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Place Grégoire-de-Tours
A Brioude, Haute-Loire, quatre opérations se sont succédé entre l'hiver 2002 et l'hiver 2003.
Il s'agit, pour les trois premières, de fouilles archéologiques préventives réalisées avant l'aménagement de travaux aux abords de la basilique. La Ville de Brioude, maître d'ouvrage, a financé ces interventions avec le soutien de la Région et du Département.
La dernière intervention a été réalisée à la demande de la ville, hors du contexte strict de l'archéologie préventive, pour identifier un bâtiment qui s'est révélé être le baptistère paléochrétien. L'analyse de ce bâtiment se poursuit dans le cadre de fouilles programmées avec le soutien de l'Inrap. La première campagne, consacrée à l'annexe sud, vient de s'achever (été 2005).
![Place Grégoire-de-Tours Place Grégoire-de-Tours](https://www.inrap.fr/sites/inrap.fr/files/styles/thumbnail_gallery/public/thumbnails/image/chantier_photo_624_1_vignette_1.jpg?itok=Q2DYWsuB)
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Si Brioude, entre Clermont-Ferrand (63) et le Puy-en-Velay (43), est connu du grand public pour sa basilique romane, les historiens du premier Moyen Âge connaissent ce site pour avoir abriter un sanctuaire majeur de la Gaule.
Pendant l'Antiquité tardive, l'inhumation du martyr Julien va transformer radicalement la petite agglomération secondaire antique. Nos connaissances étaient largement tributaires des sources écrites, et en particulier de celles dues à Grégoire de Tours, grand admirateur de Julien et témoin, jusqu'aux fouilles préventives récentes.
Depuis 2002, le dossier archéologique s'est considérablement étoffé après la découverte de bâtiments, d'aires funéraires, mais aussi des reliefs carbonisés de repas, des traces de chantier, un four, de la céramique... Parmi ces résultats inédits, on distinguera des découvertes du baptistère paléochrétien, premier découvert à ce jour en Auvergne, et d'épitaphes mérovingiennes en contexte stratigraphique.
Le baptistère est composé de plusieurs salles :
- la salle baptismale, de 5 x 12 m, qui comprend une piscine circulaire de 1,10 m de diamètre intérieur ;
- une petite annexe dans le prolongement à l'est ;
- une autre annexe à l'ouest ;
- enfin, une pièce occupée par des tombes, adossée à l'ouest de la pièce principale...
Les murs de la salle baptismale sont recouverts d'un enduit blanc ; le sol est constitué d'un beau béton, dont les nombreux fragments de terres cuites en surface rappellent une mosaïque. Elle est dotée d'une cuve baptismale circulaire peu profonde (- 0,40 m par rapport au sol) ; la margelle est conservée en partie au-dessus du sol (25 cm). Cette cuve est constituée de deux maçonneries annulaires construites avec des remplois de moellons de basalte de 11 x 11 cm, caractéristiques du petit appareil antique. L'anneau intérieur de la cuve est maçonné avec un mortier différent et correspond vraisemblablement à un rétrecissement ultérieur de celle-ci. L'étanchéité de la cuve est assurée par un simple enduit de tuileau, plusieurs fois restauré. Lors de la découverte, la cuve était comblée par des matériaux provenant en partie de sa démolition et par des fragments très légers évoquant le stuc qui pourrait appartenir à un ciborium.
Concernant le haut Moyen Âge, plusieurs secteurs de la fouille ont permis d'atteindre la nécropole mérovingienne. La majorité des tombes sont des sarcophages monolithiques, pour la plupart taillés dans les carrières de la chaîne des Puys (trachyte) et des Monts Dore (brèche). On trouve également des coffres composites utilisant des matériaux résiduels (blocs, tuiles, canalisations en terre cuite...). Certains secteurs sont densément occupés :
- les sarcophages sont réutilisés plusieurs fois ;
- l'espace entre deux sarcophages est transformé en tombe : on dispose des tuiles à plat pour faire un sol et on réutilise les parois extérieures des cuves voisines ;
- les espaces vides existants sont utilisés comme ossuaires.
Une phase funéraire de cercueils, antérieure aux sarcophages, a également été mise au jour.
