Le Refuge

À cette fin, trois fosses, profondes de 3,20 m par rapport au sol de la cour actuelle, ont été creusées, avec un niveau de circulation entre elles. Les précédentes découvertes dans le secteur (au XIX^e siècle et en 1952 pour la domus de la Faculté des Lettres) définissaient une occupation antique relativement importante, avec des habitats luxueux (mosaïques à l'extrémité sud de la rue Lecourbe ou domus de la Faculté des Lettres, par exemple), mais aussi un cimetière à incinération mal localisé.

Sol antique en cours de fouille.
On peut voir une superposition de sols en terrazzo, dont la surface lissée composée de mortier de chaux et de petits éclats calcaires repose sur un radier de pierres grossières.

© C. Munier, Inrap

Vue de détail de la stratigraphie :
« mille-feuille » de niveaux de sols et de démolition s'étageant entre le II^e et le III^e siècle.

© C. Munier, Inrap

Vue de détail d'une stratigraphie située perpendiculairement à un mur antique.
On y observe le remblaiement du site et la succession des niveaux de sol en terre battue datant du I^er siècle de notre ère.

© C. Munier, Inrap

Lampe à huile antique.

© Ph. Haut, Inrap

Bouteille en verre antique.
Utilisée pour les soins du corps, elle a pu contenir du parfum.

© Ph. Haut, Inrap

Le décapage de la plus grande fosse, située entre le bâtiment du Refuge et la rue Lecourbe (soit 50 m de long sur une largeur de 7 m), a montré une accumulation de remblais modernes sur 3 m de profondeur. Dans le tiers sud-ouest de la fosse, un mur de la fin du Moyen Âge repris à l'époque moderne correspond peut-être à une limite de parcelle. Seule l'extrémité nord-est de la fosse a livré une occupation antique, une partie d'une domus visible sur une superficie d'environ 70 m², mais qui se prolonge sous le bâtiment du couvent et sous le jardin de la maison voisine. La continuité de cette construction a également été perçue dans la deuxième fosse, selon un axe légèrement décalé.
Le niveau de creusement du parking se situait précisément à l'altitude de la dernière occupation antique, et un petit sondage a permis d'attester l'accumulation de niveaux antiques bien structurés sur près de 1.50 m de profondeur. La préservation de ces niveaux lors des travaux de construction du parking n'étant pas assurée, leur fouille a été réalisée, mais uniquement dans la partie nord-est de cette fosse.
Plusieurs phases ont été distinguées entre le début du I^er siècle de notre ère et le Bas-Empire :

Implantation d'une domus au I^er siècle

Les vestiges les plus anciens, du mobilier lié à l'installation de la domus, appartiennent à la période augustéenne (-27 à +14), mais c'est du milieu du I^er siècle que datent les premières structures construites conservées (mur et sols).

C'est à l'époque flavienne (69 à 96 de notre ère) que la domus semble prendre vraiment forme avec la construction du mur gouttereau (mur situé sous la gouttière et qui relie les pignons) sud, très bien maçonné et crépi. Une cave semi-enterrée, reprise dans un deuxième temps en cave enterrée, est édifiée en même temps que le mur gouttereau. Les sols sont en terre battue et définissent quatre pièces différentes.

Les transformations du II^e siècle

La transformation en dépotoir de la cave atteste son abandon au milieu du II^e siècle. Les premiers sols en terrazzo apparaissent à la même époque, alors que sont construits des murs larges, vraisemblablement sur les murs plus anciens, posés sur une semelle, elle-même appuyée sur des fondations profondes.

Reconstruction de la domus au III^e siècle

Deux occupations de la fin du II^e ou du III^e siècle sont séparées par un incendie, déjà perçu lors des fouilles en 1964 au 11, rue Lecourbe. Terrazzo calcinés, remblais contenant des éléments brûlés (mobilier et matériaux de construction) précèdent la reconstruction. Comme dans les niveaux précédents, avec leurs éléments architecturaux dispendieux, parfois importés de pays éloignés, cette reconstruction affirme la richesse de la domus, notamment par la présence d'un hypocauste, dont l'area et des marques de pilettes ont été retrouvées.

La destruction de la domus, ou d'une partie seulement, est marquée par l'effondrement de la toiture : imbrices et tegulae, qui ne portent aucune trace d'incendie, s'amoncellent sur le niveau de circulation extérieur situé au sud du mur gouttereau. Ces gravats et le remblai qui les couvre ne contiennent aucun élément du Bas-Empire.

Traces d'occupation au Bas-Empire

Le dernier niveau antique correspond à une couche qui scelle les constructions précédentes. Elle est caractérisée par la présence d'éléments de démolition mélangés à un niveau d'occupation du IV^e siècle. Le mobilier céramique récupéré est en effet essentiellement attribué au Bas Empire, mais contient également quelques fragments du haut Moyen Âge et des pollutions plus récentes. Cette réoccupation au Bas-Empire est difficile à matérialiser : la domus semble déjà détruite, comme le prouve la toiture effondrée, mais des aménagements sous la forme de trous de poteau perforés dans un des sols en terrazzo témoignent d'une construction légère, en bois, aménagée entre les maçonneries ruinées. La domus a-t-elle été reconstruite et réaménagée sur les niveaux antérieurs, à la suite des troubles (invasions barbares dès la fin du II^e siècle ? troubles sociaux ? aucune certitude) qui détruisent la ville jusqu'au milieu du IV^e siècle ? Ont en effet été découverts des fragments de lambris en marbre, en porphyre et en labradorite, quelques tesselles de mosaïque... sans doute récupérés des occupations antérieures.

Cette fouille, quoique réalisée dans un espace très réduit, confirme le caractère luxueux de l'occupation antique dans ce secteur de la ville. De plus, pour la première fois dans la ville ancienne elle atteste une occupation datée du Bas-Empire. Même si les indices ténus de cette dernière occupation - directement recouverte par le remblaiement de la zone de l'époque moderne - restent encore difficiles à interpréter, ils apportent des éléments significatifs pour la recherche sur cette période méconnue à Besançon.