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La Mothe de Pineuilh (Gironde) : un habitat élitaire des Xe-XIIIe siècles
Collaborateurs : DURAND Frédérique (Inrap GSO), MILLE Pierre (Inrap ARA)
De par sa forme, son évolution et les assemblages de mobilier qu’il fournit, le site La Mothe de Pineuilh s’impose comme une référence d’intérêt national, dont la publication monographique fournira divers catalogues et des analyses utiles à une large communauté de chercheurs impliqués sur les problématiques intéressant le Moyen Âge.
Dans le cadre du suivi archéologique de la rocade de contournement de Sainte-Foy-la-Grande (Dordogne), un habitat aristocratique bien conservé dans les formations organiques du ruisseau de Monsabeau a été fouillé pendant 10 mois en 2002 et 2003 à Pineuilh (Gironde).
Autour d’une enceinte circulaire d’une trentaine de mètres de diamètre, la conservation des pièces architecturales fournit les calages dendrochonologiques de 7 phases d’occupation, débutant par l’ouverture d’un nouvel essart en 975 AD à proximité de la source du ruisseau. Après 6 années de travaux, l’enceinte circulaire d’une trentaine de mètres de diamètre est achevée en 981 AD. Elle est délimitée par un fossé de 5m de large, dont les déblais ont servi à édifier un talus annulaire interne de 2 m de haut. L’espace interne est occupé par un unique bâtiment de 13 m de large, avec une avancée vers l’est, dirigée vers une passerelle franchissant le fossé, agrémentée d’un portique et d’un platelage d’entrée.
Après une soixantaine d’années, le site est profondément restructuré en 1043 AD, avec un élargissement du fossé d’enceinte, dont la largeur est quadruplée, et l’édification d’un tertre central donnant au site l’aspect attendu pour une motte. Sur le même modèle architectural, de nouvelles passerelles sont plusieurs fois reconstruites en direction du Sud et des nouveaux centres d’intérêt qui se développent dans le voisinage (agglomération de Pineuilh, autour de son église et en contrebas de son château).
À partir du XIIe siècle, l’enceinte est désaffectée au profit d’une maison noble qui se développe à environ 200 m au nord. Elle continue cependant d’être fréquentée, au sein d’un ensemble agricole et artisanal élargi dont elle devient une annexe. Cette maison, désignée par le toponyme « La Mothe », a perduré jusqu’à aujourd’hui parallèlement à la mise en place et au développement de la bastide de Sainte-Foy-la-Grande en 1255. Comme l’indique son cartulaire, elle se développe sur des terrains rétrocédés à Alphonse de Poitiers par l’abbaye de Conques, qui les possédait depuis 1077, à la suite d’une donation de Falco de Bartha. Selon les termes de la donation et entre autres exigences, celui-ci se réserve une parcelle pour y construire sa résidence. Certaines convergences laissent croire que ses ascendants sont à l’origine du site fouillé. Ils appartiennent à une famille qui se retrouve également dans le cartulaire de La Sauve-Majeure, et dont on peut suivre l’évolution jusqu’à devenir milites castri du château de Pineuilh. Leur histoire apparaît emblématique de l’émergence d’une élite paysanne à la fin du Xe siècle, dont le site de Pineuilh serait la résidence.