Après la Cité des sciences et de l’industrie, les Clévos et le Pont du Gard, l'exposition « Quoi de neuf au Moyen Âge ? Tout ce que l’archéologie nous révèle » poursuit son itinérance à Tournus, dans l'abbaye millénaire de Saint-Philibert. Réalisée par Universcience et coproduite par l'Inrap, l’exposition dépoussière nos idées reçues sur le Moyen Âge et présente un focus sur les dernières découvertes archéologiques en Val de Saône et Tournugeois. Inaugurée le 15 juin, à l'occasion des Journées nationales de l'archéologie, elle sera présentée jusqu'au 22 septembre 2019. 

Dernière modification
30 juillet 2019

Alors, quoi de neuf au Moyen Âge ?

« Quoi de neuf au Moyen Âge ? » brosse un portrait novateur de mille ans d'histoire en six îlots thématiques : « invasions ou migrations ? », « campagnes au quotidien », « hommes, paysages et ressources », « élites du Moyen Âge », « voyages et échanges » et « villes du Moyen Âge ». Les dernières découvertes archéologiques et la relecture des sources historiques permettent cette nouvelle approche, plus riche et plus contrastée, remise en scène dans chacun des îlots par des maquettes, des cartes, des manipes, des jeux, vidéos et multimédias interactifs, ainsi que de nombreux objets issus de musées d'art.
Réalisée par les archéologues de l'Inrap Bourgogne-Franche-Comté, l’exposition « Au Moyen Âge, fragments d’archéologie en Val de Saône et Tournugeois » complète ce nouveau tableau et met en évidence, au travers de totems, de vitrines et de vestiges lapidaires, la contribution des chercheurs en archéologie préventive au renouvellement de nos connaissances dans la région.

Quoi de neuf à Tournus ?

En 875, le roi des Francs Charles le Chauve fait don de l'abbatia, du castrum et de la villa de Tournus à l'abbé Geilon et à un petit groupe de moines chassés de l'île de Noirmoutier par les invasions normandes et arrivés avec les reliques de leur patron, saint Philibert. Placé sous la protection royale et échappant à la tutelle de Cluny,  le monastère se développe et devient florissant aux XIe-XIIIe siècles, abritant plus de cinquante moines et peut-être autant de domestiques et  dépendants. L'archéologie a permis de percevoir les différentes phases de construction de l'église abbatiale (du XIe au XIIIe siècle) et du cloître qui la flanque et qu’entourent divers bâtiments monastiques : parloir et cellier, réfectoire, chapitre et dortoir. Au sud du cloître, devant le réfectoire qui accueille l'exposition, les fouilles ont notamment mis en évidence une rare cuisine construite du XIIe siècle,  disparue au XVIe siècle. Des lits de cendre, des tessons de céramique, des coquilles d'œufs, des ossements d'animaux et des arêtes de poissons pêchés dans la Saône, ont été trouvés.
La ville de Tournus trouve ses origines dans le castrum (IVe siècle). Les fouilles ont dégagé principalement une aire de boucherie (XIe siècle), un cimetière, quelques maisons nobles et une Pêcherie (XIIe-XIIIe siècle), mais la forme de la ville actuelle n'est apparue qu’au XIVe siècle, avec des  maisons qui s’ouvrent sur la rue par un large portail desservant des espaces de travail et de stockage en partie basse, tandis que l’habitat se concentre à l’étage.

La vie des campagnes

Le développement de l’archéologie préventive ces trente dernières années a permis de mettre au jour de nombreux établissements ruraux aux innombrables fossés et parcelles, à vocation principalement agricole. Des graines anciennes témoignent de la culture de céréales comme l’orge et l’engrain, de fruits comme la prune et la vigne et de légumineuses comme les pois ou les fèves. Le boeuf est élevé pour sa force motrice et il a une place avec le mouton à la table des paysans, alors que le porc et le gibier sont réservés aux élites. L’exploitation paysanne médiévale est largement tournée vers l’autosuffisance et voit donc un important artisanat se développer (bois, os, cuir, laine). Petit à petit, apparaissent au sein des bourgs des activités plus spécialisées comme la céramique. Celle du village de Sevrey, dont des vases sont présentés dans l'exposition, a bénéficié de la route fluviale et a inondé littéralement le bassin de la Saône. Les travaux de la ligne à grande vitesse Dijon-Mulhouse ont permis aussi de fouiller dans la commune de Thervay (Jura) deux moulins hydrauliques, datés respectivement du IXe-Xe siècle et du XIe-XIIe siècle. Ceux-ci ont inspiré la construction, au château de Guédelon, d'un moulin à taille réelle, lequel produit actuellement plus de 10 kg de farine par heure.

