Parmi les 230 tombes de l’ancienne église paléochrétienne de Saint-Pierre-l’Estrier, fouillées en 2020 par l’Inrap et le service archéologique de la ville d’Autun, l'une a livré les vestiges d’une grande étoffe teintée de pourpre et tissée de fils d'or, dont un fragment avait été présenté dans l'exposition « D’un monde à l’autre, Augustodunum de l’Antiquité au Moyen Âge », et qui sera visible dans son intégralité dans l'exposition « Au fil de l'or » au Musée du Quai Branly du 11 février au 6 juillet 2025.

Dernière modification
11 février 2025

En 2020, les archéologues de l’Inrap, en collaboration avec le service archéologique de la ville d’Autun (Saône-et-Loire), ont fouillé une partie de la nécropole située à proximité de l’ancienne église paléochrétienne de Saint-Pierre-l’Estrier. Plus de 230 tombes ont été dégagées. Elles ont livré des objets exceptionnels : des bijoux en or, des épingles en jais et en ambre et un exceptionnel vase diatrète. L’une des tombes, un cercueil de plomb daté du IVsiècle, recelait les vestiges d’une grande étoffe teintée de pourpre et tissée de fils d’or. 

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Vue du site en cours de fouille avec, au premier plan, un cercueil en plomb

© Christophe Fouquin, Inrap

 

La nécropole des élites autunoises

La nécropole de Saint-Pierre-l’Estrier fonctionne du début du IIIe siècle jusqu’au milieu du Ve siècle, l’essentiel des tombes datant du IVe siècle. Parmi les défunts se trouvaient probablement les premiers chrétiens autunois (les textes anciens mentionnent que les premiers évêques d’Autun étaient inhumés dans ce vaste espace funéraire) mais aussi des fidèles d’autres religions antiques. Certaines tombes fouillées en 2020 appartenaient clairement aux élites de la cité éduenne : les inhumations en sarcophages de pierre et en cercueils de plomb nécessitaient d’importantes ressources financières. La présence de quasiment tous les objets de prestige dans ce type de contenant en témoigne. Six tombes présentaient des fils d’or dont cinq en cercueil de plomb et une en cercueil de bois. 

 

Un textile complexe à préserver

La tombe 47 comprenait un cercueil en plomb comblé par de la terre sur une quinzaine de centimètres. Elle ne contenait plus d’ossements, décomposés, mais des fragments de textile tissés d’or et teintés de rouge y ont été retrouvés. Une analyse a confirmé qu’il s’agissait de la pourpre, teinture associée à l’époque à la haute aristocratie.  

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Tombe 47 et son cercueil de plomb rempli sur une quinzaine de centimètres de terre avant le prélèvement des mottes contenant le tissu d’or.

© Carole Fossurier, Inrap

Le tissu d’or recouvrait toute la superficie du cercueil en plomb à l’exception de la tête. Pris dans la terre, il a été prélevé dans cette gangue dans son intégralité. Les mottes de terre, découpées directement dans la sépulture, ont été rapidement placées dans un environnement réfrigéré afin d’éviter le développement de moisissures et la dégradation des fibres textiles. Elles ont fait l’objet d’une tomodensitométrie (technique d’imagerie médicale paramétrée pour l’archéologie) au laboratoire Cetso à Rennes afin de visualiser à travers la terre les restes textiles et préciser leur protocole de fouille. Impossibles à dégager à l’état humide, les mottes ont ensuite été soumises à un séchage lent, pendant un an, afin d’éviter les dégradations induites par un choc thermique trop violent. Présentes sur le projet dès la fouille, les spécialistes des textiles ont ensuite commencé le dégagement du tissu.

Un tissu d’or et de pourpre

Le tissu d’or est probablement l’une des plus grandes pièces antiques retrouvées à ce jour.  Il est fabriqué à l’aide de fils constitués d’une âme en matière textile autour de laquelle s’enroulent des lamelles en or. Fortement dégradé par les infiltrations répétées à l’intérieur du cercueil, il ne présente aujourd’hui quasiment plus de matière organique et seuls les fils d’or sont conservés. Certains échantillons sont d’une extrême finesse avec 100 fils par centimètre (soit un diamètre de 100 microns par fil) et des lamelles d’or d'environ 300 microns de large). Ces fils d’or témoignent d’un tissu luxueux réalisé avec précision et minutie. La présence de motifs curvilignes indique l’utilisation de la technique de la tapisserie, les bandes de tissu en fil d’or étant incorporées à une étoffe teinte à la pourpre. Ils dessinent des éléments géométriques et courbes correspondant probablement à un thème végétal et floral.

Un tissu à découvrir cette année

Grâce au mécénat du groupe HANES (Dim), une partie du tissu a pu être extraite des mottes de terre. Le soutien financier de la Fondation Solidarités by Crédit Agricole Centre-est et de la fondation Crédit Agricole Pays de France ainsi que l’accompagnement de la Drac Bourgogne – Franche-Comté a permis de poursuivre l’étude et la mise en conservation de l'ensemble des mottes renfermant les fils d'or. Présenté à l’état fragmentaire au musée Rolin d'Autun dans l'exposition « D’un monde à l’Autre, Augustodunum de l’Antiquité au Moyen Âge » en 2022, puis au Musée d'archéologie nationale en 2024, le tissu d'or d'Autun sera visible dans son intégralité dans l'exposition « Au fil de l'or » au Musée du Quai Branly du 11 février au 6 juillet 2025.


 

Aménagement : particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Bourgogne Franche-Comté)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Carole Fossurier
Spécialiste des matériaux organiques et textiles anciens : Fabienne Médard
Conservation et restauration : Raphaëlle Chevallier