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Néandertal, une histoire belge ?
Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.
Avec Marcel Otte, paléoanthropologue, professeur émérite de Préhistoire de l'Université de Liège. Membre correspondant de l’Institut de Paléontologie Humaine de Paris. Président de la Commission « Paléolithique Supérieur d'Eurasie » - UISPP - CIPSH – UNESCO
Durant 200 000 ans, notre continent a été occupé par des communautés néandertaliennes, qui vécurent au cœur d’un véritable isolat - le cul-de-sac de l’Europe - puis disparurent sous l’arrivée d’une vague migratoire, celle de l’Homme moderne, c’est-à-dire la nôtre, il y a environ 45 000 ans.
Longtemps, les archéologues et les paléontologues ont insisté sur les caractères archaïques de ce groupe humain. Toutefois, depuis quelques années, la tendance s’inverse, pour voir des communautés en parfaite symbiose avec leur environnement et la nature… En durcissant le trait, Néandertal s’avère désormais, et tout à la fois écologiste, par essence humaniste et même, peut-être, un peu artiste.
Âge d’or ou d’abondance ?
Le paléolithique est certes un "âge de pierre, âge d’abondance” (Marshall Sahlins, 1972) pour autant, nombre de préhistoriens en ont fait un "âge d’or de l’humanité" (Jean Chavaillon, Odile Jacob, 1996). Ainsi, les âges sombres n’apparaissent, voici 10 000 ans, qu’avec l’agriculture néolithique, la sédentarité, les violences de masse et les maladies liées à la proximité des animaux (les zoonoses).
Pour Marcel Otte, l’âge d’or de l’Europe est néandertalien, et s’achève avec l’arrivée de l’Homme moderne (Homo sapiens) et l’émergence d’une nouvelle pensée, "d’une nouvelle métaphysique conquérante ou l’homme puise ses convictions : le développement de soi au détriment des autres formes de vie".
Des communautés en symbiose avec leur environnement ?
Néandertal a vécu dans des conditions climatiques parfois extrêmes, entraînant de très importantes chutes démographiques d’une population par essence résiliente.
Il nous a laissé beaucoup d’outils en silex, que les préhistoriens analysent. Ils ont ainsi perçu des régionalismes, des fragmentations et la création de traditions au sein des cultures. On le sait, le bois ne se conserve pas, pourtant, quelques objets nous sont parvenus, notamment en Allemagne, mais bien d’autres devaient être employés. En revanche, Marcel Otte souligne la faiblesse des outils fabriqués à partir des ossements d’animaux (os en bois de renne ou ivoire). Celui-ci pense que l’on ne pouvait tuer une proie, avec une arme issue du règne animal.
Néandertal pensait-il comme nous ?
Que pensait Néandertal ? D’ailleurs, pensait-il comme nous, rien n’est moins certain ! En revanche, Néandertal possède bien une pensée symbolique, que nous percevons au travers de certains biens particuliers (phalanges d’aigle découpées issue de la grotte de Fumane, en Italie par exemple). L’apparition de pratiques funéraires s’avère aussi un fait important, et il est fort probable que ces communautés préhistoriques aient possédé, elles aussi, leurs propres mythologies pour expliquer le monde. L’arrivée de l’Homme moderne, il y a environ 45 000 ans, porteur d’une nouvelle technologie, mais aussi d’une nouvelle philosophie, allait entraîner la disparition des néandertaliens. Juste avant de disparaître, ceux-ci auraient perdu leur valeur, et par là même leur identité.
Pour aller plus loin
- Présentation de Marcel Otte, sur le site de l'Université de Liège, sur Wikipédia, sur Babelio, sur le site Hominidés.com.
- Son profil Radio France.
- Ses publications, sur Cairn.info, sur Persée, sur Babelio, aux éditions Odile Jacob.
- Présentation de son ouvrage, Les Néandertaliens : l'âge d'or de l'Europe, paru aux éditions Odile Jacob, en janvier 2024.