À Ligny-le-Châtel, Yonne, la campagne de diagnostic, réalisée sous la direction de L. Cabboi (Inrap, été 2001), s'inscrivait dans le cadre du projet de déviation de la RD 91.

Dernière modification
26 mai 2016

Elle a conduit à la mise au jour d'un site structuré, caractérisé par la présence de nombreuses excavations (trous de poteau, fosses, fossés, fonds de cabane) relatives à une zone d'habitat du Moyen Âge (XIIIe-XIVe s.). Cette occupation jouxte un cimetière médiéval, lui aussi déjà connu par des découvertes anciennes, qui semble avoir été utilisé sur une très longue période dans la mesure où les indices de datation livrent une fourchette chronologique allant du VIIe au XVe s.


Demain voie de communication (avec la future déviation), espace agricole à la période moderne et contemporaine, le site de Ligny-le-Châtel est le siège, durant le Moyen Âge, d'un village qui a lui-même en partie recouvert une nécropole du haut Moyen Âge. Cette nécropole a succédé après plus de 6 siècles d'abandon à un habitat de la fin de la période gauloise et du début de l'occupation romaine. Ainsi s'imbriquent sur un même secteur géographique des centaines de structures, liées à l'habitat ou à la nécropole, de périodes parfois très éloignées (la période d'occupation de ce site court de l'âge du Bronze au bas Moyen Âge), qui sont des ensembles clos témoignant chacun d'une action unique liée à un événement particulier (érection d'une maison en bois et argile, inhumation, etc...).

La fouille préventive de Ligny-le-Châtel est un site structuré sur 7 000 m2, caractérisé par la présence de nombreuses excavations (trous de poteau, fosses, fossés de la période gauloise). Cette occupation jouxte un cimetière du haut Moyen Âge. Une soixantaine de sarcophages monolithiques d'époque mérovingienne est apparue. La plupart d'entre eux comportaient encore le couvercle en place indiquant qu'ils étaient inviolés. Ils cohabitent avec des sépultures en pleine terre formant un ensemble funéraire de 200 sépultures environ.

Au nord de la nécropole apparaît une limite marquée par un alignement de sarcophages sur un axe qui n'est pas transgressé. La très grande proximité entre certains sarcophages nous incite à y voir des regroupements familiaux. Cette organisation réfléchie témoigne de l'intérêt que portait la communauté à ses défunts et à sa nécropole ; il est d'ailleurs probable qu'elle pouvait la voir et la surveiller du village qu'elle occupait.

Globalement, les sarcophages sont de petite taille, mais ils permettent cependant de « loger » une personne d'au moins 1,70 m. Ils présentent pour l'essentiel deux grands types et sont taillés dans du calcaire local très friable.

47 éléments de ceintures (plaques-boucle, contre plaques et dorsales) ont été retrouvés (37 en fer et 10 en bronze). Certains d'entre eux se démarquent par leur bon état de conservation et la qualité de leur décor, telle la plaque de type dit aquitain. 15 exemplaires de plaques-boucle ont été découverts, la plupart en fer. Ces éléments sont importants car c'est à partir de leur typologie (l'étude de leur forme et de leur décor) qu'ont été établis les moyens de dater plus facilement les tombes mérovingiennes. Des éléments de parure (9 bagues, toute en bronze), une boucle d'oreille en fer, un bracelet en fil d'alliage cuivreux ont également été mis au jour. La quasi-absence d'armes ou d'équipements militaires est à noter, car elle caractérise une population rurale. Le seul scramasaxe découvert (sorte de sabre d'abattis à un tranchant) est au moins autant un outil qu'une arme ; il en est de même des 5 couteaux ou fragments de lame retrouvés dans cette nécropole. Une applique de baudrier d'épée en bronze étamé a également été découverte ; son décor très stylisé laisse deviner deux parties de visages humains opposés recouverts par un motif serpentiforme se terminant par un bec d'oiseau. Seuls deux dépôts funéraires sont attestés : il s'agit de deux céramiques dont une céramique à pied balustre et anse, rappelant la forme d'une aiguière, qui est une forme typiquement champenoise.

Il apparaît également que les personnes inhumées (ou leur famille) ont choisi durant la même période chronologique d'être enterré soit en sarcophage, soit en cercueil ou en coffre en bois et que ce choix ne semble pas être dû à une plus ou moins grande aisance matérielle.

La particularité de ce site réside dans l'imbrication, souvent difficile à démêler entre structures d'habitat (trous de poteau, fosses) et structures funéraires, qui plus est, de période différente (de l'âge du Bronze au bas Moyen Âge).

L'habitat médiéval est celui qui peut le plus facilement être caractérisé ; il a succédé à la nécropole. Une des deux zones a particulièrement livré des structures d'habitats pouvant se rapporter à cette dernière période : des trous de poteau dessinant le plan d'un ensemble de bâtiments dont au moins un peut-être rapporté à cette période, un grand fossé et un fond de cabane de forme quasi- rectangulaire. Cette structure fossoyée est la plus grande et la plus profonde : elle a livré un abondant mobilier bien connu par ailleurs dans la région auxerroise (céramique glaçurée orange) mais également des objets signalant une éventuelle activité artisanale : petit récipient rectangulaire en céramique glaçurée (forme de mangeoire), fragments de calcaire évidés dans leur partie centrale pour servir de réceptacle, fragments de mortier en calcaire. Tous ces objets renvoient à une activité liée à la préparation de mixtures diverses à partir de produits broyés dont la nature nous échappe.

À l'emplacement de la nécropole, nous avons d'intéressants exemples de construction en milieu funéraire puisque plusieurs trous de poteau de taille imposante ont transpercé le couvercle et le fond de sarcophages mérovingiens.