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Nouveaux vestiges du Néolithique, de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer à Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin)
L’exploration archéologique a permis la mise au jour d’une cinquantaine de structures archéologiques attribuées à plusieurs périodes. Les vestiges les plus anciens correspondent à des inhumations inégalement conservées du Néolithique moyen et récent. Des fosses et des silos sont présents à l’âge du Bronze ancien et final tout comme à l’âge du Fer. Ils contenaient de nombreux vases et des artéfacts en terre cuite, parfois des restes osseux d’animaux.
Sur l’emplacement d’une future voie d’accès à la tuilerie située à l’ouest de l’emprise, la fouille s’est étendue sur 6 200 m², entre la sortie est d’Achenheim et l’entrée ouest d’Oberschaeffolsheim. L’opération suit un diagnostic archéologique réalisé en 2022 et qui avait livré quelques traces du Bronze final et du premier âge du Fer. Elle s’appuie sur une prescription visant à caractériser cet habitat, à en déterminer le statut et à le mettre en perspective dans la chronologie régionale. Les découvertes du Néolithique, du Bronze ancien et de la fin de l’âge du Fer sont donc des nouveautés révélées uniquement à la fouille.
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Vue du décapage en cours à Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Matthieu Michler, Inrap
Des inhumations du Néolithique moyen et récent (4400-3800)
Sept sépultures à inhumation sont attestées sur l’emprise. Elles se répartissent, à peu près au centre de l'emprise, en deux groupes de trois et une tombe isolée.
Les trois sépultures du groupe le plus méridional sont attribuées à la culture de Bruebach-Oberbergen, qui se développe, en Basse-Alsace, durant la seconde moitié du Vᵉ millénaire (entre 4375 et 4250 av. J.-C. environ). Les défunts reposent tous sur le dos, jambes allongées et les bras le long du corps, dans des fosses qui, quand elles sont visibles, semblent ajustées aux corps. Dans deux d'entre elles, du mobilier accompagnait les défunts : deux armatures de flèches triangulaires en silex dans l’une et un bel exemplaire d'un gobelet à épaulement orné de motifs typiques du Bruebach-Oberbergen dans l’autre. Relativement peu fréquente dans la région, la découverte de ce petit ensemble funéraire est d'autant plus intéressante du fait du voisinage du site d'Oberschaeffolsheim « rue du Général de Gaulle ».
En effet, à environ 500 m à l'ouest, les fouilles menées par l'Inrap à Achenheim Strasse 2 avaient permis la mise au jour d'un important site d'habitat associé à une enceinte, de cette même culture. Au sein des divers silos découverts, plusieurs d'entre eux contenaient des inhumations relevant du phénomène des « inhumations en fosse circulaire », nouvelle pratique funéraire qui apparaît en Alsace au cours de la seconde moitié du Vᵉ millénaire et remplace petit à petit la tradition précédente des grandes nécropoles à sépulture « plates » de la première partie du Néolithique moyen régional. Le nouvel ensemble vient donc illustrer la coexistence des deux pratiques sur ce qui est vraisemblablement un seul et même site.
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Vue en plan d'une inhumation (16) datée du Néolithique récent (4000-3400 avant J.-C.) et perturbée par les labours. On distingue à l’est une lame de hache en roche noire et une lame de ciseau ou d’herminette en schiste, Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Matthieu Michler, Inrap
Les trois sépultures localisées un peu plus au nord sont, elles, attribuées (par le mobilier et les datations radiocarbone) à une phase ancienne (pour la région) de la culture de Michelsberg, qui prend place à la charnière des Vᵉ et IVᵉ millénaires. Les défunts sont inhumés sur le dos, les membres inférieurs en extension et, quand cela a pu être déterminé, les mains posées sur l'abdomen ou ramenées vers le visage. Parmi le mobilier associé aux défunts, on peut noter une lame de hache et une petite lame d'herminette en pierre, au moins deux poinçons en os et un vase dont la forme est typique du Michelsberg ancien du Rhin supérieur. La découverte d'un petit ensemble de sépultures « plates » attribué à cette phase ancienne du Michelsberg est tout à fait remarquable dans la région, d'autant plus que, sur le même site d'Achenheim strasse 2 mentionné plus haut, un second petit ensemble de quatre sépultures avait été découvert et constituait alors un cas unique dans la région.
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Vue en plan d'une inhumation (56) datée du Néolithique moyen (Ve millénaire avant J.-C.) avec dépôt de deux pointes de flèche triangulaires en silex et un vase, Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Matthieu Michler, Inrap
Il n'est pas impossible que l'inhumation retrouvée au nord de ce dernier groupe soit contemporaine. En l'absence de limite de fosse visible, d'après la position du corps (fléchi sur le côté) et le résultat de la datation au carbone 14, il est probable qu'il s'agisse là d'un vestige d'une inhumation dans une fosse circulaire qui ne serait plus perceptible. On ne peut toutefois exclure qu'elle soit postérieure aux traces d'une occupation attribuée à la phase finale (pour la région) de la culture de Michelsberg identifiée lors des fouilles du site d'Oberschaeffolsheim RD45, situé à quelques centaines de mètres à l'est.
