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L’église médiévale Saint-Guillaume à Strasbourg (Bas-Rhin)
L’église Saint-Guillaume de Strasbourg a fait l’objet d’une importante entreprise de rénovation portée par la paroisse, en collaboration avec l'Inrap. Les différentes interventions ont permis de retracer l’histoire architecturale et l’évolution de l’église de ses origines (fin du XIIIe/début du XIVe siècle) à nos jours.
L’oraturium de 1298 retrouvé ?
L’église Saint-Guillaume est à l’origine une église conventuelle. Une communauté de moines de l’ordre de Saint-Guillaume s’était installée dans le faubourg de la Krutenau à Strasbourg en 1298.
La fouille réalisée dans la nef de l’église actuelle a en premier lieu entraîné la mise au jour du plan partiel d’un bâtiment constitué d’une abside semi-circulaire à l’est et, dans son prolongement à l’ouest, du départ d’une pièce rectangulaire, éléments pouvant être identifiés comme un chœur et une nef. Par son plan, son orientation et son antériorité à l’église actuelle, cet édifice pourrait correspondre, à titre d’hypothèse, au sanctuaire primitif des moines guillemites construit en 1298 et consacré en 1301 – aucune autre église ou chapelle n’étant connue dans le secteur pour cette période. Le couvent s’installe dans un endroit encore vierge d’occupation, marqué par les débordements de l’Ill et du Rheingiessen et par l’existence d’un chenal encore actif au XIIe siècle.
L’église Saint-Guillaume.
© B. Dottori, Inrap
L’évolution architecturale de l’église, de 1298 à la fin du XVe siècle.
© B. Dottori, Inrap
La construction d’une nouvelle église (vers 1320/1325)
Dans les années 1320, le premier sanctuaire va être remplacé par un nouvel édifice, correspondant en grande partie au chœur de l’église actuelle. Cette donnée inédite a pu être déterminée par le croisement des données de fouilles et de l’étude de bâti. En effet, un massif de fondation a été mis au jour lors de la fouille, au-devant des marches du chœur. Ce massif est entièrement réalisé en briques de format standard, format que l’on retrouve également au niveau des élévations extérieures du chœur. Ces fondations forment un ensemble cohérent avec les élévations des murs nord et sud du chœur, auxquelles elles sont directement liées : elles correspondent donc à l’ancienne façade occidentale de l’édifice.
L’église dispose alors d’une nef barlongue associée à un chœur polygonal muni de contreforts. Les contreforts d’angle nord-ouest et sud-ouest de la nef, observés en fouille, présentent une structure en équerre, en prolongement des murs nord, sud et ouest.
La charpente de cet édifice en sapin est encore en grande partie conservée et a fait l’objet d’une datation par dendrochronologie : l’abattage des bois a eu lieu en 1322, ce qui permet d’envisager une mise en œuvre de la charpente et un achèvement de la construction en une année postérieure proche (1323/1325). Les plus anciennes verrières conservées dans l’église datent également de cette période. Le chœur abrite le monument sépulcral des landgraves de Werd (1332 et 1344), bienfaiteurs du couvent.
L’édification de la nef (vers 1450/1455)
L’église subsiste dans cette forme jusque vers le milieu du XVe siècle. Dans les années 1450, son massif occidental est démoli et une grande nef rectangulaire est édifiée, prenant en tenaille l’édifice antérieur qui fera désormais office de chœur.
L’étude de bâti du mur septentrional de cette nef a permis d’appréhender ses modes de construction (briques pour l’élévation, pierre de taille pour les encadrements et remplages des fenêtres, agencement de l’échafaudage) et de distinguer plusieurs phases d’avancement du chantier. L’imposante charpente coiffant cette nouvelle construction est de type auto-porteuse. L’analyse dendrochronologique a permis de déterminer que ses bois ont été abattus en 1452, pour une mise en œuvre et un achèvement de l’édifice ayant vraisemblablement eu lieu vers 1453/1455.
L’occupation funéraire de la nef (milieu du XVe siècle – milieu du XVIe siècle)
Une cinquantaine de fosses sépulcrales régulièrement alignées et réparties dans la nef ont été observées, ainsi qu’un caveau funéraire, découvert sous l’un des enfeux du mur nord. Quatorze sépultures ont pu être fouillées. Dans un bon état de conservation, les défunts étaient enterrés dans des cercueils profondément enfouis.
