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Archéologie des Temps modernes : bilan de la saison 2019
Au travers de sa saison scientifique et culturelle, l'Inrap a mis en avant, tout au long de l'année, l'état des travaux archéologiques sur les périodes moderne et contemporaine. Ce domaine de recherche en pleine expansion permet d'apporter une riche contribution à l'histoire des sociétés européennes. Retour sur les temps forts de cette saison.
Après deux saisons sur l'archéologie médiévale, puis la Préhistoire ancienne, ce sont les cinq derniers siècles de notre histoire qui ont occupé le devant de la scène en 2019. Grâce aux fouilles, des observations inédites ont vu le jour et des champs et des objets d’étude originaux sont venus questionner et renouveler des champs historiques que l’on pensait autrement bien connus.
Des Champs dE recherches nouveaux et partagés avec le public
L'archéologie de l'esclavage
La saison « Temps modernes » s’est ouverte avec l’exposition « Tromelin, l’île des esclaves oubliés », coproduite par l’Inrap, qui a terminé son parcours itinérant au musée de l’Homme où elle a attiré plus de 50 000 visiteurs (13 février-3 juin). Actualisée par de nouvelles recherches de l’Inrap et enrichie d’objets originaux, l’exposition a permis, par-delà les découvertes réalisées sur l'îlot, de sensibiliser le public à l’archéologie de l’esclavage, un champs d’étude qui s’est beaucoup élargi ces dernières années grâce à la multiplication des opérations d’archéologie préventive outre-mer. Toujours au musée de l'Homme, l’Inrap a présenté une de ses « Archéocapsules » sur la thématique de l'« Archéologie de l'esclavage colonial » à l'occasion de la journée commémorative de l’abolition de l’esclavage en France.
L'archéologie des conflits du XXe siècle
Un autre objet d’étude que s’est récemment approprié l’archéologie est celui des grands conflits de l’ère contemporaine. Cette thématique a fait l’objet du colloque « De Verdun à Caen, l’archéologie des conflits contemporains », dont la première partie s’est tenue en octobre 2018 à Verdun et la seconde au mémorial de Caen, les 27 et 28 mars 2019. Pour la première fois, des chercheurs de tous horizons et de toutes nationalités se sont réunis pour dresser un état des lieux des méthodes, des apports et enjeux de l’archéologie pour traiter les grands conflits contemporains et notamment les deux guerres de masse du XXe siècle. À signaler également dans ce domaine, une étude archéologique et historique de la bataille de Montfaucon (1918) et une étude de prospection sur le célèbre site de la Pointe du Hoc (6 juin 1944), toutes deux réalisées par l’Inrap pour l’American Battle Monuments Commission, chargée de l’entretien des monuments et cimetières militaires américains hors des États-Unis.
Faisant suite aux commémotations de la Grande Guerre, l'année 2019 était celle du 75e anniversaire du débarquement en Normandie. À cette occasion, plus de 500 000 visiteurs se sont déplacés sur le site de la Batterie de Longues-sur-Mer (Calvados) pour découvrir l’exposition « Archéologie du Jour J et du Débarquement » conçue par l'Inrap. Vincent Carpentier et Cyril Marcigny, les deux archéologues commissaires scientifiques de cette exposition, sont les co-auteurs de l’ouvrage Archéologie du Débarquement et de la Bataille de Normandie, réédité en 2019 dans une version augmentée (Inrap/Ouest-France).
Toujours dans le cadre de cette archéologie de la Seconde Guerre mondiale, « Refuge 44 », le projet expérimental mené depuis 2015 par l’Inrap (Cyril Marcigny) sur la carrière-refuge de Fleury-sur-Orne (qui a accueilli près d’un millier de personnes pendant les bombardements alliés de Caen de juin-juillet 1944), a été présenté au public au travers d’un documentaire, Le Refuge oublié, diffusé sur France 3 et primé aux Rencontres de la Narbonnaise (prix des collégiens et prix du jury). Le projet se poursuit avec notamment la production d’une vidéo en réalité virtuelle qui permettra de visiter la carrière et d’observer tous les objets restés en place.
En région parisienne, la mise au jour d’un abri de la Seconde Guerre mondiale à Nanterre est un autre témoignage de l'intérêt que les chercheurs portent à des structures qui, il y a quelques années, étaient systématiquement démolies. Ces vestiges sont parfois découverts à l’occasion de fouilles sur des sites concernant d’autres périodes et domaines de recherche. Pour exemple, les vestiges de la Seconde Guerre mondiale découverts cette année à l’occasion de fouilles aux abords de la Cathédrale de Rouen ou à l’emplacement de l’ancien château de Valognes.
