton (aujourd'hui Saint-Maurice). C'était le lieu de culte des huguenots parisiens et de tous les Européens convertis de passage à Paris à l'époque. Les archéologues s'attendent à mettre au jour plusieurs dizaines de sépultures dont l'étude, menée par des anthropologues, donnera des informations inédites sur le rituel d'inhumation, qui permettront de comparer ses particularités avec celles connues par les textes.

Les protestants face à la mort

C'est sans doute dans leur attitude face à la mort, que catholiques et protestants s'opposent le plus aux XVIe et XVIIe siècles. La doctrine réformée rejette en effet l'idée du Purgatoire, la nécessité de messes pour les morts, le culte des saints, l'usage des reliques... Jean Calvin recommande des funérailles " honnêtes ", c'est-à-dire décentes, sans pratiques considérées comme superstitieuses : pas de pierre tombale, pas de prêche au cimetière, pas d'offrande...
Cela entraîne une fracture inévitable avec les catholiques qui pratiquent un culte des morts très poussé et considèrent les cimetières comme des lieux sacrés. Les guerres de religion sont riches en violences confessionnelles : profanations et exhumations ont lieu dans les deux camps...

L'Édit de Nantes

En 1598, l'Édit de Nantes établit la coexistence des deux communautés, avec restitution des lieux de culte et séparation des cimetières. Pour éviter une nouvelle nuit de la Saint-Barthélemy, la communauté réformée parisienne est invitée à aller pratiquer son culte à cinq lieues de Paris au temple de Charenton-le-Pont. De plus, un décret royal de 1609 précise que les inhumations doivent se faire la nuit, sans cortège funèbre, sous surveillance d'un archer du guet ; ceci pour éviter désordres et émeutes.

Quelle est la réalité des pratiques funéraires ?

L'austérité des pratiques religieuses protestantes et les conditions imposées aux inhumations ont peut-être eu des conséquences fortes sur le mode de sépulture. Pour autant, en Europe, les riches protestants préfèrent des funérailles plus élaborées que celles recommandées par le dogme. Au XVIIe siècle dans tout l'Occident chrétien, la mode est au sarcophage en plomb. Les huguenots parisiens ont-ils échappé à la mode ? En Béarn, les soldats de culte réformé veulent conserver la pompe funéraire traditionnelle à leur corps militaire. En Écosse et aux Pays-Bas, des inhumations continuent d'avoir lieu dans les églises. Partout, le désir d'être inhumé près des ancêtres (catholiques) reste fort.

Les historiens estiment que les protestants ont, à l'époque, des difficultés à dépasser les pratiques funéraires médiévales. Dans les pays d'Europe où des cimetières protestants modernes ont été fouillés, il est difficile de faire la différence entre une sépulture catholique et une sépulture protestante. Aussi, quels faits les archéologues vont-ils mettre en évidence à Saint-Maurice ?
Archéologue responsable d'opération : Jean-Yves Dufour, Inrap.
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Île-de-France)
Aménageur : Sogea Construction
Contact(s) :

Mahaut Tyrrell
chargée de communication
médias, Inrap
tél. 01 40 08 80 24
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