Une équipe de l’Inrap fouille actuellement, sur prescription de l’État (Drac Île-de- France), une surface de 195 m² dans la cour de l’École des Arts Décoratifs à Paris. Les fouilles seront exceptionnellement ouvertes au public samedi 15 juin dans le cadre des Journées européennes de l’archéologie (JEA).

Dernière modification
18 juin 2024

Une parcelle sur le bord occidental de la colline Sainte-Geneviève


L’emprise de la fouille se situe aux marges méridionales du pôle urbain antique de Lutèce, sur la rive gauche. L’École des Arts Décoratifs est localisée sur le bord occidental de la colline Sainte-Geneviève, dans un secteur bien documenté par l’archéologie préventive. Le campus Pierre-et-Marie-Curie et les espaces attenants, suivant les rues Pierre-et-Marie-Curie, d’Ulm et Lhomond, ont ainsi fait l’objet de nombreuses fouilles et reconnaissances archéologiques.

Ce quartier d’habitations est localisé au sud-est du forum antique, sur un méplat particulièrement propice de la Montagne Sainte-Geneviève. Un premier réseau viaire s’installe ensuite selon le quadrillage urbain dominant : la rue Saint-Jacques, qui reprend le tracé du cardo maximus (axe nord-sud), en est l’élément clé. La rame urbaine définie par ce réseau viaire montre donc des insulae (ilots) bâties avec des orientations néanmoins irrégulières. Dans le quartier de la rue d’Ulm, il n’est pas possible de restituer ce quadrillage régulier et orthonormé. Ainsi, la voie decumane (est-ouest) repérée à l’École des Mines – et qui se prolonge sous l’actuelle rue Pierre-et-Marie-Curie – marque la limite méridionale de ce carroyage régulier. Toutes les voies reconnues plus au sud, dont la rue Lhomond, suivent une orientation qui diverge du schéma principal.

Les fouilles récentes ont livré les indices d’une occupation proto-urbaine attribuable à la période de transition entre la période gauloise et la conquête, entre 50 et 30 avant J. -C. Les premiers vestiges structurés dans ce secteur remontent, quant à eux, à la période augustéenne. Ils se matérialisent par le développement d’une voirie et d’un habitat caractérisé par l’utilisation du bois et du torchis. À partir de la fin du deuxième tiers du I er siècle, un changement s’amorce avec l’apparition du bâti maçonné. Le recul urbain du milieu du IIIe siècle est, lui, matérialisé par des tranchées de récupération, une phase de récupération de matériaux et un réseau viaire en déshérence.


Précédentes observations rue d’Ulm

La précédente intervention archéologique à l’École des Arts Décoratifs (1999) y confirmait une exploitation des sables et graviers nécessaires à la construction maçonnée. Ce mode de bâtir, dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, se substitue à l’architecture de bois et de torchis (ou d’adobe) des premières habitations lutéciennes. Leurs éléments rubéfiés ainsi que de nombreuses céramiques à usage domestique et d’ossements d’animaux de boucherie sont jetés en masse dans les comblements des fosses. Mais l’occupation la plus ancienne du site, dans la première moitié du Ier siècle de notre ère, consiste en plusieurs tranchées parallèles, discontinues, aux longueurs et profils divers. Leur fonction n’est pas évidente. Elles correspondraient à des sillons de recherche en matériaux, à des fossés parcellaires ou à des lignes de traçage préalables à l’édification de maisons d’habitation.

Un quartier artisanal consacré au travail de la corne ?

L’édification en enfilade de ces maisons d’habitation dotées de caves voûtées remonte à la seconde moitié du Ier siècle après. J.-C. Outre des rejets domestiques classiques, la présence de très nombreuses chevilles osseuses, parties de cornes de bovidés, laisse présager, à proximité, une activité artisanale de boucherie et du travail de la corne. Les archéologues explorent également une esplanade (espace extérieur ou cour) interne à une insula, dont la fouille des recharges sableuses successives permet de mettre en évidence la présence d’ornières.

Ces maisons sont occupées jusqu’à la fin du IIe siècle ou jusqu’au milieu du IIIsiècle après. J.-C., époque de leur démolition et de la récupération de leurs matériaux. Ce moment coïncide avec un abandon complet du site. L’occupation de la parcelle durant le Moyen Âge n’est pas renseignée jusqu’à l’implantation du couvent des Ursulines au début du XVIIe siècle. Cette fouille correspond à la dernière opération archéologique préventive sur l’emprise de l’École des Arts Décoratifs. Elle doit permettre de préciser la fonction de cet espace en limite de la ville antique.


Portes ouvertes

JEA 2024 carré

Les archéologues accueilleront le public samedi 15 juin 2024 dans le cadre des Journées européennes de l’archéologie.
Se rendre à la porte ouverte

Aménagement : Oppic, maître d’ouvrage mandataire
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Île-de-France)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Jacques Legriel, Inrap