En 2018, dans la commune de Massongy, une équipe d’archéologues de l’Inrap a fouillé un village et un vaste ensemble mégalithique du Néolithique moyen. Depuis, le travail en laboratoire a permis de mettre en évidence de nombreuses informations complémentaires aux éléments déjà récoltés sur le terrain, révélant un site d'une importance exceptionnelle.

Dernière modification
09 juin 2021

Le site du « chemin des Bels » se divise en deux zones principales : l’une correspond aux traces d’un village daté du Néolithique moyen, culture dite du « Cortaillod »  ; l’autre à un vaste ensemble mégalithique contemporain. Ce dernier semble s’organiser selon un plan très cohérent avec plusieurs phases de réaménagements. Un grand nombre d’artefacts ont été retrouvés dans les comblements situés autour d’une grande dalle couchée de 3,4 m de long, de 1,1 m de large et 1 m de haut pour une masse d'environ 5 tonnes. Ces objets montrent que les différentes étapes d’occupations du site sont assez courtes (un à deux siècles maximum).
 

Un lieu cultuel en évolution

Cinq états successifs du site ont été identifiés. Première étape, la grande dalle est apportée. Il se peut qu’elle ait d’abord été utilisée comme grand menhir dressé car elle a été taillée en pointe d’un côté, mais sur ce site, elle a toujours été couchée. Autour d’elle, des stèles d’environ un mètre de haut ont été dressées formant ainsi un grand cercle. Huit de ces blocs ont été trouvés en place mais on estime qu’au minimum quinze blocs se trouvaient autour de la grande dalle. Dans un second temps, les blocs ont été couchés et enterrés peut-être après seulement quelques décennies. Après cette première destruction, l’accès autour de la grande dalle persiste et des plates-formes en galets sont aménagées autour. Ces différents états permettent de voir combien le lieu reste vivant, certainement pendant plusieurs siècles, en parallèle du « culte » qui semble également évoluer. Durant les dernières phases, le village qui se trouve à quelques dizaines de mètres, apparaît et se développe.

La technique de photogrammétrie type RTI

Lors de l’observation des mégalithes  il a été constaté que certains d’entre eux étaient gravés. Une méthode photogrammétrique RTI (Reflectance Transformation Imaging), consistant à prendre une série de photos à l’aide d’un appareil fixe tout en déplaçant la source de lumière, a permis de relever toutes ces traces. Les gravures les plus fines, parfois invisibles à l'œil nu, apparaissent alors. On peut ainsi voir que la grande dalle a été gravée à l'occasion de plusieurs phases. D’abord, une vingtaine de cupules ont été creusées, formant une sorte de grand U. Ensuite, de nombreux piquetages ont été aménagés autour de certaines cupules et en dessous du U, ces enlèvements punctiformes forment une grande bande rectangulaire. Enfin, au sommet de la dalle, une série de chevrons entrelacés ont été gravés.


 

Deux exemples de gravures géométriques

Deux dalles brisées intentionnellement (avant l’enfouissement ?) portaient des traces multiples de lignes gravées géométriques. Le système RTI permet de retracer l’ordre chronologique de ces dessins. Dans les deux cas, on peut voir des motifs quadrangulaires, cruciformes ou en épi.Une des interprétations possibles serait que ces motifs représentent un paysage parcellaire agricole. Le site du « Chemin des Bels » se trouve à quelques centaines de mètres du massif du Chablais. Depuis les plateaux de ce massif, les paysages agricoles devaient ressembler à ceux gravés sur les pierres.
 

Dessin fait à partir des photo RTI d’une des dalles brisées du site mégalithique de Massongy (Haute-Savoie) avec toutes les phases de gravures restituées.

Dessin fait à partir des photo RTI d’une des dalles brisées du site mégalithique de Massongy (Haute-Savoie) avec toutes les phases de gravures restituées. 

© Sylvei Cousseran-Néré, Inrap



Le mégalithisme du Léman

Le« Chemin des Bels » se place dans un vaste ensemble de sites mégalithiques connus qui a laissé de nombreuses traces autour du lac Léman. Cependant, son remarquable état de conservation, la proximité d’un village contemporain ainsi que la richesse du matériel associé, témoignant de réaménagements successifs dans une longue durée, en font un site mégalithique d'un intérêt exceptionnel. 

Relevé photogrammétrique RTI nocturne de la grande dalle.

Relevé photogrammétrique RTI nocturne de la grande dalle.

© Anicet Konopka, Inrap

Aménagement : Particulier
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne – Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Eric Néré, Inrap