Parmi les nombreuses inhumations ad sanctos, on distinguera les deux sarcophages pourvus d'une inscription gravée sur plaquette de marbre. Ces inscriptions sont rares, souvent incomplètes et exceptionnellement en contexte stratigraphique. La première épitaphe, découverte dans l'annexe sud du baptistère, est celle d'un homme âgé d'environ 75 ans portant le nom de Mellonius, inhumé le 27 janvier 550 sous le règne du roi Théodebald. La seconde inscription, trouvée dans la salle baptismale, est celle d'une jeune femme, portant le nom germanique de Gunsa, qui mourut à 18 ans le 1er mars 534 (ou 597) sous le règne d'un des deux Theodebert ayant régné sur la cité. Un troisième fragment d'épitaphe, qui donne à voir une partie du décor d'architecture (colonne, chapiteau et arcature) qui encadrait le texte disparu, a également été découvert dans des remblais à proximité des deux autres. Si la tombe de Mellonius contenait un amas d'os organisé en plusieurs remaniements successifs, le sarcophage de Gunsa contenait une unique sépulture, celle d'une jeune femme conservée en espace vide.
Après l'abandon du baptistère, des tombes sont installées dans les niveaux de démolition de manière beaucoup moins dense. Un second bâtiment de plus de 18 m de long sur 11 m de large, orienté perpendiculairement au baptistère, est construit en partie sur les ruines de ce dernier. Il pourrait dater de la fin de la période mérovingienne ou de la période carolingienne.
Trois côtés d'un autre bâtiment du haut Moyen Âge, de même orientation que le baptistère, ont été reconnus à quelques mètres au sud-est. Les murs intérieurs sont également recouverts d'un enduit blanc, le sol est en terre battue. Plusieurs sarcophages mérovingiens sont déposés à l'extérieur contre les murs.
Des aménagements de grande ampleur vont modifier le secteur pendant le Moyen Âge. De nouveaux bâtiments sont construits, les sols sont rehaussés. On a également observé contre les fondations de l'abside de la basilique les traces d'un chantier de construction. Cette séquence est caractérisée par une succession de niveaux de déchets de taille et un niveau de mortier de chaux accumulés lors du gâchage de mortier.
Les dernières campagnes de fouilles ont permis également de compléter le dossier archéologique de l'église paroissiale Notre-Dame. La plus grande partie de l'église est en effet conservée sous la place Grégoire-de-Tours, malgré des altérations provoquées par les aménagements d'époques moderne et contemporaine. Les informations recueillies permettent de préciser le plan de l'édifice (états roman et gothique), la chronologie relative des différentes campagnes de construction ainsi que la situation de la paroissiale à l'intérieur du quartier canonial.
Une partie de la nef a été clairement identifiée. Il s'agit du mur gouttereau nord et de la façade ouest. C'était un bâtiment à nef unique et à chevet plat, de 31 m de long sur 9 m de large. Les textes nous apprennent que plusieurs constructions (chapelle Sainte-Marguerite, sacristie) venaient compléter l'édifice, en s'adossant vraisemblablement aux murs gouttereaux.
L'analyse de ces vestiges montre que le couvrement de la nef était initialement constitué d'une simple charpente. C'est plus tard, lors d'une campagne de construction gothique, qu'on procéda au voûtement de ce volume. Les contreforts qui viennent en collage contre le gouttereau observé permettent de restituer les travées jusqu'au chevet.
À l'époque révolutionnaire, l'édifice est " privatisé ". Il est divisé en plusieurs volumes est fait l'objet de réaménagements liés aux changements de fonction du bâtiment mais aussi à son état de conservation (il est en partie détruit au début du xixe siècle). On construit en sous-sol, sur toute la largeur de la nef, des caves couvertes d'une voûte reposant sur les gouttereaux.
Une chapelle romane (7,10 x 3,20 m) est également construite au milieu du cimetière. Elle est formée d'une petite nef terminée par une abside voûtée en " cul de four ". Les fondations de deux bases de piliers étaient destinées à soutenir l'arc triomphal. Le sous-sol de la chapelle était voûté en plein cintre. Ce niveau a servi d'ossuaire à la fin du Moyen Âge.
À l'extérieur, plusieurs caveaux maçonnés viennent se greffer sur l'édifice ; certains sont construits dans l'épaisseur du mur, ce qui pose le problème de l'état de l'édifice à ce moment. Trois autres caveaux ont été identifiés dans le cimetière ; l'un d'entre eux a été fouillé. Il ne contenait qu'une réduction au fond, et était surmonté de remblais hétérogènes non spécifiquement funéraires.
Éléments essentiels des édifices religieux, les cloches rythment la vie des chanoines et des habitants. Un secteur du cimetière a été occupé par des aménagements destinés à la fabrication de cloches : le moule proprement dit, recoupé par un four postérieur de bronzier destiné vraisemblablement à un autre moule. Ces cloches étaient vraisemblablement destinées à l'église paroissiale Notre-Dame, comme le suggèrent la localisation, les dimensions et la taille de la cloche.