La commune de Berru, dans le département de la Marne, est localisée à une dizaine de kilomètres à l'est de Reims. La fouille préventive menée par l'Inrap a permis la découverte de plusieurs occupations au pied du Mont de Berru, sur une superficie totale de 3 300 m² réparties en trois fenêtres.

Chronique de site
Dernière modification
30 septembre 2016

Les différents vestiges mis au jour sur le site démontrent une continuité d'occupations anthropiques sur ce secteur rural, depuis les périodes du Néolithique jusqu'aux périodes médiévales, avec une absence d'indices pour les périodes antiques. Les deux âges du Fer (Protohistoire) sont les plus représentés et les mieux conservés sur l'emprise et correspondent aux vestiges d'un site à vocation agricole, caractéristique de ce secteur de la Champagne, et à la découverte d'un dépôt funéraire complexe dans une ancienne structure d'ensilage souterrain.

Ce secteur géographique est particulièrement riche en indices archéologiques, mais encore peu concerné par les opérations d'archéologie préventive. La fouille menée à Berru confirme ce potentiel, comme en atteste la découverte partielle d'un établissement rural hallstattien (VIIe-Ve siècle avant notre ère), installations recensées pour le moment uniquement dans cette partie de la région. La fouille a mis en évidence un contexte funéraire particulier, caractérisé par le dépôt d'une vache, puis par l'inhumation d'une femme au sein d'un silo laténien, au IIIe siècle avant notre ère.

Quelques indices de fréquentations du site à des périodes anciennes

La période la plus ancienne recensée sur le site concerne la découverte de restes céramiques d'un grand vase à provision, à anses mamelonnées et décoré de boutons et d'un cordon en V, caractéristiques des vases de la toute fin du Néolithique ancien
(- 4200). Trois mille ans plus tard, nous retrouvons traces d'excavations datées du Bronze final. Il s'agit de fosses dépotoirs, dont l'implantation lâche ne démontre par d'organisation particulière mais atteste un habitat contemporain vraisemblablement assez proche.

Une petite installation à vocation agricole au premier âge du Fer

À partir du Hallstatt ancien (- 750), le site est occupé par un petit établissement à vocation agricole. Ce type d'occupation est récemment mis en évidence sur différents sites champenois, périphériques à la commune de Berru. Découvert partiellement dans les limites du projet, l'établissement rural de Berru se caractérise par un fossé courbe, probablement palissadé, qui enserre des petites unités architecturales sur poteaux et des fosses de rejets domestiques. Certaines de ces constructions, notamment celles sur quatre poteaux, correspondent à de petits greniers aériens pour le stockage des céréales. Les constructions à six poteaux découvertes sur le site, dont les dimensions et la profondeur des poteaux sont assez importantes, laissent supposer qu'il s'agirait de constructions plus complexes, à vocation d'habitat et/ou à fonction mixte (habitat et agricole). Le mobilier céramique associé confirme qu'il s'agit d'un site domestique et les études des macro-restes (graines carbonisées) démontrent également la fonction agricole.

Un dépôt complexe dans un ancien silo

Un silo enterré et isolé de grandes dimensions a été identifié ; il est réutilisé, suite à son abandon, comme lieu de sépulture. Le dépôt de défunts dans les silos est bien attesté en Champagne-Ardenne, avec de nombreux cas découverts pour les périodes de La Tène ancienne et moyenne. Le silo de Berru correspond donc à ce phénomène global mais présente des particularités. En effet, un premier dépôt est d'abord effectué sur le fond du silo : il s'agit du dépôt d'une vache entière. La date de décès de l'animal est obtenue grâce à des datations par radiocarbones (14C) sur ses ossements et correspond à La Tène ancienne (400-350 av. notre ère). Dans un laps de temps assez court, la sépulture d'une femme âgée, parée d'une fibule en bronze, est aménagée dans les comblements supérieurs du silo, donc au dessus du squelette de la vache. Les études spécialisées ont permis de mettre en évidence une association volontaire entre l'inhumation et le dépôt de l'animal, notamment par des manipulations postérieures sur les deux corps, identiques et très symboliques, matérialisées par l'absence du bloc crânien pour les deux individus. Si ce type de pratiques post mortem est attesté, ainsi que quelques rares cas d'association « homme-animal » en contexte de silos, l'association d'une vache complète et d'une inhumation est à ce jour une découverte unique.
En dernier lieu, un unique vestige attribuable au haut Moyen Âge et quelques traces du Premier conflit mondial ont été identifiés.

Conclusion

La fouille du site de Berru La Maladrerie présente un réel intérêt à plusieurs titres. Les différents gisements découverts attestent d'une succession d'occupations dans un secteur où les fouilles archéologiques récentes sont encore peu nombreuses. Les deux principales occupations protohistoriques permettent de renouveler et compléter les données régionales. L'occupation du premier âge du Fer étoffe le corpus naissant du type particulier d'habitat rural à enclos ; quant au dépôt complexe dans le silo du deuxième âge du Fer, il est à ce jour un cas unique.