La Morandais, à Trémuson

La fouille archéologique menée en 2019 à Trémuson « la Morandais » (Côtes-d’Armor) a permis d’étudier, sur une superficie de 6 100 m², le cœur d’un vaste habitat enclos occupé entre la fin de l’âge du Fer et le début de l’Antiquité. La position remarquable de ce site, implanté sur des terrains propices à l’agriculture, à proximité d’un axe de communication et en bordure orientale du territoire des Osismes, explique peut-être pour partie le destin singulier qu’il connaîtra à la fin de la période laténienne.

Plusieurs réaménagements successifs, illustrés par de nombreux recoupements stratigraphiques, ont permis de définir quatre phases, s’échelonnant entre le III^e siècle avant notre ère et le début du I^er siècle de notre ère.

La fondation de l’établissement intervient au cours de La Tène moyenne, au plus tard dans la seconde moitié du III^e siècle avant notre ère. La phase I dure plus d’un siècle, jusqu’au tout début de La Tène finale, vers 125/100 avant notre ère. Pendant cette période, un premier système d’enclos est mis en place ; les vestiges mis au jour restent en tout point conformes à ceux que livre un établissement rural classique.

La phase II couvre la période de La Tène finale, soit entre 125/100 et 50 avant notre ère environ. La morphologie des aménagements mis en œuvre (fossés larges et profonds, édification d’un porche d’entrée monumental) et le mobilier remarquable associé à cette phase (statuettes anthropomorphes, seau tripode en bois d’if décoré, montant de meuble en bois tourné, etc.), attestent du statut important du site, lieu de vie et de pouvoir d’une famille aristocratique de haut rang. Dans l’enclos résidentiel, plusieurs constructions ont été identifiées, ainsi qu’un puits, fouillé par la Cisap. Probablement en usage depuis la phase I, ce point d’eau est condamné vers le milieu du I^er siècle avant notre ère. Son abandon est marqué par un dépôt d’objets à forte valeur symbolique, parmi lesquels se trouvaient trois
statuettes de type « buste sur socle », au style schématique. Au même moment et à quelques mètres de là, un quatrième buste est enfoui face contre terre dans une fosse creusée au sein d’un bâtiment. Cette sculpture en ronde-bosse, très figurative, est un unicum dans la statuaire gauloise. Elle représente la tête d’un homme barbu et moustachu, à la coiffure soignée, portant un torque à tampons autour du cou.

La phase III couvre la toute fin de La Tène finale, la période augustéenne, et se terminerait vers le changement d’ère. Une importante restructuration intervient vers le milieu du I^er siècle avant notre ère. La monumentalité des nouvelles limites est encore bien attestée.
La phase IV marque un changement majeur dans l’organisation de l’établissement, avec probablement un déplacement du cœur du site, hors emprise de fouille. Les lieux sont abandonnés au plus tôt vers 25 de notre ère. L’opportunité d’avoir pu explorer la cour résidentielle dans le cadre de l’opération archéologique de 2019 est remarquable, car il s’agit du secteur de l’établissement où transparaît de manière la plus évidente l’identité de ses habitants. Ainsi, un mobilier d’exception et des aménagements monumentaux, dépassant de loin la norme de la plupart des établissements ruraux de Gaule septentrionale, permettent d’identifier, pour la phase II, un domaine appartenant à de riches aristocrates.

Cela étant dit, l’emprise explorée ne constitue vraisemblablement qu’une petite partie du site. Ainsi, il n’a pas été possible de renseigner son étendue ou la fonction des enclos périphériques. Si au nord et à l’ouest, une partie du site est irrémédiablement détruite par des aménagements immobiliers et routiers, les parcelles situées à l’est et au sud de l’emprise de fouille restent encore accessibles pour d’éventuelles investigations complémentaires, qui permettraient de mieux appréhender la structuration de ce site d’exception et d’affiner sa chronologie.