Aristocratie dans la plaine de Saône

Toujours sur le tracé Dijon-Mulhouse, les fouilles de l'Inrap ont permis d'étudier à Collonges-les-Premières un important bâtiment à plusieurs nefs de la fin de la période carolingienne (IXe-début XIe siècle), un type de maison aristocratique qui disparaît au début du XIe siècle à un moment où le paysage voit l'édification d'un grand nombre de mottes castrales, notamment en Bresse. Les fouilles de la motte de Loisy (Saône-et-Loire) ont révélé un mobilier remarquable, dont des pièces de jeu d'échec en bois de cervidé. Enfin, plus près de Tournus, le château de Brancion illustre la captation de sites privilégiés par l'aristocratie laïque. Les fouilles successives ont mis en évidence le castrum (IXe siècle) de Brancion et les évolutions du bourg et de cette imposante résidence seigneuriale, possession de grandes familles aristocratiques, devenue au début du XIVe siècle château des ducs de Bourgogne.

Quoi de neuf chez les morts ?

Un des traits fondamentaux du Moyen Âge est le rapprochement des morts et des vivants. L'église et le cimetière deviennent ainsi les marqueurs de l'organisation communautaire, un phénomène accentué par la volonté de contrôle des élites laïques et ecclésiastiques. Dans le Tournugeois, les opérations archéologiques récentes ont pu montrer la lente évolution des pratiques funéraires, et notamment le passage des tombes riches en mobilier de la période mérovingienne (fibules, boucles de ceinture, dépôts alimentaires...) à celles, à partir de l'an mil, où le défunt doit faire preuve de dépouillement face à la  mort (simple cercueil en bois). Un diagnostic réalisé en 2015 à proximité de l'abbatiale de Tournus a permis aux archéoanthropologues d'étudier un groupe de défunts qui ne faisaient pas partie de la population privilégiée :  les squelettes ne comportent pas d'indices révélateurs de la pratique de la cavalerie, mais des fractures, des tassements et des carences dentaires.

Les statues de Laives

Partagé entre les évêchés d'Autun, de Chalon-sur-Saône, de Mâcon et de Lyon, le sud de la Bourgogne a été marqué par le développement de grandes communautés monastiques. À Chalon, il était question au IXe siècle d'imposer à l'évêque et à ses chanoines la vie communautaire. Si cette tentative échoue, elle explique la création de cloîtres auprès des cathédrales, entourés de bâtiments collectifs. Chalon en offre un exemple bien conservé. Le sud de la Bourgogne est très riche également en monastères, dédiés à la prière et à la charité, principalement bénédictins, apparus dans la périphérie des anciennes cités antiques (Saint-Pierre à Chalon, Tournus) ou dans des sites plus isolés (Cluny, Lancharre et à partir du XIIe siècle, La Ferté et autres monastères cisterciens). Les abbayes bénédictines entretiennent des réseaux de dépendances, les prieurés, à l'origine de nombreuses églises romanes du département. L'une d'entre elles, Saint-Martin de Laives a bénéficié de sondages archéologiques de l'Inrap qui ont fait apparaître des vestiges d'édifice antérieurs à l'an mil, mais aussi deux statues remarquables, enfouies à l'extérieur de l'église après avoir été brisées, sans doute à la révolution. Il s'agit de sainte Marie-Madeleine tenant un pot à onguent et d'un buste de moine, peut-être saint Bernard, le réformateur de l'ordre cistercien, ou saint Fiacre. Représentatives de la grande statuaire bourguignonne de la fin du Moyen Âge, stimulée par les ateliers ducaux, leur conversation a été réalisée grâce à un appel à mécénat participatif lancé par l'Inrap (« Fières d’être bourguignonnes ! »). Elles sont présentées en avant-première dans l'exposition, puis rejoindront la chapelle de Lenoux à Laives, tranformée en musée lapidaire. Ce 14, 15 et 16 juin, les Journées Nationales de l'archéologie offrent l'occasion de les voir enfin restaurées dans l'exposition, avant d'aller visiter l'un des nombreux lieux, moyenâgeux ou non, ouverts au public dans la région.

Des ressources pour petits et grands

L'Inrap propose de nombreux documents (Quiz, multimédia, dossier, vidéos) sur l'archéologie et la période du Moyen Âge notamment :

Les idées reçues
Le premier Moyen Âge
Des moulins hydrauliques
Parures et objets de prestige
À la découverte des Vikings
Quiz le Moyen Âge à petits pas
Périodes
Quiz Le haut Moyen Âge
Le second Moyen Âge
Ressources pour les enseignants
Découvrir l’archéologie
Les portraits des experts de l’archéologie
Fiche pédagogique Qu’est-ce que l’archéologie ? (primaire)
Le moulin du Gravelon

« Au Moyen Âge, fragments d’archéologie en  Val de Saône et Tournugeois »
Une exposition proposée par l’Inrap, avec la collaboration de Benjamin Saint-Jean Vitus,  Daniel Barthélémy, Carole Fossurier,  François Gauchet, Antoine Guicheteau, Gilles Rollier, Inrap et d’Aurélie Gaullet-Moissenet, Les mots de l’archéologie
Statues de Laives
Suivi et coordination :  Inrap, DRAC Bourgogne-Franche-Comté (service régional de l’archéologie), Commeon
Restauration et analyses :  Atelier restauration CREN - Arc Restauro SARL (Chenôves, 71)
Soclage et installation : Edith Basseville (Versailles, 78)