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Une exposition et un portail d'archives sur le patrimoine archéologique de Tours
Coorganisée avec l'Inrap et labellisée « 20 ans de l'Inrap », l'exposition Le Sol et l’image Histoires d’archéologie à Tours, présentée du 25 février au 22 mai 2022 au Château de Tours, invite le public à découvrir plus de 2 000 ans d’histoire de la ville en croisant archives du sol et images d'archives. Elle a été réalisée dans le cadre du programme (RITA : Recherche en Images : Tours Archéologique) qui permet d'appréhender le patrimoine archéologique et bâti de la ville par l'image.
L'exposition Le Sol et l’image Histoires d’archéologie à Tours répond au souhait de la Ville de mettre en valeur l’archéologie tourangelle qui a beaucoup bénéficié du développement de l'archéologie préventive, ces vingt dernières années. Depuis sa création en février 2002, l'Inrap a mené plus d'une trentaine de fouilles dans la ville (voir l'Atlas archéologique de la ville), coordonnées avec le Laboratoire d'archéologie urbaine de Tours. Ces travaux ont permis de mettre en valeur la forte empreinte du Moyen Âge et du XVIe siècle dans le bâti civil, religieux et militaire, mais aussi, cachés derrière cet imposant bâti, l'occupation gauloise au IIe siècle avant notre ère, la première phase d'urbanisation de Caesarodunum (à partir de 14 après J.-C.), la ville du Bas-Empire enfouie jusqu'à 8 m de profondeur en bordure du fleuve, des quartiers anciens, des monuments remontant au IVe siècle comme le rempart de la Cité, etc.
Fouilles de l'Inrap en amont de l'aménagement de l'hôtel de police (2001-2002). Vue générale de la fouille montrant le mauvais état de conservation des vestiges antiques. L'importance du phénomène de récupération des matériaux antiques se lit au travers du grand nombre de fosses et de tranchées matérialisant les murs disparus.
© Inrap
Coorganisée avec l'Inrap et labellisée « 20 ans de l'Inrap », l'exposition présentée au Château invite ainsi le public à découvrir plus de 2 000 ans d’histoire enfouis sous le sol actuel de la ville au travers d'une sélection de 12 sites archéologiques emblématiques de ces recherches sur le temps long de la ville et des « histoires d'archéologie ». Le parcours de l'exposition suit en effet l'évolution du cadre d'intervention,
des premiers travaux de la Société archéologique de Touraine (SAT), créée en 1840, aux fouilles programmées, « de sauvegarde » et surtout préventives actuelles (depuis la loi de janvier 2001), en passant par le contexte de reconstruction de l'après-guerre (la ville est bombardée en 1940, 1943 et 1944).
Chaque site fait l'objet d'une présentation de mobiliers issus des fouilles, des documents de travail des archéologues et de la documentation photographique et archivistique. Des restitutions scientifiques (Yann Couvin, Thierry Duchesne), de même que des évocations (Mathieu Cossu) de la Tours antique, médiévale et moderne sont également proposées, qui permettent de tester les hypothèses de travail des archéologues, mais aussi de les partager avec le public. Enfin, des reportages photographiques concluent cette promenade dans le temps de la ville, l'un de Géraldine Walter sur une fouille au Lycée Descartes (2000-2001), l'autre d'Alban Lécuyer, sur la fouille de la Caserne Beaumont (2019-2020).
Des conférences seront programmées tout au long de l'exposition et animées par des archéologues et des chercheurs de l'Inrap, de l'UMR 7324 CITERES-LAT, du Service archéologique & Archives départementales d’Indre et-Loire, des archives municipales et du patrimoine de Tours (voir le programme).
Premières « histoires d'archéologie » à Tours
La basilique Saint-Martin de Tours est le point de départ de ce parcours archéologique dans la ville. Construite au Ve siècle et devenue l'un des plus grands centres de pèlerinage de l'Occident chrétien, elle est incendiée au Xe siècle, rebâtie au XIe siècle et remaniée jusqu'au XVe siècle. Très dégradée pendant la Révolution et finalement démolie à l'explosif en 1798, ce sont les fouilles préalables à sa reconstruction, menées en 1860 par Stanislas Ratel et en 1886 par l'abbé Casimir Chevalier (SAT), puis dans les années 1970-1980, qui ont permis, de mettre au jour certains vestiges et de connaître partiellement l'ancien édifice.
