Émissions de radio
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Mis à jour le
29 juillet 2022
Collection
Carbone 14

Pour découvrir l’archéologie d’aujourd’hui, ses sciences connexes, mais aussi approcher et décrypter ce que la discipline recouvre de concepts, de modèles, Carbone 14, le magazine de l'archéologie, retrace les avancées de la recherche française et internationale et parcourt terrains, chantiers et laboratoires. Une émission à écouter chaque samedi, de 19 h 30 à 20 h sur France Culture et à réécouter sur Inrap.fr.

Avec Margaux Bekas, doctorante à l'Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne et Pascal Capus, chargé de collections au Musée Saint-Raymond à Toulouse.

En quelques années, l’archéologie apporte des éléments matériels capitaux, autour d’un étonnant culte antique lié au dieu Mithra.

Au moins deux grands sanctuaires ont été découverts et fouillés l’un à Angers, l’autre à Mariana, en Corse. La découvertes de ces sanctuaires, les « mithrea, » souvent cachés sous terre, (car faisant référence à l'endroit où Mithra met à mort le taureau), nous autorise, ainsi, nous simples profanes, à pénétrer au cœur même de ces espaces les plus consacrés, les plus interdits…

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Mithra tuant le taureau. Statue en marbre datée du milieu du IIe ou début du IIIe siècle. Cabra, villa de Fuente Las Piedras - Municipium Flavium Igabrensis 



 

© Museo Arqueológico y Etnológico, Cordoue (Espagne) - inv.13164.

Il faut dire que le dieu Mithra incarne à lui seul ce que l’on appelle les religions à mystère. Son histoire, son cheminement d’Orient vers l’Occident, sa disparition soudaine, constituent à eux seuls un vrai sujet, à part entière…

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Autel votif avec la naissance de Mithra, en basalte. IIe-IIIe siècle. Francfort-Heddernheim (Allemagne), sanctuaire de Mithra (mithréum III) 

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 © Archäologisches Museum, Francfort-sur-le-Main (Allemagne) - inv. X 9354 (1887).

Mithra

Les plus anciennes représentations de Mithra apparaissent en Orient. Le dieu porte notamment un haut bonnet de feutre phrygien, traditionnellement associé aux cavaliers d’Iran et d’Asie centrale. Dans l’Empire romain, l’image de Mithra associe à ces éléments orientaux un visage imberbe et juvénile. Il est généralement associé à deux personnages, Cautès et Cautopatès, les porteurs de torche.

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Cautopatès, en calcaire. Début du IIIe siècle. Francfort-Heddern - heim (Allemagne), sanctuaire de Mithra (mithréum III) - Nida 

© Archäologisches Museum, Francfort-sur-le-Main (Allemagne)
 

Au cœur du sanctuaire

Le mithreum est un espace théâtralisé. Murs et banquettes sont colorés, imitant parfois le marbre. Voûte ou plafond ornés de motifs étoilés renvoient à la dimension cosmique du mythe. Des lampes à huile, assemblées en lustres ou disposées sur les banquettes, sur de petits autels ou dans des niches, produisent des jeux d’éclairage dans une pénombre. Bien que l’accès au sanctuaire reste réservé aux membres des communautés, ces dernières ne sont pas clandestines. D’ailleurs, à partir du IIIe siècle de notre ère, les "mithrea" sont bien visibles dans l’espace urbain ; l’idée d’un culte marginal et secret est donc peut-être à nuancer.

Le culte de Mithra a été introduit dans l’Empire romain et en Gaule par les soldats des légions. Le culte mithriaque surprend par la diversité de ses adeptes. Les communautés se forment souvent dans un cadre professionnel, entre soldats, fonctionnaires, artisans ou commerçants, employés d’une même structure. Elles se réunissent parfois dans des sanctuaires aménagés directement sur leur lieu de travail.

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Bague à intaille avec Mithra sacrifiant le taureau. Calcédoine de l'époque romaine impériale. 



 

© Bibliothèque Nationale de France, ancienne collection James Millingen, Paris - inv. 58.2031.

Un culte réservé aux initiés

Dans l’Antiquité, le terme « mystère » est utilisé pour souligner la dimension secrète de certains cultes, caractérisés par une initiation conférant savoir philosophique et transformation spirituelle. Des auteurs chrétiens de l’Antiquité tardive décrivent l’initiation comme brutale : ils évoquent des « châtiments » ou encore des initiés qui, yeux bandés et mains liées, sont jetés dans des bassins d’eau glacée. Un autre auteur chrétien mentionne de son côté des rituels utilisant couronnes et glaives, parfois mis en lien avec certaines découvertes archéologiques. Ces auteurs sont bien entendu partiaux et, de manière générale, très critiques sur l’ensemble des cultes et des rites non chrétiens. Par-delà ces exagérations, les pratiques violentes attribuées aux rituels mithriaques pourraient bien ne correspondre qu’à des simulacres de gestes, reproduisant symboliquement certains épisodes du mythe.

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Mithra tuant le taureau. La partie supérieure droite de ce relief, en calcaire, a été endommagée en 1944 (Francfort) puis restaurée. Début du IIIe siècle. 

© Archäologisches Museum, Francfort-sur-le-Main (Allemagne) - inv. X 9351.
 

Les dieux meurent aussi

L’édit de Théodose Ier (l’édit de Thessalonique) en 380, fait du christianisme la religion officielle de l’Empire romain. Celui-ci relègue l’ensemble des autres cultes traditionnels, avant qu’ils ne deviennent, eux aussi, objet de persécutions. L’interdiction des pratiques païennes a très certainement joué un rôle majeur dans le déclin des communautés mithriaques, il est toutefois probable que celui-ci ait pris quelque temps, des monnaies datées du tout début du 5e siècle ayant été découvertes dans certains sanctuaires. Des actes iconoclastes sont aussi présents, une sorte de « mise à mort » rituelle des sculptures : Mithra décapité, ou, par exemple, martelé, à Angers mais aussi en Germanie.

L’idée de destructions massives et systématiques des sanctuaires liées à quelques attaques de chrétiens encouragés par l’édit impériaux est toutefois très probablement à nuancer.

Quoi qu’il en soit, le dieu romain Mithra, et ses cultes, sont encore loin d’avoir livrés tous leurs secrets...

Pour aller plus loin

Année :
2022
Durée :
29 min