En 2008, un diagnostic archéologique réalisé sur une parcelle de 5 ha à Massy (Essonne), rue du Pérou, a mis au jour un axe ancien, donnant lieu en 2009 à une fouille sur une surface d'1,7 ha.

Dernière modification
25 avril 2016

Massy est situé au nord de l'Essonne, au sud-ouest du plateau de Longboyau, encadré par l'Yvette, la Bièvre et la Seine. La parcelle est destinée à être aménagée dans le cadre de l'extension de la ZAC du Pérou, située entre l'autoroute A 6 et la RN 20, à cheval sur les communes de Massy, Chilly-Mazarin et Wissous.


Les travaux ont permis d'observer un tronçon de l'axe Paris-Orléans (Lutetia-Cenabum), dont la chaussée empierrée a été utilisée de l'Antiquité jusqu'au XVIIe siècle. La mise en évidence d'une phase antérieure, sous la forme d'un chemin creux protohistorique, a révélé une configuration assez rarement documentée en archéologie, faisant désormais du site de Massy un véritable cas d'école en archéogéographie.
 
L'abandon de cet axe de grand parcours a eu lieu à la période Moderne, à partir de la mise en service, sous François Ier, de la Grande route royale de Paris à Orléans, correspondant dans ses grandes lignes à la RN 20 actuelle. Cette nouvelle route, désormais pavée, décalée par rapport à la précédente, plus rectiligne et mieux drainée, modifie les distances entre les deux villes en ramenant Orléans à trois jours de Paris.
Sur les plans d'intendance du XVIIIe siècle, l'ancien tracé apparait encore en filigrane, aux côtés de la Grande route, sous l'appellation d'Ancien vieux chemin de Paris à Orléans, avant de se fondre dans un ensemble de parcelles agricoles, en restant néanmoins fossilisé par les limites ecclésiastiques et communales. Sa présence est encore signalée par l'hodonyme Pérou, variante de Paray ou Péray indiquant la présence d'une voie empierrée.

Phase protohistorique

Au plus près de la limite communale, un large chemin entaille le substrat jusqu'à une profondeur de près de 2,10 m, sur une longueur de 290 m. Il s'agit d'un vaste creusement à fond plat et aux bords évasés, définissant une largeur utile d'environ 4 m.
La fouille de la surface de circulation du chemin n'a malheureusement livré qu'une très faible quantité de matériel archéologique datant, principalement représenté par des tessons de céramiques protohistoriques très érodés et sans caractéristiques précises.
Des indices extérieurs au périmètre de la fouille pourraient conforter la datation protohistorique de cette première voirie. Il s'agit d'une zone de stockage, située à environ 300 m à l'est, sur le site de Chilly-Mazarin La Butte-au-Berger IV phase 2, regroupant une cinquantaine de silos datant de La Tène ancienne à La Tène finale. Cet ensemble est circonscrit par des fossés dont les orientations sont parfaitement calées sur le tracé du chemin creux.

Phase antique

Le début de la période antique marque l'abandon du chemin creux en tant que voirie et son remplacement par une piste provisoire, repérée sous la forme d'ornières, positionnée sur son côté ouest. L'ancien chemin creux est alors réutilisé non pas pour la circulation mais pour participer au drainage de la nouvelle piste. Le fond de son bord occidental est recreusé sur près de 60 cm pour installer un fossé drainant tandis que des éléments verticaux, de type clayonnage, maintenus par des piquets, sont mis en place pour garantir son ouverture et stabiliser les remblais de la partie orientale.
 
La phase suivante est caractérisée par l'abandon du fossé drainant et par l'installation d'une véritable voirie empierrée. La voie adopte alors la configuration classique des tronçons situés à l'extérieur des grands centres urbains : une chaussée empierrée recouverte d'un lit de cailloutis, encadrée par deux bermes et deux fossés-limites. À cette occasion, les constructeurs de la voie ont tiré parti de la configuration antérieure afin de s'épargner le creusement du fossé-limite oriental. Ces derniers ont de nouveau décalé la bande de roulement vers l'ouest pour réutiliser la dépression offerte par la partie supérieure du fossé drainant, recreusé dans le chemin creux.
La largeur de la bande de roulement (7 m) a été reproduite de part et d'autre pour établir celle des bermes. Une largeur utile de 21 m permettait par temps sec une circulation sur la chaussée empierrée mais également sur ses abords.
La structure interne a été réalisée en disposant une assise de meulière, dont les modules ne dépassent pas 45 cm de long pour 20 cm d'épaisseur. Ce lit est surmonté de 10 cm de sable, recevant un revêtement de cailloutis. La cohésion de l'ensemble est assurée par des dalles de meulière disposées sur chant et stabilisées par un blocage.
 
Si la chaussée en elle-même n'a pas livré de matériel archéologique accréditant l'origine antique de l'Ancien vieux chemin royal, ces éléments ont été fournis par le comblement des fossés-limites, perçus sur une longueur de 370 m. Larges de 1,54 m à 2,01 m et profonds d'environ 85 cm, ces fossés ont pu servir à drainer en partie la chaussée empierrée mais également à matérialiser l'emprise publique de la voie.
Leur comblement a livré un continuum de repères enfouis destinés à renforcer le marquage des limites. Cette pratique peut être comparée à celle des dépôts de céramiques dans les fossés, servant à borner certaines parcelles. On y trouve majoritairement des blocs de pierre, mais également des céramiques (pots à cuire), parfois entières, datant de la seconde moitié du Ier au IIIe s. apr. J.-C. Sont également associées des concentrations d'ossements de bovins (plus rarement d'équidés), parfois en connexion anatomique.

Période Moderne

Pour cette période, les vestiges sont principalement représentés par un important corpus de matériel métallique, dont de nombreux fers à cheval correspondant à tout l'éventail des équidés. Figurent également des éléments de harnachement ou de charronnerie, dont des clous à tête rabattue maintenant des bandages de roues. Des balles en plomb, de différents calibres, des effets personnels, des monnaies ainsi que des scellés en plomb de colis postaux complètent le spectre des objets perdus par les utilisateurs du chemin.
Durant cette phase, les bermes ont été rechargées en sablon sur une largeur constante. Stabilisé par des alignements de pavés en grès, ce matériau a pu limiter l'enlisement des véhicules. À ces aménagements pourrait s'ajouter un système fossoyé de gros modules ayant connu deux états.

Conclusion

La fouille du site de Massy a enrichi de manière substantielle la connaissance de l'axe Paris-Orléans, en montrant son évolution à partir d'un chemin creux. Ces données offrent désormais un cadre nouveau aux recherches menées dans ce secteur, en introduisant la question de la structuration de l'espace sur la base d'un axe gaulois. Les résultats permettront à terme une meilleure compréhension de l'articulation des ensembles géographiques attenants (nord du Plateau de Longboyau, plateau de Saclay, vallées de la Bièvre, de la Seine, et de Chevreuse).