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LocaStock - Stockage de grains et denrées : co-conception d’innovations locales, résilientes et bas carbone en capitalisant sur les techniques ancestrales, savoir-faire paysans et intelligences collectives
Coordinateur : Jean-Michel Savoie
Coordinateur Inrap : Maxime Guillaume
Participants : Antoine Costes (CNRS, Laas), Dominique Desclaux (Inrae, Dipso), Roland Feuillas (Les Maîtres de mon Moulin), Johan Friry (Garros Services), Maxime Guillaume (Inrap), Bastien Lamouroux (Les Maîtres de mon Moulin), Alex Lasnel (Le Moulin de Pomaïrol), Marie-Françoise Samson (Inrae), Michel Sendra (Le Moulin de Michel, Flor de Pèira), Jean-Michel Savoie (Inrae, MycSA), Vincent Tourrenc (ferme du Salet, Flor de Pèira), Anna Valduriez (Inrae), Tanguy Wibaut (Inrap), Axel Wurtz (Bio Civam 11).
LocaStock est un projet de recherche participative sur le stockage des grains et des denrées alimentaires dans des conditions locales, résilientes et low tech. Dans le sud de la France, des archéologues, des agronomes, des paysans meuniers et boulangers, une régie de quartier défavorisé décident d’œuvrer ensemble pour concevoir des idées innovantes de stockage, construire des silos souterrains pour stocker les récoltes chez le producteur, et essaimer depuis l’Occitanie vers d’autres territoires.
https://anr.fr/Projet-ANR-23-SSAI-0018
Le stockage des céréales, un enjeu majeur permanent
Sécheresses, inondations, ouragans, tremblements de terre, pandémies, invasions de ravageurs, troubles géopolitiques et bien d'autres événements encore menacent la sécurité alimentaire. Non seulement la production de matières agricoles primaires mais aussi leur mode de stockage, qui impacte l’approvisionnement, sont très sensibles à ces événements. Parmi ces matières premières, les céréales sont un enjeu majeur car elles représentent la première catégorie de denrées alimentaires consommées dans le monde, et leur stockage est la principale source de gaspillage et de perte. La présence de charançons par exemple, de plus en plus fréquente dans les silos de grains récoltés, oblige les organismes stockeurs à développer des techniques toujours plus énergivores. Un autre risque majeur est lié à l’accumulation de mycotoxines. Actuellement la gestion sanitaire des stocks utilise la réfrigération active ou l’utilisation d’une ventilation forcée. Elle permet, en utilisant la température de l’air plus basse que le stock de céréale, de baisser sa température jusqu’à stopper le développement des moisissures toxinogènes et l’activité des ravageurs. Mais la réfrigération n’étant plus toujours efficace, elle doit être complétée par l’anoxie consistant à mettre sous vide ou sous atmosphère saturée en CO2 les grains récoltés. Ces techniques sont énergivores, non durables et se rajoutent aux impacts environnementaux liés au transport des céréales du lieu de récolte vers le lieu de stockage. Développer des systèmes locaux, à la ferme ou à la parcelle, de stockage des céréales et autres productions agricoles primaires à dépenses énergétiques très faibles voire nulles, est un moyen de résilience pour faire face à des chocs imprévus et d’autant plus primordial dans un contexte de changement climatique et de pratiques agricoles.
Une équipe pluridisciplinaire pour envisager l’avenir
Pour répondre à ces enjeux, un consortium inédit vient de se créer. À son origine des agriculteurs produisant des céréales biologiques de l’Aude qui souhaitent développer des méthodes alternatives de stockage, des archéologues découvrant régulièrement des silos de grains enterrés, des pathologistes des céréales, des paysans meuniers et boulangers, des généticiens et agronomes de la diversité cultivée, une régie de quartier défavorisé rassemblant des citoyens œuvrant pour l’économie sociale et solidaire, des biochimistes spécialistes de l’analyse de produits céréaliers, un lycée agricole, un centre de formation MFR, des artisans et une artiste ! Un collectif bigarré, nouveau et très motivé pour développer des solutions alternatives, des innovations en rupture pour stocker, dans des conditions propres, saines, loyales, économes, sans impact sur l’environnement et adaptées au contexte actuel, non seulement des semences, des grains mais aussi, pourquoi pas, diverses denrées alimentaires.
Remettre un savoir-faire ancestral au service des agriculteurs d’aujourd’hui
Les archéologues mettent fréquemment au jour des fosses souterraines qui permettaient de stocker les récoltes. Ces silos souterrains apparaissent avec l’agriculture au Néolithique et ont été largement utilisés jusqu’à l’époque préindustrielle en France. De telles pratiques persistent ponctuellement dans des communautés paysannes en Afrique et en Asie. Leurs points forts sont d’être des structures qui peuvent être cachées et protégées et dont le fonctionnement ne nécessite pas de dépenses énergétiques en dehors des opérations de remplissage et vidange, du fait de l’amortissement des écarts thermiques par les sols et de conditions en atmosphère confinée. Leurs faiblesses viennent de limites dans le suivi continu de la qualité du stock, des risques d’infiltrations hydriques et de persistance d’une forte humidité relative dans les fosses. Comprendre et retrouver ces savoirs ancestraux a nécessité de creuser de nouveaux silos et de suivre l’évolution des grains stockés. Des premiers résultats prometteurs ont été acquis dans un contexte d’archéologie expérimentale visant à reproduire les pratiques ancestrales et enrichir les observations de vestiges. Ces techniques de stockage ancestral questionnent nos pratiques actuelles. Aujourd’hui, l’objectif est de s’en inspirer en incluant les acteurs du monde agricole pour analyser avec eux l’adéquation de ces techniques avec les enjeux agricoles, leur efficacité, et leur potentiel d’essaimage. Mais aussi en impliquant les citoyens dans une réflexion prospective sur les modalités de techniques de stockage local, résilient et bas carbone à développer dans le futur. S’appuyer sur des techniques ancestrales, pour répondre aux urgences du présent et aux enjeux du futur est au cœur de ce projet qui vise à embarquer un collectif d’acteurs aux regards, compétences et disciplines très diverses, habitués à déployer des méthodes d’animations et de communication pour faciliter l’émergence d’une intelligence collective.
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Chemisage avec un mélange terre-paille d’un silo en tranchée creusé chez Vincent Tourrenc.
Maxime Guillaume, Inrap
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Dépôt de sacs de blé des Maîtres de mon Moulin à Cucugnan dans un silo en tranchée.
Tanguy Wibaut, Inrap.