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L’Inrap dévoile son rapport concernant la fouille du couvent des Jacobins à Rennes
L’Inrap a présenté le rapport final d’opération de la fouille du couvent des Jacobins aux élus de Rennes Métropole.
Fruit d’un travail scientifique considérable – plus d’une soixantaine de chercheurs de l’Inrap et d’autres organismes de recherche (universités, CHU, CNRS, musées, etc.) sollicités – , ce rapport constitue l’aboutissement d’une fouille d’envergure exceptionnelle, menée entre décembre 2011 et juin 2013, en amont des travaux d’aménagement du Centre des congrès de Rennes Métropole.
Remise du rapport final d'opération au musée de Bretagne, à Rennes, le 15 mars 2017
© Océane Viard, Inrap
En dix-huit mois, les archéologues ont fouillé près de 8 000 m2, accumulant une masse considérable de données (15 000 fiches d’observations, près de 1 000 de planches graphiques et de relevés d’élévation, et des milliers prises de vues…).
Ce travail renouvelle les connaissances sur les origines de la ville et l’histoire du couvent dominicain, fondé en 1368 et ouvre de nouvelles voies de recherche et de valorisation.
Sous le couvent, la ville antique de Condate
Les résultats apportent un nouvel éclairage sur la genèse de la ville (Ier-IVe siècle de notre ère). Ainsi, l’idée d’un forum directement situé au nord de la place Sainte-Anne est maintenant privilégiée. Elle est cohérente avec la densité d’occupation et avec la présence d’un carrefour accueillant un monument commémoratif ou cultuel d’abord modeste, qui deviendra plus tard une sorte de temple sur podium. . Alentour, des constructions simples typiques du Ier siècle comprennent une partie d’habitation et plusieurs pièces réservées à des activités artisanales.
Si l’architecture évolue au IIe siècle avec le recours généralisé à la maçonnerie, il faut attendre le début du IIIe siècle pour que soient mis en place les édifices les plus imposants. Ce renouveau architectural atteint son paroxysme avec un bâtiment occupant la totalité d’un îlot de 2 900 m². Richement décoré, il est peut-être la maison d’un notable de la cité ou bien le siège d’une puissante corporation professionnelle (chola), installé à dessein près du centre monumental.
La mutation du quartier en faubourg médiéval
Le déclin du quartier un siècle plus tard est lié à des changements profonds de l’organisation urbaine, dont la construction de la première muraille de Condate (fin du IIIe siècle). Le secteur, alors hors de l’enceinte, se dégrade rapidement et sert finalement de zone de rejet. Au début du Moyen Âge, alors que la ville se concentre autour du noyau fortifié et de quelques pôles périphériques, le site des Jacobins n’est plus vraiment occupé. Quelques chemins et fossés gardent le souvenir des rues antiques et structurent un faubourg situé aux confins des paroisses de Saint-Aubin et de Saint-Germain.
Une étude exhaustive du couvent des Jacobins
Pour distinguer les récits légendaires des réalités politiques et religieuses de l’époque, une remise à plat des archives a été effectuée. Elle permet de retracer le processus de constitution de l’enclos (dons, achats successifs des terrains) précédant la fondation du couvent. Sur cette base renouvelée, une étude de bâti complète a été entreprise, couplée à l’analyse des vestiges archéologiques enfouis.
Les résultats révèlent un programme architectural cohérent, respectant les principes de fonctionnement d’un ordre mendiant. Hormis quelques incertitudes sur l’aile nord du couvent, la fouille a clairement montré le mode de conception et d’aménagement des premiers éléments de l’établissement (église, cloître, salle capitulaire, réfectoire, etc.). Les transformations du XVIIe siècle et l’évolution de l’édifice jusqu’à son appropriation par l’armée à la Révolution sont également bien comprises. Suivent deux cents ans d’utilisation militaire qui ont fait l’objet d’une étude spécifique. L’évolution du site jusqu’à nos jours est désormais retracée dans sa totalité.
La nécropole des XVIe-XVIIe siècles
Entre le XVe et le XVIIIe siècle, le couvent des Jacobins devient un important lieu de pèlerinage et d’inhumation. Les archéologues y ont mis au jour plus de 800 sépultures, dont cinq cercueils de plomb, accompagnés de reliquaires en forme de cœurs. L’un des cercueils contenait la dépouille de Louise de Quengo, dame de Brefeillac († 1656), retrouvée dans un état de conservation exceptionnel. Au-delà de cette découverte spectaculaire, l’étude anthropologique de vaste ampleur qui a été menée, apporte des informations inédites sur les pratiques funéraires des élites de l’époque, sur l’état sanitaire de la population inhumée, ainsi que sur l’histoire des sciences et de la médecine.
La diffusion des résultats auprès du public
Le public rennais a fait preuve d’un engouement certain pour la fouille (plus de 15 000 visiteurs sur le chantier, dont 870 scolaires). Il pourra continuer à suivre les dernières avancées archéologiques grâce à des expositions, conférences et publications, réalisées en collaboration entre l’Inrap, Rennes Métropole, Destination Rennes et la Drac Bretagne.
Par exemple, Gaétan Le Cloirec, le responsable de la fouille, donnera une conférence lors de l’inauguration du centre des congrès ; le musée de Bretagne présentera deux expositions, l’une autour de Louise de Quengo sur les pratiques funéraires de la noblesse bretonne à l’Époque moderne, l’autre, de grande envergure, consacrée à la « Fabrique de la ville », qui sera proposée entre octobre 2018 et avril 2019.