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Magaille Est
à Nîmes, Gard, la fouille archéologique conduite courant 2002 sur une surface d'environ 1 ha fait suite à un diagnostic réalisé au printemps 1999 sur 8,3 ha.
La fouille archéologique précède l'aménagement d'un bassin de rétention des eaux pluviales, ouvrage hydraulique inscrit dans le plan de protection contre les inondations (PPCI) concernant la ville de Nîmes et sa proche région.
Le site est implanté au sud-est de l'agglomération nîmoise, dans la plaine de la Vistrenque, à environ 1 km au nord-ouest de l'actuel lit du Vistre (petit fleuve côtier méditerranéen), dans une zone d'interfluve entre le cadereau d'Uzès qui borde le flanc est du site et le cadereau du Vistre de la Fontaine inscrit plus à l'ouest. Au sein d'une paléotopographie plus accentuée que l'actuelle, la séquence sédimentaire est dominée par les dépôts alluviaux, reflet de l'activité hydrologique des cadereaux (terminologie locale pour désigner des cours d'eau intermittents). L'étude de la malacofaune issue de cette séquence fortement homogénéisée par la pédogenèse révèle le maintien d'un paysage très ouvert, du type prairie - résultant sans doute d'une pression anthropique constante - et soumis ponctuellement aux débordements du cadereau. Pour les périodes anciennes, les vestiges archéologiques dégagés lors de la fouille restent cependant assez rares. Quelques structures en creux, de type fosse ou trou de poteau, auxquelles est associé un mobilier céramique extrêmement fragmentaire attestent d'une occupation néolithique ou protohistorique qu'il est impossible de bien caractériser. La fin de la Protohistoire (550-150 av. J.-C.) est mieux représentée. Un enclos discontinu fossoyé (un demi-cercle et un segment), d'un diamètre de 19 m, enserre partiellement un puits et une fosse de stockage. Le puits muni de marches est transformé dans un second temps en un dépotoir qui a fourni des restes fauniques et une grande partie du mobilier céramique. Ce mobilier associe exclusivement des fragments d'amphore massaliète, de claire massaliète et de céramique non tournée. La fosse allongée présente à chaque extrémité un surcreusement, logement probable pour des vases. Le fossé, qui est resté ouvert un temps, est formé structurellement par une succession de fosses oblongues, curvilignes, coalescentes dans leur partie supérieure. Malgré des parentés morphologiques évidentes avec d'autres cercles fossoyés découverts récemment dans la plaine nîmoise, et dont la destination funéraire ou parafunéraire est probable, ici, le mobilier et le type de structure pourraient plutôt évoquer un aménagement rural modeste incluant un point d'eau, à proximité probable d'une voie. L'occupation majeure du site est contemporaine des IIe-Ier s. av. n. è. Une importante exploitation agricole occupant un terroir de plusieurs hectares s'installe en bordure d'une voie est-ouest et d'un cadereau (voie ?) nord-sud, raisons premières sans doute dans le choix du site. Le paysage de prairies plus ou moins hautes et humides est découpé par des fossés. Les différents espaces fossoyés sont manifestement dévolus à des activités distinctes. Cette sectorisation des aménagements montre une adaptation réfléchie à la topographie du lieu et à l'environnement géographique et humain. Les enclos installés au sud de la voie dans une zone basse, plus humide, sont réservés à des fins agropastorales. Un enclos rectangulaire proche de la voie a pu avoir une destination funéraire à l'instar de sa réutilisation plus tardive au Haut Empire. L'habitat prend place au nord de la voie, sur un terrain un peu plus haut, au sein d'une zone de 3 000 m2, bordée par un large fossé doublé ponctuellement d'un talus. L'habitat dégagé partiellement sur 700 m2 s'étend sur une superficie totale pouvant être estimée autour de 1 000-1 200 m2. L'habitat est lisible en partie grâce à la bonne conservation de la surface de circulation (nombreux tessons, cailloux calcaires, mobilier métallique, fragments de terre cuite à plat), associée à plusieurs calages de poteau et à des bases de mur en pierres. L'architecture réunit le bois, la terre et la pierre et utilise la tuile comme mode de couverture. L'organisation du bâtiment reste difficile à déchiffrer. Il s'agit d'un plan a priori centré autour d'une cour surcreusée, séparant sans doute partie résidentielle et zone d'activités. La zone tampon entre l'habitat et le cadereau à l'est est largement occupée par d'imposants fossés, des aménagements hydrauliques, assez lourds en volume de travail, qui attestent une vraie gestion de la question de l'eau. L'ensemble du système vise à réduire la menace des inondations ponctuelles et a pu aussi pendant un temps avoir une double vocation en tentant d'utiliser et de stocker les eaux pluviales. La juxtaposition de ces données auxquelles on ajoutera une certaine richesse du mobilier (parures, armes, monnaies) confère à cette exploitation un caractère tout à fait singulier. L'exploitation agricole qui s'y développe pendant un siècle informe de manière inédite sur l'organisation de l'espace, la gestion de l'environnement, l'architecture, la morphologie et l'économie d'une importante ferme républicaine en plaine de Nîmes. Le site apparaît comme un établissement de premier ordre du paysage rural républicain du sud nîmois. Si quelques structures (fosses, fossés) laissent deviner une poursuite de l'occupation après l'abandon de la ferme républicaine autour de 50 av. J.