En janvier 2016, Marilyne Bovagne débute la fouille de Bellegarde, dans le Gard, où des gravures du Paléolithique contemporaines des représentations de la grotte de Lascaux ont été mises au jour. Découvrez le portrait de cette archéologue investie et à l’écoute des autres, qui s’est forgée en vingt ans de travail à l’Inrap une carrière riche et inspirante !

Chronique de site
Dernière modification
03 juillet 2023

Diplômée d’un DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées) sur les métiers de l’archéologie à l’université Jean Moulin Lyon 3, Marilyne Bovagne entame des travaux de recherche sur l’Inde orientale, en 1997, au cours de son troisième cycle d'études. « J’étais passionnée par cette civilisation, ce qui m’a incitée à débuter une thèse sur ce sujet à l’université Lumière Lyon 2, après y avoir effectué un DEA (diplôme d'études approfondies). Même si je n’ai pas pu finir ma thèse, ce projet de recherche m’a donné l’opportunité de participer à une mission archéologique au Bangladesh de 1998 à 2004. Les missions de fouille programmée duraient en général un à deux mois par an. Nous vivions sur place au village. C’était l’occasion d’être immergés au sein d’une autre culture et d’apprendre à connaître la population. Les vestiges les plus anciens trouvés sur ce site remontent au grand Empire maurya (fin IVe-début IIe siècle avant notre ère). Ils étaient extraordinaires ! »

M. Bovagne 2

Marilyne Bovagne.

© Inrap

Parallèlement à ce projet, elle obtient plusieurs contrats à durée déterminée avec l’Inrap à partir de 2002. Sa spécialisation en archéologie de l’Inde orientale lui offrant peu de débouchés, elle se consacre au fur et à mesure à l’archéologie préventive en France. « Mes voyages et mes recherches avec la mission franco-bangladaise ont été des expériences très enrichissantes d’un point de vue humain et professionnel. J’ai travaillé avec des experts du CNRS et des universitaires. J’ai découvert les différentes technologies utilisées en fouille et post-fouille. Mais, c’est l’Inrap qui m’a permis d’acquérir les compétences de terrain propres à l’archéologie préventive. »

Marilyne Bovagne réalise ses premiers chantiers de diagnostic dans l’équipe du responsable de recherches archéologiques Pierre Jacquet, un spécialiste de la Protohistoire, dans le 9e arrondissement de Lyon. « Pierre m’a beaucoup appris. Il avait l’envie de transmettre et de partager ses connaissances avec nous. J’étais technicienne à l’époque. Dès mon deuxième ou troisième contrat avec l’Inrap, il m’a permis de rédiger le rapport de diagnostic. C’est une opportunité qui m’a donné les moyens de progresser. » 

M. Bovagne

Souvenir du chantier "Liaison Interquartier", à Uzès, dans le Gard (fin 2018-début 2019), avec la mascotte de la fouille : un marcassin. 

© Julie Grimaud, Inrap

En 2007, elle poursuit sa carrière dans une autre région, l’Occitanie, et plus particulièrement au sein d’une agglomération riche en vestiges antiques, une période qu’elle connaît sur les bouts des doigts ! Au mois de février, elle intègre la fouille du parking Jean Jaurès de Nîmes, l’un des chantiers les plus marquants des vingt dernières années. Près de 40 personnes y sont mobilisées. Des vestiges de domus, des mosaïques… sont mis au jour en bon état de conservation. « C’est la première fois que je participais à des fouilles urbaines de cette envergure. J’étais en CDD comme de nombreux jeunes archéologues qui travaillaient sur ce chantier. L’ambiance était conviviale, même si nous avions conscience des enjeux et de l’importance de cette fouille. Odile Maufras était alors responsable de secteur. À ses côtés, j’ai développé une vraie exigence dans le travail et compris l’importance de la transmission du savoir. » 

La même année, Marilyne Bovagne est embauchée en contrat à durée indéterminée à l’Inrap. Elle enchaîne les chantiers dans la région nîmoise et prend de nouvelles responsabilités. « J’ai continué à travailler sur des fouilles de la période antique, mon domaine d’expertise grâce à ma maîtrise d’histoire ancienne et à mes travaux de recherche en troisième cycle. Mais j’ai aussi élargi mon champ de compétences au gré des affectations. J’ai mis au jour des sites plus anciens, du Néolithique et de la Protohistoire. Je me suis intéressée à l’archéologie des paysages et aux relations des groupes humains avec leur milieu avec l’aide des paléoenvironnementalistes : Sophie Martin, Isabel Figueiral et Pascale Chevillot. »

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Plaquette gravée aux trois profils de chevaux, du Magdalénien inférieur initial (-20 000), découverte à Bellegarde (Gard). Étude : Oscar Fuentes, Centre National de la Préhistoire (CNP).

© Denis Gliksman

En 2016, elle est choisie comme responsable de recherches archéologiques du chantier de Bellegarde, qui dure 11 mois. Elle découvre avec son équipe des vestiges inattendus : des plaquettes gravées représentant des chevaux, du Magdalénien inférieur initial, soit 20 000 ans avant notre ère. « Quand vous observez pour la première fois de telles découvertes, c’est une émotion presque indescriptible qui vous saisit. Il s’agit des plus anciennes œuvres connues pour cette culture du Paléolithique. Elles sont contemporaines de celles de la grotte de Lascaux ! » Les éléments de surprise ne s’arrêtent pas là, puisqu’environ 100 000 silex ont été trouvés sur place ainsi qu’une gravure féminine plus récente de 16 000 ans avant notre ère, qui montre de manière disproportionnée une vulve et le haut des jambes. Une trouvaille inédite, étant donné que le seul exemple connu à ce jour existe uniquement dans la grotte de Cazelle, en Dordogne. « Le site de Bellegarde n’a pas encore livré tous ses secrets. Nous avons fait appel à près de 50 scientifiques pour les révéler : un spécialiste de l’art, des paléolithiciens et d'autres experts en mobiliers... de différentes périodes, exerçant à l’Inrap, au CNRS et dans divers laboratoires de recherche de tout le sud de la France. C’est un travail de longue haleine, qui se concrétisera par des publications scientifiques et des actions de valorisation auprès du grand public. » Une fouille hors du commun, qui a demandé un engagement sans faille et qui s’est parfois révélée difficile. « Je suis contente d’avoir dirigé ce chantier. Il y a 22 000 ans d’histoire à Bellegarde. C’est un site majeur pour l’Inrap et pour chacun d’entre nous. En dehors de son caractère exceptionnel, j’ai également beaucoup appris sur moi-même. Je suis allée au-delà de mes propres limites pour fournir l’effort nécessaire pour mener à son terme ce projet. J’espère pouvoir faire pendant encore des années ce métier passionnant et bien d’autres découvertes. »

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Vue générale du site de Bellegarde, au pied des Costières de Nîmes, fouillé par l’Inrap en 2016, qui a livré un important mobilier paléolithique.

© Rémi Benali, Inrap