Découvert fortuitement rue Nationale au cours de l'été 1951, le temple antique a été, lui, dynamité et arasé en 1952, dans la nécessité où s'est trouvée alors la ville de reloger des habitants de ce secteur qui attendaient depuis l'incendie de 1940. C'est un exemple parmi bien d'autres des destructions de sites sans études préalables qui ont caractérisé la période de l'après-guerre. Des fouilles du Laboratoire d'archéologie urbaine de Tours, en 1994, ont néanmoins permis de connaître sa structure, avec notamment la mise au jour de 900 pieux en chêne sous les fondations maçonnées du porche d'entrée du temple, alors que de nouvelles fouilles de l'Inrap, en 2001-2002, à l'occasion de la création du Centre dramatique de Touraine, ont permis d'examiner l'emmarchement et une portion du mur courbe resté en élévation du temple, et de dater le monument de la fin du Ier au IIe siècle après J.-C. Une restitution est proposée dans l'exposition qui montre le pronaos et l'imposante cella (34,85 m de diamètre).
1951-1952: Cette photographie permet d'observer l'angle nord-est du pronaos. A l'arrière plan, la pelle à cables Nordest, largement utilisée lors de la reconstruction.
Société archéologique de Touraine (SAT)
À la différence de la fouille de la basilique et du temple, le Château a fait, lui, l'objet de fouilles programmées de 1974 à 1978 et est représentatif du programme d'archéologie urbaine pionnier (chantier école) de la ville de Tours mené de 1969 à 1982. Ce sont ces fouilles programmées qui ont permis de comprendre les quatre grandes phases d'occupation du site : thermes publics entre 70-90 et la fin du IVe siècle (1), succession d'habitations élitaires du Ve au XIe siècle (2), lieu de la puissance publique (résidence des comtes d'Anjou, Château royal, logis dit « des Gouverneurs ») du XIe au XVIIIe siècle (3) et enfin, démantèlement du Château et remplacement par une caserne avec le « Pavillon de Mars » (4).
L'enceinte du Château au IVe siècle. Elévation en maçonnerie parementée en petit appareil, dressée au-dessus d'une fondation constituée de l'empilement à sec des blocs de grand appareil en remploi.
© CITERES-LAT.
Fouilles de sauvegarde et préventives
Les fouilles de sauvegarde des abords de la cathédrale, menées en 1994 par l'Afan (Association pour les fouilles archéologiques nationales), puis de L'Hôtel Gouïn en 2013 par le Service de l'Archéologie du département d'Indre-et-Loire (SADIL, illustrent combien les fouilles préventives, en conciliant en amont les exigences de l’aménagement du territoire et de la protection du patrimoine archéologique, ont complètement renouvelé la perception du passé de la ville, tant par l'appréciation d'espaces urbains sur la longue durée, de l'Antiquité à aujourd'hui, que par des fenêtres sur des occupations à des périodes bien déterminées de son histoire.
Ainsi, ce sont les fouilles de l'Inrap, à l'occasion de l'aménagement de l'hôpital Clocheville (2001-2002), qui ont permis de localiser la première occupation gauloise (entre 180 et 60/50 avant J.-C) à l'ouest de la ville gallo-romaine, tandis que les fouilles occasionnées par l'aménagement de la ligne de tramway sur le plateau de Tours nord (2011), menées par l'Inrap et le SADIL, ont révélé une autre zone occupée à la période gauloise, entre 150 et 30 avant J.-C., et notamment trois fermes (dont une fortement tournée vers une activité métallurgique), qui constituent les exemples parmi les mieux documentés du département de l'occupation des sols à la veille de la conquête romaine.
