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A Nîmes, restauration d'une mosaïque romaine
Les dix mois de fouilles préventives du parking Jean Jaurès à Nîmes, d'octobre 2006 à août 2007, avaient permis la mise au jour sur 6500 m2 d'un quartier de la ville romaine. Il s'agit de l'une des plus importantes surfaces d'étude ouvertes dans le tissu urbain antique de Nîmes.
La mosaïque de Penthée a été découverte à 2 mètres environ sous la surface du sol actuel. Elle était située au sud d'une maison romaine (domus) au sein d'un quartier associant zones résidentielles et artisanales. Le plan n'est pas connu dans sa globalité, néanmoins une restitution permet d'estimer à 950 m2 sa surface au sol, ce qui place cette maison parmi les plus grandes actuellement connues à Nîmes.
L'étude en cours de la mosaïque est assurée par Véronique Blanc-Bijon et Jean-Pierre Darmon (CNRS) et Bertrand Houix (Inrap). La dépose et la restauration ont été réalisées par l'entreprise Mosaïques sarl (Raymond Rogliano, Cédric Saborit et Nelly Breuil).
La mise en oeuvre de la mosaïque
Les tesselles étaient probablement débitées sur place, à l'aide d'un tranchet, d'une martelline (marteau à tranche acérée) et d'une taillote (petit établi à partie saillante). Les matériaux employés sont des calcaires (blanc, gris, noir, ocres), des pâtes de verres opaques (verts, bleus), des terres cuites (orange), et vraisemblablement des marbres. La pose des tesselles a dû débuter par le contour des cadres et des tresses déterminant la trame. L'exécution de la mosaïque précède la réalisation des peintures murales qui s'appuient dessus.
Après un laps de temps indéterminé, certaines figures, endommagées, ont dû être refaites. Assez maladroites, ces réfections manifestent toutefois la volonté de rester fidèle à l'original. Des traces de feu postérieures à ces réfections antiques suggèrent que l'occupation s'est poursuivie encore quelques temps. La maison est cependant abandonnée dans le courant du IIIe siècle de notre ère.
La conception du décor et l'iconographie
La tresse qui dessine la trame du panneau central forme une composition de 5 coussins, de 16 ellipses et 4 octogones. Sur les limites, les coussins deviennent des cloches occupés par des masques de théâtre. Ce type de composition se rencontre surtout en Tunisie. Ici, l'orientation des figures rend le panneau visible de tous côtés.
Les oiseaux
Aux angles, deux couples de canards colverts. Des perdrix sont disposées sur un axe perpendiculaire à celui de perruches à collier, reconnaissables à leur bec retroussé, au plumage vert à collier rouge-orangé et à la longue queue. Autour de la scène centrale, quatre huppes marchent bec pointé à terre.
Les Saisons
Les masques
Les Ménades
Le châtiment de Penthée et d'Agavé
Le personnage terrassé occupe le premier plan de la scène centrale. Le modelé du corps est mis en valeur par des tons chatoyants. Du sang coule entre ses jambes. Le réalisme anatomique est presque parfait, si ce n'est la jambe gauche, désarticulée pour remplir l'espace. L'homme implore le personnage qui, en arrière plan, lui assène un coup de thyrse.
Cette scène illustre un épisode de la légende de Dionysos. Désireux d'installer son culte à Thèbes, sa ville natale, le dieu veut aussi punir les soeurs de sa mère, Sémélé, d'avoir nié qu'il est fils de Zeus. Il frappe les Thébaines de délire, qui partent en bacchanale célébrer les mystères du dieu. Penthée qui est le cousin de Dionysos par sa mère Agavé, est également le roi de Thèbes et s'oppose à la propagation de ce culte. Résolu à disperser les Bacchantes, il va épier les rites auxquels elles se livrent. Sa propre mère l'aperçoit mais le prend pour un animal sauvage. Les Bacchantes lui donnent alors la chasse et le tuent.
L'iconographie se rapporte pleinement à Dionysos sans qu'il apparaisse. Les masques incarnent la Tragédie et la Comédie que préside le dieu des fêtes théâtrales. L'association des Saisons à Dionysos repose sur une thématique commune de la vie renaissante. Les Ménades sont littéralement « les femmes possédées » du dieu. Enfin, punis de l'avoir méprisé, les personnages de la scène centrale vont, sous son emprise, lui assurer un triomphe en se brisant l'un par l'autre.
Cet épisode a été porté à la scène par Euripide (les Bacchantes). À Pompéi (Maison des Vetti), une peinture montre Penthée implorant sa mère. La référence à cet épisode dionysiaque reste assez rare. L'originalité et la qualité esthétique de ce pavement ont justifié qu'il soit rapidement restauré afin d'être présenté au public.
Avec Silène, il fait partie du cortège de Dionysos et incarne la Comédie.
Avec Pan, il fait partie du cortège de Dionysos et incarne la Comédie.
La représentation en mosaïque de cette scène tragique est la seule connue à ce jour dans la mosaïque romaine.