L'Inrap fouille au cœur du fort Saint-Louis, sur le site de l'ancien pavillon Hubert à Fort-de-France. Les nombreux vestiges découverts permettent aux archéologues de retracer quatre siècles de présence militaire de l’une des fortifications les plus importantes des Antilles françaises.

Dernière modification
27 novembre 2020

Le projet de construction d’un nouveau bâtiment de logement au profit de la Base Navale de Fort-de-France a engendré la réalisation d’un diagnostic archéologique puis d’une fouille préventive réalisés par l'Inrap, sur la superficie de l’ancien pavillon Hubert, représentant 745m² de surface. Située en plein cœur du fort Saint-Louis de Fort-de-France (Martinique), toujours occupé par la Marine Nationale, la fouille archéologique préventive menée cette année a permis de révéler les constructions successives réalisées au sein de la fortification qui se sont superposées de 1640 jusqu’en 1969.


Le fort Saint-Louis, base stratégique française dans les Caraïbes

L’histoire du fort Saint-Louis commence en 1640 sous l’égide de Jacques Dyel Du Parquet, gouverneur et lieutenant général de la Martinique, qui décide de fortifier l’éperon rocheux s’avançant dans le Cul-de-Sac Royal appelé également la baie des Flamands, afin de défendre ce havre naturel.

Le fort Royal est à l’origine une fortification de terre et de bois (fossés, palissades), et devient rapidement par la volonté des gouverneurs généraux successifs et les subsides accordés par le Roi, un complexe militaire de premier ordre, siège de la garnison principale de l’île. La fortification fera l’objet d’attaques de grande envergure comme en 1667 par une escadre anglaise menée par Lord Henry Willoughby, et en 1674 par une force des Provinces-Unies menée par l’amiral Michiel de Ruyter composé d’une quarantaine de navires et près de 8 000 hommes.

Le fort recevra différentes appellations au cours du temps, d’abord « fort Royal » puis « fort Edward » sous les différentes occupations britanniques, « fort de la République » lors de la Révolution et enfin « fort Saint-Louis » sous la Restauration.


Quatre siècles d’occupation

La fouille archéologique menée sur le site permet d’appréhender la succession de quatre siècles d’occupation avec la superposition de plusieurs bâtiments sur 2 m de stratigraphie. Au diagnostic les premiers éléments attribuables au XVIIe siècle correspondent à des trous de poteaux et négatifs de sablières basses, témoignant des premiers bâtiments en matériaux périssables établis sur le site. Associée à ce premier niveau, une épaisse couche organique contenant un riche mobilier archéologique a livré de très nombreux boulets de canon en fonte de fer de différents calibres dont certains sont fracturés. Au-delà de la première hypothèse de stockage de projectiles à proximité d’une batterie d’artillerie, cette découverte pourrait illustrer l’une des deux attaques d’envergure subies par le fort dans la seconde moitié du XVIIe siècle : 1667 ou 1674.

Dans un deuxième temps, un vaste bâtiment maçonné de plan rectangulaire est construit sur un vide sanitaire central et adjoint de deux galeries longitudinales à sol de chaux. Ce bâtiment, destiné au logement des officiers est construit au XVIIIe siècle, probablement après 1725. Il est implanté sur la vaste esplanade qui se dessine à cette époque entre la citerne du fort et deux rangées d’arbres qui apportent fraicheur et ombre aux logements, perceptible sur les plans d’époque, et comme cela est de rigueur. Le niveau de remblai succédant la destruction du bâtiment du XVIIIe siècle a livré du mobilier d’origine britannique dont notamment de la céramique en quantité abondante et quelques éléments métalliques militaires (boutons, insignes…).

Dans un troisième temps, un édifice maçonné d’orientation différente de celle du précédent et de plan quadrangulaire est bâti entre les années 1826 et 1846. Il est fondé sur les vestiges du bâtiment ultérieur. Il est caractérisé par l’adjonction de deux galeries longitudinales comportant des escaliers. La façade est enduite et peinte en rouge (partie basse) et blanc (partie haute). L’encadrement des baies est réalisé en briques. La partie centrale est bâtie sur un vide sanitaire maçonné sur pilettes, suggérant la fonction singulière de cette zone (pièce) de l’édifice. Le bâtiment subit des transformations dans la première moitié du XXe siècle avec l’adjonction aux galeries de petits édicules recevant des sanitaires dont les sols sont couverts de linoleum.

En 1969, l’édifice est rasé et un nouveau bâtiment de logement voit le jour sur le même plan. Les murs en béton banché sont directement posés sur les maçonneries écrêtées du XIXe siècle. Celui-ci porte le nom du lieutenant de vaisseau Hubert, membre du commando
Kieffer et tué au combat le 6 juin 1944 à Ouistreham (Calvados).

Aménagement : Ministère des Armées, Direction de l’Infrastructure de la Défense
Contrôle scientifique : DRAC Martinique (Service régional de l’archéologie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Alexandre Coulaud, Inrap