Les fosses sépulcrales alignées dans la nef.
© B. Dottori, Inrap
Les données historiques ainsi qu’un certain nombre d’épitaphes conservés dans les murs de la nef attestent que le recrutement des défunts est exclusivement constitué de nobles, de patriciens et de clercs. Les datations au carbone 14 confirment un usage funéraire de la nef entre le milieu du XVe siècle et le milieu du XVIe siècle, voire 1527, suite à l’interdiction par le Magistrat des sépultures dans le périmètre de la ville. Les sépultures étaient à l’origine signalées par des pierres tombales. Celles-ci ont cependant été retirées en 1554 pour servir à la construction d’un nouveau tronçon des fortifications de la ville.
Vue de l’une des sépultures de la nef, dont la fosse sépulcrale a été creusée dans un contrefort démoli de l’église du XIVe siècle.
© B. Dottori, Inrap
La construction du narthex (années 1480)
A la fin du XVe siècle, un narthex est ajouté contre la façade occidentale de la nef. Plus bas que la partie haute du pignon de cette dernière, ce narthex est voûté et était à l’origine coiffé de trois pignons, visibles sur les représentations iconographiques des XVIe et XVIIe siècles. L’étude de bâti a permis de retrouver trace de ces derniers.
L’église Saint-Guillaume en 1665 (L. Baldner/J-J. Walter).
© Musée historique de la ville de Strasbourg
La fin du XVe siècle est également caractérisée par la mise en place d’un portail monumental d’accès à la nef depuis le narthex et par la construction d’un jubé, dont les fondations ont été mises au jour au-devant des marches du chœur. Ce jubé a partiellement été démoli en 1656. N’en subsistent de nos jours que trois travées.
Les sols de la nef et du narthex
Aucun sol médiéval n’a été observé dans la nef et le narthex. Suite à l’extraction des pierres tombales en 1554, un nouveau sol en dalles de terres cuites est mis en place dans la nef. Ce sol, conservé sous la dalle de béton coulée au XXe siècle, a pu être dégagé sur la quasi-totalité de la nef. Aspect insolite, les fosses sépulcrales avaient mal été compactées après l’enlèvement des pierres tombales, ce qui a entraîné de nombreux affaissements et ondulations de ce sol, qui ont nécessité plusieurs ragréages, puis l’installation en 1738 d’un nouveau sol constitué de dalles de grès pour l’allée centrale et de dalles en terre cuite sur les côtés.
Le sol en dalles de terre cuite de la nef.
© B. Dottori, Inrap
L’église Saint-Guillaume à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècles)
La communauté guillemite strasbourgeoise jouit tout au long de son existence d’une bonne réputation parmi la population. Mais l’introduction de la Réforme protestante à Strasbourg dans les années 1520 va sonner le glas de la couvent. Les bâtiments conventuels, situés au sud-est de l’église et qui avaient été reconstruits quelques années plus tôt en 1502, sont alors reconvertis en école de théologie pour enfants défavorisés (Collegium Wilhelmitanum), tandis que l’église devient une paroisse luthérienne en 1534.
L’église connaît quelques modifications aux XVIe et XVIIe siècles. Des soubassements pour les bancs sont installées en partie sud et nord de la nef et de grandes tribunes sont édifiées en 1589 et 1631.
En 1565, un clocheton - aujourd’hui disparu - est édifié au-dessus de la charpente du chœur. Cette date, fournie par les chroniques, a pu être confirmée par l’analyse dendrochronologique de la structure de renforcement de la charpente médiévale, destinée à supporter le poids du clocheton. Ce dernier était surmonté d’une girouette en forme de poisson, rappelant que l’église est la paroisse des corporations des bateliers et des pêcheurs.
En 1667, un clocher est édifié au-dessus du narthex. Cette date, également connue par les textes, a aussi pu être confirmée par une analyse dendrochronologique.
L’église sert encore ponctuellement de lieu de sépulture à l’époque Moderne. L’un des sondages réalisés dans le chœur au moment du diagnostic a ainsi permis de découvrir – sans le fouiller – le caveau funéraire d’Eva-Salome v. Fürdenheim, abbesse de l’abbaye Saint-Étienne de Strasbourg, décédée en 1694.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Boris Dottori, Inrap
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