A Varennes-sur-Seine, Seine-et-Marne, la fouille préventive a été organisée à la suite d'un diagnostic réalisé au cours de l'hiver 2003-2004 par O. Maury/Inrap sur une superficie de 15 ha.

Dernière modification
19 février 2016

Le diagnostic a mis en évidence trois secteurs d'occupation distincts : une ferme fortifiée d'époque moderne (zone 3), un établissement gallo-romain (zone 4) et une occupation protohistorique (zone 5). La ferme moderne fait l'objet d'une fouille préventive distincte sous la direction de S. Hurard/Inrap.

Le Marais du Colombier
Varennes-sur-Seine/Le Marais du Colombier
Sol de cour empierré et gravillonné piégé dans la dépression formée par le tassement du comblement d'une fosse (IVe s. ap. J.-C.).
Cl. C. Valero/Inrap.

Le site est implanté dans la plaine en aval de la confluence entre l'Yonne et la Seine, en rive gauche de la Seine. Cette zone basse, déjà largement documentée grâce aux fouilles préventives organisées dans les carrières de la Bassée, est constituée d'une vaste dépression humide d'où émergent de légères éminences sablo-limoneuses. Elle est traversée par l'axe antique qui reliait Sens, Agedincum, à Paris, Lutetia. Deux des éminences portaient des vestiges liés à des occupations néolithiques, protohistoriques et antiques. Si les témoins d'occupation d'époque protohistorique sont nombreux dans la zone située en aval de l'interfluve, il est loin d'en être de même pour le Néolithique et la période romaine qui, jusqu'à la découverte du site, n'étaient documentés que par quelques sépultures dispersées, des éléments de parcellaire et un établissement fort mal connu fouillé à proximité du célèbre site paléolithique de Pincevent.

Dans la zone 5 (partie sud de l'emprise), la fenêtre étudiée (de l'ordre de 4 000 m2) a livré des témoins dont la chronologie s'étend du Néolithique ancien à la période moderne. Deux fosses, qui pourraient éventuellement être interprétées comme des fosses latérales d'une maison de type danubien, ont révélé du matériel du groupe de Villeneuve-Saint-Germain (céramique, ciseau en os, meule, débitage sur silex, faune). Les occupations protohistoriques sont dispersées sur toute l'emprise de la carrière (quelques fosses d'extraction dispersées et un silo du Hallstatt ancien dans les zones 3 et 4), mais c'est dans la zone 5 qu'elles s'organisent de la façon la plus claire. Les structures (au moins 7 constructions à 4 poteaux porteurs, deux bâtiments plus complexes, 7 puits, 2 silos et quelques fosses) sont disposées en arc de cercle autour d'une éminence sablo-limoneuse et en bordure de deux dépressions marquées par des sols hydromorphes. En dehors d'un silo et d'une fosse attribués au Bronze final I-IIa, les aménagements sont datés, pour la plupart, du second âge du Fer (IVe-IIIe s. av. J.-C.). La concentration de puits présente un intérêt particulier dans la mesure où ce sont les premières structures de ce type à être identifiées dans la région de confluence Seine-Yonne pour la période de La Tène ancienne et du début de La Tène moyenne. Creusés à faible profondeur, ils sont de plan circulaire.

Le plus remarquable, le puits 5003, a livré un remplissage stratifié complexe caractérisé par des apports successifs de matières organiques et de pierres chauffées, associés à des déchets sidérurgiques (réduction ?). Le remplissage de ce puits a montré de nombreux restes de faune très bien conservés, des pièces de bois travaillées, des macrorestes (glands, graines, etc.), un fragment de calvaria humaine et une perle d'ambre, objet exceptionnel dans le contexte régional au second âge du Fer. La zone 4 correspond à une partie d'un établissement gallo-romain de petite taille (étudié sur 5 000 m2) délimité, à l'origine, par des fossés dessinant un enclos quadrangulaire ouvert au sud, côté sur lequel vient se greffer un réseau de fossés (de drainage ?). L'enclos, créé vers le milieu du ier s., connaît une réfection vers la fin du Ier s., les limites n'étant peut-être plus guère perceptibles dès les IIe-IIIe s. Une fosse d'extraction rectangulaire située hors de l'enclos est utilisée à cette époque comme dépotoir. L'aire interne de l'enclos, au substrat de sables et graviers, est très dégradée par les travaux agricoles. Il ne subsiste plus que deux modestes bâtiments sur poteaux, deux autres « nébuleuses » de poteaux, un puits et une petite fosse carrée aux parois parementées (cellier ?). La découverte de moellons de calcaire, de fragments de plaques de calcaire sciées, de terres cuites architecturales (tubulures...) et d'un fragment de vitre permet d'envisager l'éradication totale de bâtiments construits en dur.

Le ive s. est marqué par la création de fosses au remplissage très cendreux et surtout par l'aménagement d'un sol de cour gravillonné qui se trouvera piégé par tassement différentiel dans le comblement d'une grande fosse d'extraction. Si l'enclos du Haut Empire n'est pas significativement différent des établissements ruraux fouillés dans cette partie de la civitas senonum, la nature de l'occupation d'époque constantinienne reste à préciser mais, en l'absence de tout bâtiment, la tâche s'annonce complexe. On notera, pour cette période, la découverte d'un instrumentum diversifié et fort intéressant (poignard, épingle en bronze à tête polyédrique en pâte de verre, épingle en os à tête anthropomorphe, bracelet en pâte de verre...) ainsi qu'un lot de 14 monnaies groupées (bourse ?).

L'étude de cet établissement, qui semble être abandonné avant la période valentinienne, permettra de reconsidérer le problème de l'organisation du paysage agraire de ce secteur de la vallée de la Seine à proximité de la voie Sens-Paris et de l'agglomération antique de Monterau (Condate).