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Des habitations de l'Époque moderne à l’intérieur de la Citadelle de Brouage (Charente-Maritime)
À Brouage, l'Inrap fouille un quartier d'habitation de l'époque moderne, transformé aux XVIIe et XVIIIe siècle avant son abandon à la fin du XIXe siècle. Le mobilier abondant et varié (céramique, résidus de forge, bois, cuir) mis au jour accroît nos connaissances sur le mode de vie des anciens brouageais.
Située au cœur des marais salants, Brouage fut fondée vers 1555 par Jacques de Pons pour le commerce du sel puis transformée par Richelieu en place de guerre entre 1630 et 1640. Suite à l’envasement progressif du chenal menant au port, Brouage a perdu son attrait commercial et périclité rapidement. L’abandon brutal de la citadelle par l’armée en 1885, a plongé celle-ci dans l’oubli avant de connaître un vaste programme de restauration à partir de la fin du XXe siècle.
Des habitations modernes relativement préservées
A deux pas de l’espace Champlain, l’opération de fouille archéologique a porté sur une parcelle laissée en friche, où les restes d’habitations de la période moderne ont été préservés par la déprise urbaine pendant plus d’un siècle. Des niveaux de sable, dont l’origine reste à déterminer, ont été atteints et semblent accueillir les premiers niveaux d’occupation ainsi que les structures bâties.
Les structures maçonnées partiellement dégagées dessinent les pièces de plusieurs maisons réparties autour d’une cour intérieure qui était revêtue d’une calade et pourvue d’une rigole centrale. Les ouvertures étaient dotées de piédroits en calcaire disposant de feuillures destinées à accueillir les portes en bois. Des cloisons en matériaux périssables (planches de bois) ou des murs de refend devaient scinder l’espace des maisons mais n’ont laissé que peu de traces. Certains espaces d’habitation ont été abandonnés puis convertis en cour pavées ou non, tandis que d’autres espaces bâtis ont été transformés ou agrandis par l’adjonction d’un escalier extérieur appuyé en façade.
Des constructions en matériaux légers sur poteaux de bois et solin de pierres, qui ne suivent pas systématiquement l’organisation générale du bâti dans l’îlot, ont également été mises au jour sous le niveau pavé de la cour, prouvant que le bâti connaît à Brouage une remarquable diversité.
Ces recherches de terrain portant sur les vestiges mobiliers et la structure des habitations permettent d’entrevoir l’aspect d’un quartier et le statut social de ses habitants.
Des plans modernes en appui de l’archéologie sédimentaire
Les sources documentaires, nombreuses pour la période considérée, apportent des informations partielles sur l’évolution parcellaire et architecturale du quartier. Aux XVIe et XVIIe s., les maisons étaient installées sur rue, offrant ainsi à la ville une impression d’ordonnancement qui tranchait avec la configuration des villes médiévales. L’abandon des pièces d’habitation donnant sur la rue est illustré par le redéploiement du bâti autour d’une cour intérieure centrale à la fin du XVIIe s. ou au tout début du XVIIIe s. Sur le plan de 1761, la parcelle s’est agrandie vers le sud mais n’est plus bâtie, bien qu’encadrée à l’est et à l’ouest par deux îlots habités.
Un mobilier varié
Le mobilier céramique très abondant illustre une occupation qui s’étend du XVIIe au XVIIIe siècle et pourrait remonter au XVIe s. Au sommet de la séquence stratigraphique, la présence d’éléments mis au jour dans des fosses ou au cœur de remblais massifs évoque une activité artisanale, notamment de forge. Plusieurs niveaux s’apparentaient à des dépotoirs, notamment des latrines recelant des bois œuvrés (planches, douelle de tonneau…) et des éléments en cuir disposés au milieu d’autres matériaux jetés en vrac. Des études xylologique et dendrochronologique permettront de déterminer les essences et les périodes d’occupation des latrines.
La multiplication des recherches archéologiques sur le quart nord de la citadelle de Brouage apporte des renseignements supplémentaires sur l’évolution structurelle du quartier durant l’époque moderne. La fouille de cette parcelle habitée contribue également à l’accroissement des connaissances sur les modes de vie des anciens brouageais. Les traces tangibles de leurs séjours, de leurs habitudes alimentaires, de leurs loisirs permettent de mieux connaître une population composée de marchands, marins, soldats, sauniers venant d'horizons différents et parfois lointains.
Contrôle scientifique : Drac, Service régional de l’archéologie Nouvelle-Aquitaine
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Nadine Béague, Inrap