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Route de Kernéost
A Bénodet, Finistère, fouilles de sauvetage sur une superficie totale de 2 500 m2.
Située à moins de 300 m du bord de mer, cette opération archéologique vient compléter nos connaissances encore très lacunaires sur le premier âge du Fer en Armorique. Les recherches ont permis d'étudier une partie d'un petit établissement agricole côtier et offrent la rare opportunité de pouvoir appréhender un habitat de cette période, et plus précisément de la transition Ier-IIe âges du Fer. La découverte en Bretagne de ce type de vestiges datés de cette période reste exceptionnelle. Apparemment fondée entre le VIe et le Ve s. av. J.-C., l'occupation rurale, abandonnée durant La Tène ancienne, se caractérise par deux constructions imposantes : un enclos palissadé ou une étable et une construction circulaire associée à un souterrain.
Souterrain écrêté, avec au premier plan une chatière de liaison entre les salles et au second plan les deux puits d'accès
Cliché Inrap
Cette dernière (probable bâtiment circulaire) peut témoigner des influences culturelles et des contacts ou relations entre la région armoricaine et le sud de la Grande-Bretagne, attestés par une architecture similaire. Quelques restructurations du secteur, apportées par l'arasement d'anciens bâtiments et l'érection de nouvelles constructions, ont été relevées. Le souterrain a été réutilisé et a perduré pendant toute l'occupation protohistorique. Ce type de structure associé à l'habitat est significatif d'un certain statut, quelle que soit la fonction qu'on lui attribue. Aucune trace d'enclos, fossoyé ou taluté, de cette période n'a cependant été repérée et les recherches effectuées ne permettent pas de définir s'il s'agit d'une occupation liée à un hameau ou à une ferme indigène isolée.
Les activités principales de la ferme de Kernéost sont l'élevage - révélé par une grande construction à antenne, probablement une étable (construction n° 1), munie d'une palissade en entonnoir destinée à guider le bétail - et la culture, vu le nombre de meules à grains découvertes sur le site. Ces meules, qui permettaient de broyer du grain pour en faire de la farine, confirment le rôle des céréales dans l'alimentation gauloise. La présence d'un gros peson de métier à tisser découvert au niveau de l'étable est peut être à mettre en relation avec une activité de tissage à partir de la laine produite par un élevage de moutons. Mais la production de viande est probablement la finalité essentielle de l'élevage, la fabrication de produits laitiers, crème, beurre ou fromage, pour une consommation familiale ou pour des échanges, étant envisageable. Les constructions élevées en matériaux périssables, associant une architecture bois/terre, plutôt que l'utilisation de la pierre locale, en l'occurrence le granit, n'étaient probablement pas prévues pour une durée excédant quelques décennies. Mais, comparativement à l'âge du Bronze, où l'on estime que les sites d'habitats agricoles se déplacent fréquemment, quasiment à chaque génération, ces déplacements étant liés aux activités agro-pastorales (gestion des cultures, des jachères, de l'élevage, de l'exploitation de la faune et de la flore environnante) ou encore au commerce, la présence du souterrain et de l'imposante construction sur tranchées palissadées supposent une certaine sédentarité des occupants, voire une continuité dans l'occupation du site.
L'habitat côtier du site de Kernéost n'a quasiment pas de lien avec le milieu maritime, excepté la récupération de nombreux galets (utilisés comme pierres de chauffe, comme meules ou comme calage dans les constructions). Il semblerait que les habitants du site ne pratiquaient pas la pêche, et s'ils le faisaient, ils n'en ont laissé aucune trace (coquillages, débris de poissons ou ustensiles liés à cette pratique). Leur économie semble principalement basée sur l'exploitation agricole. Leur alimentation provenait de l'agriculture et la dépréciation de la chasse par rapport à l'élevage, déjà observée à l'âge du Bronze, semble se confirmer. Ces confirmations peuvent être étayées par l'analyse des ossements découverts dans le comblement du souterrain.
Sur le plan culturel, le mobilier mis au jour durant cette opération a permis d'agrémenter le corpus encore faible des vases connus pour l'époque correspondant à la transition entre les Ier et IIe âges du Fer dans la région. En effet, si le début du IIe âge du Fer reste relativement bien connu par les archéologues, notamment à travers les artefacts recueillis sur les sites d'habitat, les contextes légèrement plus anciens font souvent défaut, particulièrement pour la période comprise entre la fin du Ve s. et la première moitié du VIe s. av. J.-C. Au-delà de cette fourchette chronologique, les données demeurent d'ailleurs extrêmement lacunaires, d'où la difficulté d'insérer le lot de céramiques de la construction n° 1 dans une fourchette chronologique précise. Certains petits ensembles provenant des contextes d'habitat nous apportent toutefois quelques précisions. En outre, si les informations issues des contextes funéraires restent abondantes, l'absence de chronologie relative rend difficiles les attributions chronologiques précises. Enfin, pour ce qui concerne la nature du mobilier recueilli dans cette construction, il nous paraît délicat de nous prononcer, étant donné le manque de références à l'échelle régionale : céramique domestique ? poterie funéraire ? Les écuelles identifiées sont extrêmement rares en contexte funéraire et certains récipients, comme le fond d'un gros pot, semblent plutôt relever d'activités domestiques (stockage des denrées, présence d'une meule, etc.).
Le mobilier mis au jour dans le souterrain correspondrait au matériel habituellement dégagé dans ce type de structure : poteries, meules dormantes ou portatives en granit (d'ailleurs sans trace de réutilisation autre que la fonction primaire qui leur est dévolue). On notera quelques corrélations avec des fragments de poteries anciens dégagés dans la construction n° 1.
Un hiatus important sépare l'occupation protohistorique de la phase suivante. Quelques fossés marquent au sol l'emprise d'un enclos d'époque romane, associé à quelques structures. Un four longiligne et deux probables fosses de décantation sont liés à un petit artisanat familial. Au Moyen Âge, ces structures peuvent être utilisées pour différentes productions et plus particulièrement pour exploiter le sel marin. Bien que rien ne l'atteste, la situation de ce type d'élément en bord de mer appuierait cette hypothèse. L'exploitation devait se faire directement à partir d'eau de mer, en la concentrant jusqu'à obtenir une saumure, puisqu'aucune trace de sable marin n'a été relevée dans le comblement des deux fosses. La valeur du sel à cette époque devait apporter un revenu supplémentaire aux propriétaires de l'exploitation. Utilisé pour la consommation courante, le sel servait aussi pour les salaisons et le surplus de production, minime vu la taille du fourneau, pouvait également être échangé.
Un parcellaire taluté du bas Moyen Âge, orienté différemment par rapport aux états précédents, associé à quelques structures, dont un petit grenier sur pilotis, correspond à la dernière occupation perceptible. Excepté ces talus de parcellaire, aucune structure découverte sur le site ne s'oriente perpendiculairement à la route de Kernéost. De ce fait, l'orientation actuelle du parcellaire dans ce secteur semble puiser ses origines au bas Moyen Âge.