L'archéologie judiciaire ou forensique
L’Inrap a clôturé la saison en consacrant son colloque annuel à un domaine d’actualité : l’archéologie judiciaire ou forensique. En effet, depuis quelques années, des archéologues de différentes spécialités interviennent sur le terrain à la demande de la justice sur des scènes de crime ou pour interpréter des analyses de laboratoire. En partenariat avec le Tribunal de Paris, le colloque « Archéologie et enquêtes judiciaires » a réuni les 22 et 23 novembre dans un auditorium comble des experts nationaux et internationaux, médecins, anthropologues ainsi que magistrats et représentants des différents corps de métiers rattachés à la justice, gendarmes, policiers, militaires. Les interventions sont disponibles sur Inrap.fr.
Des éclairages variés
La saison a aussi donné l'occasion d'observer la diversité des champs d'application de cette archéologie moderne et contemporaine qui, encore émergente, a investi tous les champs des activités humaines et stimulé l'interdisciplinarité. Outre l'archéologie des conflits contemporains, trois autres grands thèmes ont structuré la saison : pratiques funéraires, occupation du sol et habitat et culture matérielle.
Des projets de recherche
L'inrap a ainsi soutenu les recherches sur « La mort moderne et contemporaine » (fouilles de cimetières à La Ciotat et à Marseille), « Les Cimetières de transition de la fin de la période moderne dans le quart nord-est de la France » et un projet pluridisciplinaire sur le traitement des corps des élites (comte de Flers, XVIe-XVIIe siècles). À noter également la publication en 2019 des Actes de la 8e rencontre du Groupe d’anthropologie et d’archéologie funéraire, soutenue par l’Inrap, qui constitue un événement important dans ce secteur particulier qu’est celui des fouilles des cimetières récents : Rencontre autour de nos aïeux, la mort de plus en plus proche, constitue désormais une référence sur le sujet et offre des orientations pour la prise en compte de ces vestiges récents intégrés désormais dans le champ patrimonial.
Dans le domaine de la culture matérielle, les études sur les Céramiques du Sud-Ouest (XVIIe-XIXe siècle) et sur les Céramiques de raffinage du sucre autour de l'Atlantique (XVIe-XIXe siècle) sont en plein essor.
L'occupation des sols et l'habitat ont été étudiés au travers de programmes de recherche sur les « Paysages et architecture des monastères cisterciens entre Seine et Rhin » (XIIe-XVIIIe siècles), sur l’occupation du plateau de Saclay, le quartier des Trois Maisons à Nancy (XVIe-XIXe siècles), le bourg de Vic, l'abbaye Sainte-Croix à Poitiers, la ville de Blois, les abords du musée des Beaux-arts et d'archéologie à Valence, la plaine de Caen et les Marais charentais. En Outre-mer, une fouille réalisée à proximité du centre-ville historique de Saint Paul de La Réunion (XVIIIe-XXe siècle) est emblématique du développement des recherches archéologiques récentes sur le « fait urbain », après celles qui ont été menées en milieu rural sur les bâtiments sucriers et les maisons de maîtres.
Des projets culturels
Parallèlement, plusieurs manifestions dont l’Inrap était partenaire ont permis de sensibiliser le public aux multiples aspects de cette archéologie de ces temps récents, ainsi une exposition « Enfants de la Renaissance » au Château royal de Blois sur le thème de l’enfance et de l'éducation de la fin du XVe au début du XVIIe siècle, ou, dans un domaine plus contemporain, deux expositions au Musée départemental d’art ancien et contemporain d’Épinal, « Les fouilles du Déjeuner sous l’herbe de Daniel Spoerri » et « Des archéologues de l’Inrap ont retrouvé la sépulture de Dracula ». Par ailleurs, dans le cadre des projets pédagogiques menés par l'Inrap auprès des jeunes publics, un Parcours d’éducation artistique et culturelle (Péac) a permis à des classes de collège de Seine-Saint-Denis de s'initier à cette archéologie des temps modernes en étudiant les vestiges de l’ancienne usine d’argenterie Christofle. À signaler également la publication des actes du colloque Archéologie de la Santé, Anthropologie du soin, dont plusieurs contributions sont dédiées à à la période moderne et contemporaine et questionnent la problématique du soin, de la santé et du handicap dans les sociétés actuelles.
Les fouilles en ligne
Sur Inrap.fr, de nombreuses fouilles illustrent les temps moderne et contemporain. Elles sont mises en valeur dans deux grands dossiers thématiques : « Archéologie de la Grande Guerre » et « Temps modernes ». Parmi elles, les fouilles réalisées cette année d'une ancienne auberge de voyageur à Linas (Essonne, XVIIe –XXe siècle), de la « gare des tacots » de Dijon (XXe siècle), de l’usine Christofle en Seine Saint-Denis (XIXe-XXe siècle), d'un cimetière d’hôpital du XIXe siècle à Tours, ou des différentes occupations qui se sont succédé sur le site des « Vieilles Infirmeries » à Marseille (XVIe-XXe siècle), témoignent de la grande diversité des sujets d'étude de cette archéologie venue questionner l'histoire, la mémoire et le territoire et renouveler la perception de l'espace archéologique.
En 2020, la saison culturelle et scientifique de l’Inrap sera consacrée à l’archéologie de la mer.