A Reims, Marne, une surface de plus de 7 000 m2 destinée à la construction a fait l'objet d'une fouille préventive qui a révélé tout un quartier de la ville antique, densément occupé au Haut-Empire et abandonné au IIIe siècle.

Dernière modification
10 mai 2016

Quatre phases d'occupation ont pu être mises en évidence, appartenant respectivement au tout début de La Tène ancienne, à la fin de l'Indépendance, au Haut-Empire et, après une longue période d'abandon, aux XVIIe et XVIIIe siècles.

La Tène ancienne et finale

La Tène ancienne (Ve-IVe siècles avant notre ère), et peut-être même le Hallstatt final, étaient représentés par une fosse qui a livré un mobilier céramique assez abondant. Malgré son caractère ponctuel, cette découverte confirme l'existence probable d'un habitat, dont une autre fosse avait déjà été mise au jour à peu de distance, sur le site du parc des Capucins, fouillé en 1987. Cet habitat était sans doute de caractère rural.
Un enclos rectangulaire, associé à des constructions sur poutres sablières, se rattache en effet à cette époque. Large de 17 mètres, cet ensemble n'a pu être que partiellement étudié. Il se distinguait bien des structures postérieures par son orientation presque nord-sud. Le fossé de l'enclos, dont trois côtés ont été dégagés, présentait un profil en V pouvant atteindre 1 mètre de profondeur. Le fond en était aménagé en U, peut-être pour contenir une poutre servant d'assise à des poteaux. Sur le bord extérieur subsistaient des trous de poteau irréguliers ayant pu servir à renforcer la palissade. Cette dernière était interrompue sur un peu plus de 9 mètres, en face d'une construction qui occupait l'angle sud-est de l'espace enclos. Des aménagements existaient également à l'extérieur, mais leur mauvais état de conservation n'en autorise pas de restitution.
Le mobilier, peu abondant, recueilli dans les couches de remplissage du fossé, est datable des années 80-50 avant notre ère. L'absence de tout mobilier à caractère funéraire ou cultuel et le résultat des prélèvements palynologiques, indiquant un environnement proche de zones culturales à céréales, incitent à attribuer à cet ensemble une fonction agricole.

L'époque augustéenne

Dès l'époque augustéenne (-27-+ 14), l'urbanisation est caractérisée par l'établissement d'une série d'axes directeurs organisant l'espace. Palissades et fossés, établis en bordure de rues ou délimitant des parcelles en intérieur d'îlot en fournissent le cadre topographique. Les variations d'orientation observées s'expliquent par la proximité immédiate du fossé d'enceinte de l'oppidum, de son comblement et de son assainissement au cours du temps. Les constructions, encore peu nombreuses, sont essentiellement représentées par une maison carrée ou rectangulaire, sur poteaux et sablière. Divisée en deux parties par un mur de refend, elle présente de fortes analogies avec des constructions déjà relevées dans la vallée de l'Aisne. Il semble qu'elle était associée à un vaste ensemble de fosses carrées occupant, de manière très régulière, un espace de près d'un demi-hectare. La suite de cet ensemble a pu être mise au jour sur le site de la rue Clovis en 1995, mais ni le peu de mobilier recueilli ni les analyses sédimentologiques ou palynologiques n'ont permis d'en définir la fonction. La vocation, vraisemblablement agricole ou artisanale, de ces installations indique que le quartier restait périphérique à l'agglomération tout en s'inscrivant dans le schéma parcellaire, dans une période qui se situe entre les dernières années du Ier siècle avant notre ère et le milieu du Ier siècle de notre ère.

Le Haut-Empire

À l'époque tibérienne (14-37), le quartier fut restructuré par l'établissement d'un parcellaire (plan cadastral) bien dessiné et par le renforcement des rues. Ces dernières furent délimitées par des murs rectilignes et continus. Des fouilles du XIXe siècle en avaient retrouvé des éléments de pavement et d'empierrement. L'étude stratigraphique de ces voies a identifié plusieurs recharges de blocage de craie, de sable et d'empierrements de cailloux qui se sont succédées jusqu'à l'époque sévérienne (193-211), à laquelle on peut aussi attribuer la construction de portiques qui modifièrent de manière significative le paysage urbain.
Des maisons particulières ont occupé l'ensemble des terrains bordant les voiries, en laissant, en coeur d'îlot, des espaces de jardins ou de terrains vagues. Ces maisons, qui sont difficiles à individualiser en raison de l'érosion des structures, ne semblent pas répondre à un schéma répétitif ni à des résidences importantes. Il s'agit plutôt d'unités d'habitation de taille moyenne, dans lesquelles se trouvaient des aménagements liés à une activité artisanale, tels qu'un four de potier ou un atelier de bronzier. Un confort certain est toutefois perceptible grâce à la présence de mosaïques et d'hypocaustes, qui agrémentaient certaines pièces des maisons, par ailleurs dotées, pour la plupart, de cours intérieures. Toutes les maisons présentent des remaniements internes successifs, dont les plus récents peuvent être situés au IIIe siècle.

L'Antiquité tardive

Vers la fin du IIIe siècle, le quartier fut abandonné et les matériaux de construction en grande partie récupérés. Un nivellement général du terrain, lisible dans la stratigraphie, permit vraisemblablement la remise en culture de cette partie de la ville.

L'époque moderne

Après l'abandon du quartier, cette partie de la ville servit de zone de jardins et ne connut pas d'aménagements substantiels. Ce n'est qu'au XVIIe siècle qu'elle fut réoccupée lors de l'installation des Capucins.
L'établissement religieux s'est implanté sur les lieux en 1613, comme l'attestent deux pierres de fondation retrouvées. Ses bâtiments, et plus particulièrement l'église, ont pu être relevés précisément malgré l'arasement important des structures. Longue de 33 m, puis de 38,50 m, l'église était orientée au sud-est. Autour du cloître, adossé à l'ouest de l'église, s'agençaient plusieurs pièces ayant servi de dortoir, de parloir, de chauffoir, ainsi que des caves. Plus à l'ouest, des bâtiments annexes abritaient une buanderie avec un puits et une cuisine. Plusieurs fosses-dépotoirs contenaient un mobilier abondant. Près de 600 kg de céramique et de verrerie fournissent un ensemble assez exceptionnel couvrant la période du début du XVIIe siècle jusqu'à la seconde moitié du XVIIIe siècle. L'ensemble du mobilier traduit l'évolution du mode de vie du couvent, dont l'aisance du milieu du XVIIIe siècle contraste avec la modestie du train de vie au siècle précédent.