Une occupation limitée du Bronze ancien
Tout au nord de l’emprise, un silo tronconique, probablement utilisé dans un premier temps pour conserver des céréales, présentait à vingt centimètres au-dessus du fond la dépouille d’un cheval complet daté de la seconde phase de l’âge du Bronze ancien. L’équidé reposait sur le flanc droit et était orienté est-ouest, la tête à l’est, et semblait replié sur lui-même. L’analyse archéozoologique souligne que les extrémités des pattes antérieures ont été retirées au préalable, et rejetées au fond de la fosse avant le reste de la carcasse. Ces bas de patte isolés et les traces de découpes pourraient indiquer que la peau a été enlevée. Cependant, d’autres indices montrent que les chairs étaient encore présentes. L’hypothèse de l'hippophagie ne semble pas être envisagée au vu de l’âge avancé de l’individu. Cet équidé pose donc de nombreuses questions et notamment celle d’un dépôt intentionnel ou d’un équarrissage. Jusqu’à aujourd’hui, les dépôts d’équidé n’apparaissaient qu’au second âge du Fer (La Tène) en Alsace.
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Fond d’un silo avec dépôt d’une jument daté de l'âge du Bronze ancien (XVIIIe-XVIIe siècles av. J.-C.), Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Matthieu Michler, Inrap
Fosses et silos de la fin de l’âge du Bronze et du premier âge du Fer
Une trentaine de structures peuvent se rattacher à des occupations successives de la fin de l’âge du Bronze au premier âge du Fer. Il s’agit principalement de fosses d’extraction de lœss parfois polylobées ou de silos le plus souvent tronconiques.
Pour le milieu du Bronze final et sa phase terminale, le mobilier céramique est abondant et a permis de compléter les informations du diagnostic. Les formes se rattachent aux productions locales déjà connues (gobelets, tasses ou assiettes par exemple) et des observations fines ont révélé des traitements de surface particuliers sur les récipients tronconiques. Une fosse circulaire avec présence de vases entiers lors du diagnostic a fait l’objet d’une fouille complète (sans mise au jour d’éléments entiers dans l’autre moitié). Par contre, plus au sud, la fouille d'une autre fosse a permis la mise au jour d’un petit gobelet proche des modèles de la fosse précédente ainsi qu’un fragment de croissant d’argile. D’autres structures ont livré de tels croissants décorés, dont la fonction précise reste encore à trouver. Le fond d’une petite fosse était quant à lui tapissé de pesons en argile destinés au tissage, associés avec une fusaïole employé pour le filage. Ce type de structure se rencontre de plus en plus fréquemment en Alsace.
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Vue en coupe du silo tronconique daté de l’étape moyenne du Bronze final (Hallstatt B1 ou BF IIIa), Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Matthieu Michler, Inrap
Le passage au premier âge du Fer est souligné par l’apparition de nouvelles formes hautes et basses et l’emploi de nouveaux décors comme la polychromie. Deux étapes ont d’ores et déjà été mises en évidence, le début et le milieu du premier âge du Fer.
Fosses de l’époque gauloise
Deux fosses circulaires situées en partie sud de l’emprise peuvent se rattacher à la fin du second âge du Fer. L’une d’elles présente un niveau riche en artefacts dans sa partie supérieure, l’autre a livré un lot important de faune (abondance de porc et présence exceptionnelle de l’auroch).
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Vue en coupe d'une fosse (71) datée de La Tène finale (Ier siècle avant J.-C.) en cours de fouille, Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Sylvain Griselin, Inrap
La fouille fine a permis l’identification, entre autres, de grands récipients de type dolium destinés au stockage dont certains ont pu être produits en Alsace et de nombreux restes de torchis de couleur rougeâtre. Le vaisselier est représenté par des écuelles, des pots, une bouteille et un gobelet.
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Deux grandes jarres (dolia) provenant d'une fosse (71) et datées de La Tène finale. L’une porte des traces de coulures, Oberschaeffolsheim (Bas-Rhin), 2023.
© Clément Féliu, Inrap
Traces parcellaires et agricoles récentes
Mis à part un nombre conséquent d'anomalies plus ou moins circulaires correspondant soit à un chablis ou des placages limoneux naturels, le décapage a révélé la présence de structures linéaires sans mobilier associé (limites parcellaires possibles) et de sillons de labours. Outre les labours récents visibles dès le décapage et ayant arasé les vestiges plus anciens, de rares structures contemporaines (fosse dépotoir ou à betterave) ont été localisées au sud de l’emprise.
L'étude
L'étude de ces vestiges est en cours. Ainsi, les prélèvements effectués dans les silos ont permis de recueillir des graines carbonisées dont il s’agira d’identifier les espèces afin de comprendre les pratiques agropastorales des occupants à la Protohistoire. La continuité d’occupation entre l’étape moyenne du Bronze final et l’étape moyenne du premier âge du Fer est à souligner ici grâce au mobilier céramique mis au jour. La présence de quelques fosses de la fin de l’âge du Fer fait écho aux occupations limitées de cette période à proximité. L’étude des restes d' argile passés par le feu, correspondant soit à des revêtements de sols ou de foyers, soit à du torchis plaqué sur les parois des constructions permettra aussi d’avancer les connaissances sur l’emploi de la terre dans l’habitat ancien de la région. Concernant les inhumations du Néolithique moyen et récent, une étude des ADN anciens est en cours actuellement et permettra probablement d’identifier des liens familiaux entre les individus du site ou de sites régionaux.
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Matthieu Michler, Inrap