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Les plus vieux outils du monde ont 3,3 millions d'années
Après l'annonce rapportant la découverte des plus vieux outils de pierre taillée au monde, lors du colloque annuel de la Société de paléoanthropologie de San Francisco le 14 avril dernier, des chercheurs du CNRS, de l'Inrap et de l'université de Poitiers publient leurs résultats dans Nature, le 21 mai 2015. Ces derniers rapportent la découverte, au Kenya, de ces outils de pierre taillée, vieux de 3,3 millions d'années.
Alors que la communauté scientifique a longtemps supposé que les premiers outils de pierre avaient été fabriqués par le genre Homo, cette découverte montre qu'un autre genre d'hominidé, peut-être une forme d'australopithèque beaucoup plus ancienne, avait déjà toutes les capacités nécessaires à la fabrication d'outils.
Le lac Turkana, situé au nord du Kenya, regroupe de nombreux sites archéologiques datant de 700 000 ans à plus de trois millions d'années. Ces sites livrent des outils des plus primitifs aux plus perfectionnés. Depuis trente ans, des recherches menées dans le cadre de la Mission préhistorique au Kenya et du « West Turkana Archaeological Project », ont permis de reconstituer l'évolution technique de la taille de la pierre au cours du temps, essentielle pour mieux comprendre les capacités cognitives et motrices des premiers hominidés.
Les nouveaux vestiges trouvés par les chercheurs sur la rive occidentale du lac Turkana datent de 3,3 millions d'années et font instantanément reculer de 700 000 ans l'apparition des premiers outils de pierre taillée, les plus anciens retrouvés jusqu'à présent, en Ethiopie, datant de 2,6 millions d'années. Ces nouveaux outils mis au jour sont en majorité des blocs de lave, lourds et volumineux, qui ont servi à produire des éclats tranchants au moyen d'une technique dite sur enclume. Cette technique nécessite trois objets bien distincts : le bloc à tailler, un percuteur et une enclume. Le bloc est maintenu sur l'enclume par une main pendant que l'autre utilise le percuteur pour frapper et obtenir des éclats tranchants à partir du bloc. D'autres outils ont été élaborés grâce à une technique différente, dite « sur percuteur dormant » : le bloc à tailler est directement percuté sur l'enclume. Malgré l'aspect rudimentaire de ces outils, la vaste panoplie d'objets retrouvée sur le site (éclats, enclumes, percuteurs, nucléus), indique clairement que l'intention de ces hominidés était bien de créer des outils.
La région du Turkana étant très volcanique, la datation du site, et indirectement de ces pierres taillées, a été réalisée notamment par téphrostratigraphie, une technique qui revient à dater par des procédés physico-chimiques les couches de cendres intercalés avec les sédiments dans lesquelles sont emprisonnés les outils. Les chercheurs ont doublé leurs mesures avec la méthode du paléomagnétisme qui consiste à prélever des sédiments autour des outils et à mesurer leur polarité (celle-ci dépend de l'orientation du champ magnétique terrestre, variable en fonction des époques).
Cette découverte, qui révolutionne nos connaissances sur l'évolution humaine, apporte la première preuve archéologique de l'existence des capacités cognitives et motrices nécessaires à la fabrication d'outils en pierre dure chez des hominidés, il y a déjà plus de 3 millions d'années. Les conditions de l'émergence de ces outils sont à élucider : les investigations se poursuivent donc sur ce site de la rive occidentale du Turkana, qui n'a pas encore livré tous ses secrets.
Mahaut Tyrrell
chargée de communication médias
Inrap, service partenariats et relations avec les médias
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