La présence romaine est mise en valeur par les fouilles de l'Inrap préalables à l'aménagement de la clinique des Dames Blanches (rue Courteline) qui ont mis au jour une voie antique et un embarcadère raccordé à la voie (Ier-IIe siècle), sur une zone régulièrement dévastée par les crues de la Loire. Une nouvelle voie sur berge est installée au Moyen Âge et le secteur se stabilise au XVIe siècle avec la construction de l'enceinte moderne.
La fouille par l'Inrap du parking Anatole France (2002) a permis, elle, de dégager un morceau du rempart de la ville du XIVe siècle, la Clouaison (regroupant Chateauneuf et la Cité), à hauteur de la porte Ragueneau (percée dans la muraille en 1482), avant la construction d'un nouveau rempart au XVIe siècle, à environ 30 m de la Clouaison. Le fossé situé de part d'autre de la porte de Ragueneau a servi de dépotoir urbain, dans lequel ont été entassés rien moins que 30 193 objets ou fragments, dont un tiers correspond aux artisanats du cuir et du textile.
Enfin, une fouille réalisée rue Charles-Gilles dont l'objectif initial était de localiser une nécropole antique à incinération, a révélé de manière inattendue un cimetière épidémique en fonction entre le XIVe et le XVe siècle, dans un secteur de la ville dévolu, semble-t-il, à l'accueil des malades (léproserie et hôpital pour les malades de la syphilis à proximité). Cette fouille est un exemple des surprises et des découvertes exceptionnelles qu'occasionne l'archéologie préventive qui ne choisit pas à l'avance ses terrains et dépend des aménagements.
RITA – Recherche en Images : Tours Archéologique
L'exposition Le Sol et l’image Histoires d’archéologie à Tours qui est présentée actuellement avec le soutien de la Ville de Tours a pour origine un projet intitulé : Recherche en Images : Tours Archéologique (RITA).
Financé depuis 2019 par la région Centre-Val-de-Loire et l'Inrap et porté par l’Inrap et l’Université de Tours (Laboratoire Archéologie et Territoires - UMR 7324 Citères), ce projet comprend trois volets : le site web regroupant des archives iconographiques sur la ville de Tours, l'exposition qui est présentée actuellement au Château de Tours et un ouvrage grand public, enfin, qui sera prochainement édité par les Presses Universitaires François-Rabelais (PUFR).
Le portail numérique est conçu pour faciliter le travail de recherche iconographique des archéologues, complémentaire du travail de terrain, afin de mieux retracer l’évolution de la ville. Il s'adresse aux chercheurs et à tous les amateurs de l'histoire et du patrimoine archéologique de la ville de Tours. Il est interrogeable par fonds d’archives, par une entrée spatiale depuis le plan de Tours, par mots-clés et par sites ou espaces choisis.
Les images traitent des fouilles et objets archéologiques, mais aussi du patrimoine bâti disparu ainsi que des acteurs de l’archéologie tourangelle depuis le XIXe siècle. Le corpus rassemblé est issu des fonds des acteurs institutionnels de l’archéologie, de centres d’archives, de bibliothèques, de musées, de sociétés savantes, de personnes privées, etc. Il comprend des images réalisées par les archéologues dans le cadre de leurs opérations de terrain et des images patrimoniales donnant à voir des états passés de la ville. Ces sources sont dans leur majorité composées de photographies, mais également de peintures, de plans, de cartes postales, etc. Le site propose ainsi un large panorama du patrimoine tourangeau à différentes époques et des informations sur les acteurs de l’archéologie et leurs méthodes.
Hélène Jagot, directrice des musées et Château de Tours
Elsa Gomez, conservatrice au musée des Beaux-arts de Tours
Émilie Trébuchet, documentaliste, responsable du projet Rita, Inrap, UMR 7324 Citères-LAT
Nicolas Fouillet, archéologue, co-responsable du projet Rita, Inrap, UMR 7324 Citères-LAT
Antoinette Navecth-Domin, chargée du développement culturel et de la communication, Inrap
Frédéric Dufrèche, responsable du service animation du patrimoine de Tours