Vous êtes ici
Étude du bâti sur le Koifhus, bâtiment administratif médiéval, à Colmar (Haut-Rhin)
L'Inrap a mené une étude du bâti sur le Koifhus à Colmar, bâtiment administratif qui a servi d'Hôtel de Ville et de douane commerciale au Moyen Âge. L'étude a permis d’appréhender son histoire architecturale, depuis sa construction aux environs de 1480 jusqu’à nos jours.
Un centre politique et administratif de la fin du Moyen Âge
Le bâtiment connu sous le nom de Koifhus a été édifié en 1480 et a initialement revêtu la fonction d’Hôtel de Ville et de douane commerciale. L’îlot concerné par la prescription comporte le bâtiment principal du Koifhus, situé au sud de l’ensemble, et les deux édifices attenants au nord. Ces trois bâtiments ont fait l’objet de travaux de restauration menés par la ville de Colmar en 2020/2021.
La face sud du Koifhus avant les travaux.
© B. Dottori, Inrap
L’étude a principalement concerné une partie des élévations extérieures (dont les enduits n’ont que partiellement été piqués) et la charpente du bâtiment principal, ainsi que les charpentes des deux autres édifices constitutifs de l’îlot, dont les enduits n’ont en revanche pas été touchés. Les parties intérieures de ces édifices n’ont quant à elles pas été concernées par les travaux.
La plus ancienne phase appréhendée est constituée par la construction du bâtiment principal du Koifhus. Les analyses dendrochronologiques effectuées sur la structure porteuse de l’étage et sur la charpente permettent de placer la construction de ce bâtiment entre 1476/1477 et peu après 1480.
Les murs périphériques sont construits en briques de format standardisé, mais intègrent également des parties où l’on retrouve, exclusivement ou mélangés avec les briques, des blocs et moellons de grès. La maçonnerie est rythmée par la présence régulière de trous de boulins. Les chaînages d’angle ainsi que les encadrements de portes et de fenêtres sont réalisés en grès jaune et rose et soigneusement taillés.
Appareillage en briques sous les fenêtres en batterie du second niveau.
© B. Dottori, Inrap
La quasi-totalité des portes et fenêtres actuels du bâtiment relève de cette phase : il est possible de les reconnaître par l’aspect de leur finition (laie, ciseau, gradine) et par la présence de signes lapidaires (marques de tâcheron et de pose). Cependant, plusieurs éléments d’encadrements ont été remplacés au XIXe siècle. Ces remplacements ont le plus souvent nécessité un démontage complet des fenêtres, qui ont ensuite été réinstallées aux mêmes emplacements : les endroits où de telles déposes ont eu lieu se reconnaissent par la présence d’une maçonnerie d’insertion autour des montants, perturbant la maçonnerie de la phase constructive initiale.
La charpente était également conservée dans sa quasi-totalité, à l’exception des abouts de chevrons et des entraits, remplacés au début des années 2000. Il n’a donc pas été possible d’observer la manière dont ces éléments étaient assemblés. Il s’agit d’une charpente à toiture en croupe, à trois niveaux de combles : les deux premiers intègrent des chevalets à jambe de force, le troisième est constitué de poinçons prenant appui sur les faux-entraits des fermes maîtresses et supportant une panne faîtière. Les assemblages se font à mi-bois et queue d’aronde, tandis que les aisseliers sont assemblés à mi-bois et dent de scie aux chevrons et jambes de force.
Le second niveau de combles de la charpente.
© B. Dottori, Inrap
Les pièces de la charpente étaient marquées à la craie blanche. Malheureusement, ce marquage non pérenne a entraîné la disparition de la quasi-totalité des marques. Il est cependant possible de restituer partiellement la logique du marquage, qui suit une numérotation continue en chiffres romains depuis la première ferme à l’ouest.
Marquage à la craie sur un étresillon.
© B. Dottori, Inrap
L’essence privilégiée est le sapin, mais quelques pièces d’épicéa et de pin sylvestre ont également été employées. Plusieurs trous de flottage ont été repérés. Les analyses dendrochronologiques ont permis de déterminer que les bois employés ont été abattus entre 1477 et 1480, témoignant d’un achèvement de la structure peu après 1480.
