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Des vestiges du premier âge du Fer au haut Moyen Âge à Entraigues-sur-la-Sorgue (Vaucluse)
Préalablement au projet d’aménagement d’un centre pénitentiaire situé à la ZAC du Plan à Entraigues-sur-la-Sorgue, une équipe de l'Inrap, en association avec le Service archéologique départemental du Vaucluse (SADV), a fouillé une superficie de 1,2 hectare et mis au jour des vestiges du premier âge du Fer ainsi qu’une occupation continue de l’Antiquité tardive au haut Moyen Âge.
Située au nord-est de l’agglomération avignonnaise, la fouille a été prescrite par le service régional de l’Archéologie (Drac Provence-Alpes-Côte d’Azur). Une première phase de fouille, menée par le SADV (sous la direction d’Émilie Fencke) au printemps 2023 sur une bande de 7000 m2 jouxtant l’emprise à l’ouest, a permis la découverte d’implantations humaines selon une chronologie identique.
Plus de mille faits archéologiques ont été identifiés au terme de la phase de décapage mécanique sous un recouvrement oscillant entre 0,40 et 0,80 m. Les études spécialisées étant en cours, les déterminations chronologiques sont susceptibles d'être révisées et n’ont pas un caractère définitif.
Décapage mecanique.
© C. Favero, SADV
Prise de vue par drone de l'emprise de fouille.
© B. Fabry, S. Fournier, Inrap
Plan général des vestiges.
© E. Martinet, B. Fabry, Inrap
Le premier âge du Fer
L’occupation protohistorique du site d’Entraigues-sur-la-Sorgue se dissémine sur l’ensemble de la zone décapée, avec des pôles qui semblent se détacher au sud et au nord de l’emprise. Cette occupation est essentiellement matérialisée par des structures en creux (fossés, fosses, puits), mais également par des foyers et soubassements de murs aménagés avec des blocs calcaires. Malgré une vision encore partielle au sortir de la phase terrain, la présence d’habitats groupés de plaine semble très probable. Le mobilier archéologique mis au jour, avec des vases non tournés, des céramiques grises monochromes, des céramiques à pâte claire et amphores massaliètes, des vases de stockage et des restes fauniques, vient conforter cette hypothèse. De même, la découverte récurrente de briques en terre crue dans la dizaine de puits mis au jour, laisse envisager une occupation pérenne et d’envergure, dissipant une vision cantonnant les installations régionales du premier âge du Fer aux sites de hauteur. Ces habitats de plaine seront mis en perspective avec les fouilles de l’oppidum du Mourre de Sève, également actif au premier âge du Fer et distant de deux kilomètres seulement au nord-ouest de notre emprise.
Puits de l'âge du Fer.
© T. Mallet, SADV
L’Antiquité tardive
Les vestiges datés de l’Antiquité tardive sont plus diffus et se rencontrent majoritairement à l’ouest de la zone fouillée avec quelques structures, dont un fossé et plusieurs fours. L’opération conduite par le SADV lors de la première phase de fouille a été plus prolixe en vestiges de cette période, avec notamment un petit pressoir. Bien que furtives sur cette opération, les structures de l’Antiquité tardive offrent un trait d’union avec l’occupation mieux représentée du haut Moyen Âge. Cette continuité pourrait illustrer les mutations de l’habitat entre l’Antiquité et le haut Moyen Âge, phénomènes mal documentés bien que relevant d'un changement socio-économique fondamental.
Le Moyen Âge
Le gisement médiéval correspond essentiellement à des silos (plus de 450 recensés), mais aussi des fours et des puits, et sont rencontrés sur l’ensemble de l’emprise, avec une concentration impressionnante au centre et au nord de la fouille. Les silos consistent en des fosses creusées dans le sol pour abriter, selon toute vraisemblance, des récoltes céréalières en les préservant de l'air et en empêchant la croissance de moisissures, de microorganismes dégradants et les dommages causés par les rongeurs. Afin de garantir l’étanchéité et maintenir l'intérieur du silo dans des conditions anaérobies (absence d'oxygène), des dalles ou « bouchons » étaient disposés au sommet des structures. Pour faciliter leur identification et leur localisation, des monticules de pierres formant des petits tertres ont apparemment été utilisés. Malgré la densité importante des silos, on note un taux de recoupement particulièrement faible qui induit une connaissance à la fois des silos en activité mais aussi de ceux comblés qui n’étaient donc plus en fonction. Concernant les silos désaffectés, un premier comblement est souvent constitué de rejets cendreux qui font place à une obturation qui semble rapide avec un remplissage de sédiment ou de pierres.
Silo médiéval avant fouille.
© G. Baro, SADV
Silo médiéval avec bouchon et fond amenage.
© Alexandre Ayasse, Inrap
Exemples de bouchons de silos médiévaux.
© G. Baro, SADV
Comblés de matériaux de rejet ou abandonnés encore en fonctionnement, ces structures de stockage fournissent de nombreux éléments de réflexion. Les silos, comblés après utilisation, révèlent des assemblages matériels (notamment en faune et en céramique) essentiels pour cerner la chronologie interne de l’occupation. La préservation de certains matériaux végétaux (graines, charbons de bois, pollens, etc.) ouvre la perspective d’une reconstitution du paysage ancien. Elle rend en outre possible la détermination des approches agricoles, en particulier les variétés cultivées et d’envisager des projections de rendements. À ce jour, les recherches laissent transparaître un aménagement de ces structures à partir du VIIe ou VIIIe siècle, et une période d'activité au cours des siècles suivants avant d'être apparemment abandonnées au cours du Xe ou XIe siècle.
Restes faunique dans le comblement supérieur d'un silo médiéval.
© Maeva Serieys, SADV
Ces aménagements nombreux contribuant à la sécurité alimentaire d’un groupe humain induisent inévitablement la présence d’habitats à proximité. Un cimetière alto-médiéval fouillé en 1987 par le SADV sous la direction de J.M. Mignon à quelques centaines de mètres au nord de cette fenêtre exploratoire, au lieu-dit Le Clapier, laisse présager l’implantation d’une communauté relativement importante.
Les sépultures
Trois sépultures périnatales en amphore ont été mises au jour. L’utilisation de ce type de récipient servant de réceptacle aux restes du défunt en bas-âge est un phénomène bien attesté en Narbonnaise. Dans les trois cas, l’amphore a été aménagée, sciée au niveau des épaulements et réassemblée pour réaliser un coffre. Des amphores africaines ont ici été utilisées, il s’agit de contenants omniprésents dans les provinces de la Méditerranée orientale entre le IIIe et le VIIe siècle, dont le module ici utilisé convenait parfaitement à l’inhumation de périnataux. Aucun mobilier n’étant associé à ces sépultures leur rattachement chronologique n'est pas pour le moment assuré.
Sépulture périnatale en amphore.
© Catherine Rigeade, Inrap
Contrôle scientifique : Service archéologique du département de Vaucluse
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Alexandre Ayasse, Inrap