-C., l'installation d'une nouvelle exploitation n'est véritablement attestée au plus tôt qu'un siècle plus tard (et encore, cette datation haute repose sur peu d'éléments : construction ancienne d'un puits, présence de plusieurs monnaies augustéennes). Prend place alors au sud de la voie, sans doute à un moment où les contraintes hydrologiques sont moins fortes (niveau de la nappe phréatique plus bas ?), un bâtiment de 700 m2 usant de techniques standardisées (solin en pierre, élévation en adobe, couverture de tegulae et imbrices) et réemployant plusieurs éléments d'architecture (colonnes, blocs, dalles). L'organisation planimétrique du bâti n'est pas sans rappeler la morphologie de l'habitat républicain puisque trois ailes se répartissent à l'est, au sud et à l'ouest autour d'une cour centrale basse empierrée et aménagée. L'ensemble dessine une forme générale en U dont la partie ouverte est tournée vers la voie au nord. L'arasement des niveaux de sols et une forte récupération des matériaux rendent difficile la lecture de l'organisation intérieure. Une partie de l'aile orientale est dévolue aux activités artisanales avec une plate-forme empierrée en périphérie de laquelle se trouvent six fosses à dolium. Cette aile est largement ouverte sur le levant en direction du puits et d'une parcelle de vigne. Une galerie court sur le flanc oriental de la cour et la présence d'un étage est présumée. On pourrait supposer une bipartition avec une aile ouest réservée à la vie résidentielle, mais rien n'atteste archéologiquement ce partage. Le creusement de la cour centrale est connecté dès le départ à un large fossé d'évacuation situé au sud du bâtiment. Cette volonté d'encaisser la cour plutôt que de surélever les bâtiments alentour pour assurer avec des fossés latéraux le drainage et la mise hors d'eau du bâtiment tient sans doute à la fois d'une certaine économie des moyens et d'une pratique vraisemblablement habituelle. La terre extraite a pu en effet être utilisée dans les élévations en terre du bâtiment. Les eaux de pluie réceptionnées dans la cour sont acheminées à l'extérieur par un caniveau et un fossé en direction du cadereau, servant potentiellement, au passage, à l'irrigation d'une parcelle. Ce type d'organisation (bâtiments autour d'une cour centrale basse) qui entretient une certaine filiation formelle avec la précédente occupation républicaine trouve plusieurs parallèles contemporains dans la plaine nîmoise. L'exploitation, singulièrement tournée vers la viticulture, s'étend sur une surface d'au moins 6 000 m2 comprenant entre autres une mare et une zone funéraire. À 30 m à l'ouest du bâtiment, près de la voie, se trouve une sépulture à incinération qui réutilise l'enclos rectangulaire républicain. La défunte est accompagnée de nombreuses offrandes primaires (olpé, lampe, urne, balsamaire, bague...) et aussi d'un balsamaire en verre intact, signe d'un dépôt secondaire. La restructuration de la cour (construction de nouveaux murs) et le remodelage du puits s'accompagnent peut-être d'une réorientation de l'activité (dolia en position secondaire, abandon de la viticulture ?), mais paraît en tout cas témoigner d'une phase de réussite du développement de l'exploitation que corroborent peut-être (?) quelques trouvailles (enduits peints, colonnes, statuette, inscriptions...)
L'établissement du Haut Empire permet de mieux comprendre une exploitation et son proche environnement : circulation, pratique funéraire, gestion de l'eau, aménagement du paysage. Ce site antique, qui par sa superficie se range plutôt parmi les exploitations modestes de l'époque, s'inscrit dans une période de développement assez importante des établissements ruraux de la plaine du Vistre. Après l'abandon de l'exploitation antique entre 250 et 300 AD, le site redevient un espace uniquement réservé aux activités agricoles (traces de plantation, fossés, mur de clôture). On signalera la présence marginale d'une sépulture à inhumation isolée sans dépôt funéraire. Les terres agricoles de Magaille Est sont sans doute en lien avec des bâtiments proches (le Mas de Boulbon par exemple qui serait l'ancienne chapelle de Saint-Guilhem de Vignolles), au sein d'un probable manse (en référence à la mention de 937 dans le cartulaire de Notre-Dame de Nîmes). Mais, à l'endroit même du site, il n'y a pas de construction nouvelle ou importante.