Le rez-de-chaussée (salle « Roesselmann ») constituait à l’origine une grande halle dans laquelle étaient entreposées et taxées les marchandises, accessible au nord et au sud par deux dispositifs d’accès similaires, composés d’un couple porte piétonne/porte cochère, surmontés du blason de la ville de Colmar pour la première, de l’aigle impérial pour la seconde. Un troisième accès, constitué d’un portail à arc en plein cintre, se trouve à l’est.
La structure porteuse de l’étage dans la salle Roesselmann (1476/1477).
© B. Dottori, Inrap
Les solives du plafond de cette salle sont supportées par deux sous-poutres longitudinales, elles-mêmes portées, par enfourchement, par une série de quatre poteaux en chêne de forte section. Ce dispositif, homogène (à l’exception de quelques bois remplacés) a pu être daté par dendrochronologie de 1476/1477. Cette halle servait de lieu d’entrepôt et de taxation des marchandises.
Depuis le rez-de-chaussée, il était possible d’accéder à l’étage par un escalier en vis intégré au mur est du bâtiment. L’escalier a disparu, mais une partie de sa cage est conservée dans le mur et correspond à l’abside visible depuis l’extérieur.
L’étage accueille notamment la salle du Conseil ou salle de la Décapole, dans laquelle se réunissaient les membres du Conseil de la ville, mais également les représentants des villes constituant la ligue appelée « Décapole ». Son aspect actuel est consécutif aux travaux de la fin du XIXe siècle. De la phase constructive de l’édifice subsistent les fenêtres ornées de colonnes et colonnettes, caractéristiques de ce que l’on peut observer dans les hôtels de ville du sud du monde germanique et dans l’iconographie des XVe/XVIe siècles.
La salle de la Décapole.
© B. Dottori, Inrap
Des transformations réalisées au XVIe siècle
Une seconde phase repérée intègre les différentes modifications connues par le bâtiment au XVIe siècle, qui ont essentiellement concerné le percement de nouvelles fenêtres, en faces sud et est, ainsi que l’installation du clocheton et de deux escaliers en bois à marches monoxyles dans les combles.
La structure porteuse du clocheton, réalisée en sous-œuvre dans la structure de la charpente, a été datée par dendrochronologie de 1555. Le limon de l’escalier à marches monoxyles du deuxième niveau de combles à quant à lui pu être daté de 1547. Aux environs de 1570, certaines pièces de la charpente sont remplacées.
Durant cette période sont également édifiés – ou remaniés – les deux autres bâtiments de l’îlot. La charpente du bâtiment central a été datée de 1521, celle du bâtiment nord de 1586. En l’absence d’observations sur leurs maçonneries, il n’a toutefois pas été possible de déterminer si ces bâtiments ont simplement été remaniés à ces périodes ou s’ils ont fait l’objet de reconstructions complètes.
Les travaux menés aux XVIIIe et XIXe siècles
Quelques petites modifications interviennent au XVIIIe siècle : la structure porteuse du clocheton du bâtiment principal est renforcée peu après 1711 et une loggia en bois à plafond peint est installée au-dessus de l’entrée du bâtiment central vers 1722/1723.
Une importante phase de travaux est menée à la fin du XIXe siècle. En partie extérieure du bâtiment principal, les remaniements sont restés limités. Quelques fenêtres ont été recréées, des meneaux ont été rajoutés dans des fenêtres préexistantes, et plusieurs encadrements ont été remplacés. Les éléments nouvellement ajoutés sont reconnaissables par l’emploi du grès jaune et une finition exclusivement réalisée au ciseau large. A cette phase de travaux appartiennent également les différentes lucarnes de la toiture. La salle de la Décapole est réaménagée en style néo-gothique : le dispositif d’accroche du plafond actuel a pu être daté par dendrochronologie de 1896.
Durant cette période, le bâtiment situé en enfilade à l’est du Koifhus, qui servait d’atelier monétaire et qui est encore visible sur des images du XIXe siècle, est démoli.
Le bâtiment central est quant à lui profondément remanié à l’extérieur, notamment à l’est, avec la création d’une tourelle hors-œuvre et d’une balustrade en bois.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand Est)
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable scientifique : Boris Dottori, Inrap